Frédéric Rosset : « Il ne faut pas hésiter à injecter du drame dans la comédie »

Frédéric Rosset : « Il ne faut pas hésiter à injecter du drame dans la comédie »

31 mai 2018
Séries et TV
Frédéric Rosset 440.jpg

Le CNC et la SACD organisent mardi 21 novembre une rencontre thématique ouverte au public et consacrée aux spécificités de l’écriture de comédie dans les séries TV. Elle réunira Judith Siboni (auteur, interprète) et Caroline Hermand (productrice), ayant toutes deux travaillé sur la série Vous les femmes (Robin & Co, pour Teva), ainsi qu’Antoine Szymalka (producteur) et Frédéric Rosset (auteur), pour la série Irresponsable (Tetra Media Fiction-La Pépinière, pour OCS). Rencontre avec ce dernier pour un état des lieux du genre humoristique dans les fictions télévisées hexagonales.


Si la comédie est un genre dominant dans le cinéma français, elle est en revanche beaucoup moins présente côté télévision. Comment l’expliquer ?

Je pense que c’est avant tout une question de format. En France, deux formats dominent : les séries à épisodes de 52’, qui ont pris depuis quelques années le pas sur les téléfilms de 90’, et la « shortcom », c’est-à-dire des fictions humoristiques sous forme de sketches et de pastilles très courtes, comme par exemple Caméra Café, Kaamelott ou En famille. Le 52’ est avant tout utilisé pour les séries dramatiques. Malgré la réussite de séries comiques en 52’ comme Fais pas ci, fais pas ça ou Dix pour cent, le format idéal et traditionnel pour la comédie est à mon sens le 26’. Or celui-ci n’est pas adapté aux créneaux horaires des chaînes, qui diffusent leurs séries en première partie de soirée. Ce créneau du « prime time » dure en moyenne deux heures : diffuser deux épisodes de 52’ ne pose pas de problème, mais programmer quatre 26’ est peu digeste. Difficile par conséquent de trouver une place pour les comédies à la télévision française.


En quoi le format 26’ vous semble-t-il être le plus adapté au genre comique ?

Ce n’est pas le seul, mais il me paraît en effet être idéal pour cela. Quand j’écris du 26’ en comédie, cela m’oblige à garder un certain rythme et à développer une certaine structure qui aide beaucoup à l’efficacité comique tout en laissant un temps suffisant pour développer les personnages, avoir un fil rouge feuilletonnant qui permette de construire une histoire au long cours, sur l’ensemble de la saison… Ce que la shortcom ne permet par contre pas du tout de faire.


Y a-t-il d’autres raisons expliquant la présence très discrète de la comédie à la télévision française ?

J’entends parfois l’argument selon lequel ce genre serait trop clivant, et risquerait de « diviser » l’audience des chaînes, mais pour moi il ne tient pas. Une série qui n’est pas clivante est inintéressante, fade. Effectivement, une série avec une vraie personnalité, qui va loin, peut choquer un public plus âgé. Cette question de l’âge est d’ailleurs l’un des problèmes de fond de la télévision française, dont l’audience est vieillissante. Je pense qu’il faut aller chercher un public plus jeune ; de toute façon ce seront eux, les « vieux » de demain ! C’est un vrai parcours du combattant de les faire revenir devant leur écran de TV, de les pousser à faire confiance aux séries françaises. Mais beaucoup de chaînes semblent davantage soucieuses de conserver leur audience actuelle. Or les exemples dans d’autres pays européens (Scandinavie…) montrent que l’audace paye. Les chaînes hexagonales sont plus audacieuses qu’auparavant, mais cela se répercute peu sur le genre comique (choix de sujets...).


Votre série, Irresponsable, a cependant trouvé sa place sur la chaîne payante OCS. Quelle est la spécificité du travail de ce diffuseur ?

OCS a axé sa politique éditoriale  sur un créneau très peu développé jusqu’ici et peu prisé par ses concurrents : la comédie au format 20/26’. Ce qui, compte tenu de leurs moyens financiers limités, est stratégiquement intéressant, car ce type de séries coûte moins cher que des drames ou des polars… Bref, moins cher que ce que fait la concurrence ! Le manque de moyens est compensé par le fait qu’ils ne sont jamais interventionnistes sur les scénarios ou le casting et laissent une grande liberté aux auteurs.


Cette contrainte budgétaire a-t-elle un impact sur l’écriture ?

Oui. Quand on écrit, on sait par exemple qu’il faut limiter le nombre de décors et de personnages, car tout compte. Il y a forcément des frustrations, mais le résultat nous ressemble à 100%.


Quels sont selon vous les enjeux d’écriture des séries de comédie ?

Avant tout : ne pas oublier de raconter une histoire. Il ne faut pas faire du gag pour faire du gag. Une histoire, c’est du conflit (intérieur…). Or le conflit implique des choses qui ne sont pas forcément drôles. Il ne faut donc, pour moi, pas hésiter à aller par moments vers des choses plus sombres, à injecter du drame dans la comédie. Il ne faut pas non plus tomber dans la caricature des personnages. Le risque est en effet de se reposer sur des acquis, et de vouloir pousser toujours plus loin les situations dans lesquelles évoluent ces personnages comiques. On peut avoir des anti-héros mais il faut arriver à créer de l’empathie pour eux. Si un personnage est juste horrible, rien ne me donne envie de le suivre sur le long cours. C’est ce que j’ai cherché à faire dans Irresponsable : que l’on aime le personnage principal malgré ses défauts.

Parcours

Diplômé de la formation Séries TV de la Fémis en 2014, Frédéric Rosset est l’auteur, avec sa sœur Camille, de la série Irresponsable, diffusée sur OCS. La première saison de cette fiction composée de 10 épisodes de 26’ conte, sur un ton à la fois comique et tendre, le parcours de Julien, un trentenaire au comportement d’adolescent contraint de retourner vivre chez sa mère et découvrant qu’il est lui-même le père d’un « vrai » ado. Une seconde saison vient d’être tournée. Frédéric Rosset a également œuvré sur la saison 3 de Dix pour cent, a écrit un épisode de la série de TF1 Les bracelets rouges (en attente de diffusion) et travaille actuellement sur la série Accros, destinée à Arte.