À la découverte de l’Alhambra à Marseille

À la découverte de l’Alhambra à Marseille

20 septembre 2023
Cinéma
Le cinéma l’Alhambra de Marseille
Le cinéma l’Alhambra de Marseille L’Alhambra

Cette salle art et essai située en plein cœur du Marseille populaire depuis 1928 se démarque par son architecture flamboyante et la vitalité de sa programmation. Mais l’Alhambra poursuit aussi une mission toute particulière : celle de Pôle régional d’éducation aux images en Région Sud. William Benedetto, le directeur, en présente les lieux et les spécificités.


Un palais jaune et blanc en plein cœur de l’Estaque au nord de Marseille. Des airs d’hacienda mexicaine au milieu d’un quartier populaire immanquablement associé aux films de Robert Guédiguian. L’Alhambra est un cinéma classé art et essai, Jeune public, Patrimoine/Répertoire et Recherche et Découverte. Il est doté d’une seule salle. C’est un survivant qui a connu une petite mort à l’orée des années 1980 avant de renaître près d’une décennie plus tard. À la tête de ce bastion cinéphile du 16e arrondissement de la cité phocéenne, William Benedetto – vingt-quatre ans de maison dont douze à sa direction – se bat au quotidien avec son équipe pour faire vivre ce lieu culturel : « L’art et essai, c’est la diversité, la représentation du cinéma dans le monde… Pour certains spectateurs cependant, le cinéma est avant tout un grand spectacle. Ils veulent voir des blockbusters. Dans un souci de proximité et de fidélité avec notre public, nous nous devons de leur offrir également ce type de films… »

Après une trêve estivale, le cinéma a rouvert ses portes avec une programmation qui reflète ce grand écart permanent : Yannick y côtoie ainsi Barbie et Oppenheimer. Quant à Limbo et Les Filles d’Olfa, ils encerclent le dernier Mission : Impossible. « Lorsque c’est possible, nous alternons les séances en version originale et version française. Au spectateur de faire son choix. Comme nous sommes un mono écran, il faut savoir jongler en permanence… » La salle de l’Alhambra a une capacité de 256 places. L’intérieur en plan incliné propose des rangées de sièges en gradins permettant une parfaite visibilité aux spectateurs. Un confort rare compte tenu du « grand âge » d’un bâtiment construit en 1928. William Benedetto le concède, ici pas de projections en IMAX ou en 3D : « Ce n’est pas un choix délibéré, mais nous n’avons pas les moyens d’accompagner toutes les évolutions techniques… Si on vient à l’Alhambra, c’est pour y trouver de la convivialité et se sentir accueilli. »

Grandeur, décadence et… renaissance

Tout a débuté à la toute fin des années 1920. L’Estaque est encore un quartier ouvrier très vivant, qui compte alors trois salles de cinéma. L’Alhambra se distingue par son architecture Art nouveau aux influences hispanisantes. À cette époque, les exploitants aiment à donner à leurs établissements des noms de palais. L’Alhambra évoque immédiatement un joyau andalou. Alors que la télévision n’a pas encore envahi les foyers, la salle de cinéma reste un lieu de vie privilégié. Une spécificité qui va se fragiliser avec le temps. Dans les années 1970, les usines ferment les unes après les autres. Le développement des transports et la démocratisation de la voiture incitent les gens à flâner en centre-ville. Le petit écran trône désormais au milieu des salons. Les salles des cinémas de quartier sont désertées. L’Alhambra résiste néanmoins mieux que ses concurrents et survit jusqu’en 1981.

En 1990, le maire socialiste de Marseille, Gaston Defferre, fait racheter la salle par la ville. L’Alhambra redevient un lieu culturel. Un esprit qui perdure aujourd’hui. « Si le quartier Saint-Henri où est situé notre cinéma a un côté petit village provençal, avec sa petite place, son bar-tabac, son bureau de poste…, les cités des “quartiers nord” ne sont qu’à dix minutes à pied. Il y a un vrai brassage social que nous devons prendre en compte. Notre cinéma est un lieu public, géré de façon associative. Les subventions que nous recevons de la part de la ville et des autres collectivités nous permettent d’effectuer un travail de sensibilisation et d’éducation au cinéma. Plus qu’un devoir, c’est une mission », explique William Benedetto.

Temple des cinéphiles en herbe

Au titre de sa mission de Pôle régional d’éducation aux images encadrée par le CNC, l’Alhambra accompagne la politique d’éducation au cinéma et aux images en faveur des jeunes, tous âges et milieux sociaux confondus, déployée sur l’ensemble du territoire depuis plus de trente ans. Il coordonne ainsi différents dispositifs en temps scolaire (Ma Classe au cinéma ; Toute la lumière sur les SEGPA ; Au cœur du cinéma…) en Région Sud. L’ambition : sensibiliser au 7e art dès le plus jeune âge, aux multiples formats (noir et blanc ou couleur, pellicule ou numérique, court ou long métrage…) et narrations, mais également montrer le cinéma comme un art pluriel et la salle comme un lieu à préserver… « L’idée est aussi d’instaurer une régularité chez les jeunes spectateurs. En venant jusqu’à trois fois dans l’année, on installe une habitude. Cela concerne jusqu’à 5000 élèves par an. À l’échelle de toute une scolarité, nous formons de vrais cinéphiles. Les séances scolaires occupent la majorité des séances du matin et de l’après-midi de septembre à juin. Ce qui représente jusqu’à neuf séances par semaine », détaille William Benedetto.

L’Alhambra fonctionne sept jours sur sept et emploie une équipe de 11 personnes. Avant-premières surprises de l’AFCAE (Association française des Cinémas d’Art et d’Essai), projections en présence de cinéastes… : l’Alhambra place au cœur de son projet la transmission et la sensibilisation au cinéma de tous les publics. Avec un rêve que William Benedetto poursuit : « Celui de voir des gamins qui, avant une partie de football ou autre, discuteraient d’un film qu’ils auraient vu à l’Alhambra. »