"Confidences trop intimes", de l’écran au théâtre

"Confidences trop intimes", de l’écran au théâtre

26 janvier 2021
Cinéma
Confidences trop intimes de Patrice Leconte
"Confidences trop intimes" de Patrice Leconte Les Films Alain Sarde - Zoulou Films - France 3 Cinéma - Assise Production - STUDIOCANAL - Mars Distribution
Coscénariste de Confidences trop intimes de Patrice Leconte, Jérôme Tonnerre a adapté le film en pièce de théâtre. Il revient sur cette expérience inédite pour lui.

En 2004, sort sur les écrans Confidences trop intimes de Patrice Leconte. Pour sa première collaboration avec le scénariste Jérôme Tonnerre, le cinéaste y filmait les mésaventures d’un conseiller fiscal (Fabrice Luchini), confondu avec un psy par une patiente (Sandrine Bonnaire) à laquelle il mentait sur son vrai métier. Entre ces deux êtres bancals, une relation ambiguë s’installait... Trois ans plus tard, le film devenait une pièce de théâtre adaptée par Jérôme Tonnerre et mise en scène par Patrice Leconte. L’auteur analyse cette genèse un peu particulière.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à écrire l’adaptation théâtrale du film de Patrice Leconte ?

D’abord, je voudrais préciser que le film a mis du temps à se faire. Je l’avais envisagé avec Claude Sautet en 1995. Il ne souhaitait pas le réaliser, mais m’a accompagné durant le processus d’écriture. Comme je ne trouvais pas de réalisateur, on m’avait déjà conseillé à l’époque d’en tirer une pièce de théâtre – dès que vous êtes auteur, on vous suggère ce genre de chose. Cela ne s’est pas fait et j’ai fini par écrire le film pour Patrice Leconte... Dans la foulée de la sortie en salles, Patrice, qui avait déjà travaillé pour le théâtre et cherchait un projet de pièce, m’a passé commande de l’adaptation.

Quelle a été votre première réaction ?

J’étais très réticent, n’ayant jamais écrit pour le théâtre. Je ne connaissais pas l’articulation des actes, le rythme, le découpage scénographique... Le film, dont l’action se déroule principalement dans des bureaux et des appartements, n’avait bizarrement pas été taxé de théâtral, sans doute grâce à la mise en scène de Patrice. Du coup, je n’étais pas convaincu. Comme il insistait, je m’y suis mis malgré tout.

Comment s’est passé votre travail d’adaptation ?

Je vais évidemment beaucoup au théâtre et me suis fié à mon intuition. J’ai suivi le scénario en simplifiant certaines choses. J’ai notamment allégé des dialogues que je trouvais trop explicatifs à l’écran et enlevé les rares scènes d’extérieurs. Quelques personnages secondaires ont aussi disparu. L’essentiel de l’adaptation était en réalité scénique.

Patrice Leconte voulait, comme dans le film, jouer sur les non-dits, ce qui n’est pas évident au théâtre où l’on est plutôt dans le remplissage par les mots. Par sa mise en scène et l’éclairage, il a tenté, et réussi de mon point de vue, à retrouver le principe du gros plan.

Il fallait montrer également le cabinet du conseiller fiscal et celui du vrai psy. Patrice et son décorateur ont trouvé un système très efficace, qui consistait à éclairer alternativement une partie du décor scindé en deux, avec d’un côté le cabinet principal du conseiller, et de l’autre, en plus petit, celui du psy. À l’arrivée, La pièce a quelque chose de très cinématographique, ce que n’ont pas manqué de souligner les critiques.

Jacques Gamblin et Mélanie Doutey ont repris les rôles tenus par Fabrice Luchini et Sandrine Bonnaire. Cela a-t-il impacté le ton de l’histoire ?

Changer d’acteur, c’est comme changer d’instrument : cela joue forcément. À leur demande, je suis venu travailler avec eux lors d’une répétition pour affiner certaines choses, alors que je ne vais jamais sur les tournages. Jacques Gamblin a été très exigeant. Il ne voulait pas se caler sur le film et la performance de Fabrice Luchini. Il a abordé le rôle avec un regard neuf en posant des tas de questions, comme s’il s’agissait d’une création originale. Le personnage a peut-être gagné avec lui en ironie et en second degré. Quant à Mélanie Doutey, elle est allée davantage dans la comédie et la fraîcheur que Sandrine Bonnaire qui, dans le film, est véritablement une femme blessée et en souffrance.

Le film a bien marché, en attirant près de 900 000 spectateurs en salles. Et la pièce ?

Également. Elle est restée presque six mois à l’affiche. Contrairement à ce que j’avais pronostiqué, le film a servi de chambre d’écho à la pièce. Les gens, me semble-t-il, sont venus la voir parce qu’il y avait cette notoriété préexistante.

Cette expérience vous a-t-elle donné envie d’écrire des pièces ou d’autres adaptations ?

J’ai été accueilli très chaleureusement par la famille du théâtre, j’ai même pris un agent spécialisé et le texte de Confidences trop intimes a été publié dans L’Avant-Scène. Il y a eu, pour tout dire, des opportunités que je n’ai pas saisies. (Rires.) Le métier de scénariste, tel que je le pratique, est très absorbant et je n’ai pas véritablement le temps de faire autre chose.

Confidences trop intimes Auteur : Jérôme Tonnerre. Mise en scène : Patrice Leconte. Création : Théâtre de l’Atelier, Paris, 2007