Les Enfants des Lumière(s) : journal de bord d’un court métrage

Les Enfants des Lumière(s) : journal de bord d’un court métrage

24 juin 2021
Cinéma
Sur le tournage de Dakira
Sur le tournage de Dakira Agnès Sempé-Jauffres
Dans le cadre des Enfants des Lumière(s), dispositif d’éducation à l’image mis en place par le CNC et les académies de Paris, Versailles et Créteil, les élèves de Terminal du lycée Jean Jaurès (Argenteuil) ont choisi de réaliser un drame qui interroge les liens familiaux, le souvenir, mais aussi la construction identitaire. Ils nous livrent leurs réflexions sous forme de journal de bord.

L’histoire est celle de Saphir, un jeune homme qui a perdu ses parents en Palestine. Recueilli par une famille française, il rencontre des difficultés à nouer des liens avec Eli, sa sœur adoptive. Une adolescente de son âge qui semble avoir du mal à accepter son arrivée dans la famille…

Questionner les relations fraternelle

Et si la famille, c’était plus que des liens du sang ?

« C’est en partant de cette idée que nous avons décidé de développer la relation entre frère et sœur, mais à travers une relation conflictuelle. Saphir est un jeune homme originaire de la Palestine qui a été recueilli par Agnès, la meilleure amie de sa défunte mère. Ayant peu de souvenirs de ses parents, Saphir dessine dans son carnet pour ne pas oublier. Nous avons voulu montrer que, bien que Saphir soit très attaché à ses racines, son arrivée dans cette nouvelle famille, dans un autre pays, c’est aussi l’opportunité de faire pousser en lui de nouvelles racines et de développer de nouveaux sentiments, comme celui d’aimer une sœur, lui qui est enfant unique.  Néanmoins, cette relation fraternelle va se construire sur des oppositions permanentes, et rares sont les moments où les deux personnages éprouvent de l’affection l’un envers l’autre. C’est justement cette mésentente entre deux caractères différents et complexes qu’il nous intéressait de mettre en image et de questionner. » Bruno Gomes Peixoto

photogramme Dakira
Photogramme de Dakira  DR

Représenter un conflit familial

Dans l’histoire du cinéma, on a toujours représenté des conflits familiaux plus ou moins virulents.

« Les relations familiales peuvent totalement différer d’un film à l’autre. A travers notre film, nous souhaitions interroger la connexion chaotique qui lie un frère et une sœur. La mise en scène est ainsi construite sur l’opposition entre Saphir et Eli grâce aux mouvements des caméras, et le cadrage  inspirés de Juste la fin du monde de Xavier Dolan, qui filme merveilleusement les scènes de confrontation. » Nour Bereski

Les influences

« Nous avons vu plusieurs drames familiaux qui nous ont influencés pour mettre en scène notre film. Par exemple, le film d’Hirokazu Kore-eda, Une affaire de famille, qui montre toute une famille sans aucun lien de sang mais qui fonctionne comme tel. A l’inverse, Juste la fin du monde de Xavier Dolan raconte une famille dysfonctionnelle, incapable de communiquer. Dans La Nuit du chasseur de Charles Laugton, un père condamné pour vol et meurtre, confie à ses enfant une grosse somme d’argent avant d’être incarcéré, mais ils ne doivent révéler l'existence de cet argent à personne. Abandonnés à eux-mêmes et poursuivis par un pasteur psychopathe, les enfants s’enfuient… Dakira s’inspire un peu de toutes ces histoires à travers ces deux adolescents qui se retrouvent à devoir nouer des liens fraternels de façon brutale et qui ont du mal à se comprendre. » Yacine Ghomari

Sur le tournage de Dakira Agnès Sempé-Jauffre

La symbolique du titre

Le titre de notre film fut l’objet d’une profonde réflexion. Dakira signifie « la mémoire » en arabe.

« Par ce titre, nous avons voulu évoquer les origines orientales de notre personnage principal et jouer sur la double signification de ce mot. En effet, la mémoire se définit à la fois par l’aptitude à conserver et a? restituer des choses passées sous une forme mentale, mais aussi par le souvenir laisse? par quelqu’un ou quelque chose. Ainsi, le titre fait référence a? la tragédie que vit notre personnage principal, un jeune Palestinien qui, devenu orphelin, est recueilli par une famille en France. Déraciné, il n’a plus de trace de son passé, qu’il cherche à reconstruire par le biais de l’art. De même, le choix du prénom, Saphir, « le voyageur » en arabe, n’est pas anodin. Ce personnage voyage entre le souvenir et le présent, entre sa famille originelle et sa famille adoptive. » Yanis Yjjou

Sur le tournage de Dakira 
Sur le tournage de Dakira  Juliette Labard

Le rapport aux arts

« Saphir est un artiste qui a fait de l’encre et de la peinture un moyen d’exprimer sa peine en la sublimant. Nous avons cherché à restituer ce rapport à l’art et au sublime par une mise en scène très esthétique, à l’image du film de Nuri Bilge Ceylan, Le Poirier sauvage. Car après tout, le cinéma, c’est  transmettre des émotions aux spectateurs par l’image. » Nour Bereski

Nous avions à cœur d’accorder une place toute particulière aux arts visuels. Saphir, au début du film, tient un carnet à dessins dans lequel il trace ses souvenirs. Carnet qu’Eli va détruire par jalousie. À la fin du film, Saphir, devenu cinéaste, recompose son carnet par le biais de son film.

«  Une mise en abyme qui rappelle que le septième art lui-même est un art de l’ombre et de la lumière. De la même manière que l’ombre des sentiments d’Eli est finalement traversée par la lumière créative de Saphir. D’ailleurs, à la fin, quand Eli, cachée au fond de la salle, découvre le film de son frère et est le témoin de son succès, nous avons voulu laisser planer le doute : Est-elle fière de son frère ou bien d’autant plus jalouse ? Ce doute, cette forme de mystère quant aux émotions des personnage, nous ont permis de ne pas les enfermer dans un registre précis, ni d’enfermer le spectateur dans des interprétations définitives. De plus, le mystère permet une dramatisation des relations familiales, en soulignant la confusion et l’incompréhension qui y règnent. Pour cette raison d’ailleurs, bien des séquences de notre film se passent de dialogue et forment un silence derrière lequel se cache une cascade d’émotions, libre de toute interprétation. » Yanis Yjjou

Sur le tournage de Dakira 
Sur le tournage de Dakira Laure Farantos

Place au tournage

Le jour où nous avons filmé le grand final de Dakira a été le moment le plus marquant de notre tournage. C’est à ce moment-là que nous avons découvert l’envers du décor d’un film.

« La prise de son, la mise en place de la perche et de la caméra, le choix des axes et des cadres, le travail rigoureux du script, le clap… chaque rôle a son importance et c’est cet ensemble organisé, semblable à un véritable orchestre symphonique, qui permet d’obtenir un plan réussi, une séquence réussie et à plus grande échelle un film réussi ! Nous avons aussi mesuré combien le cinéma est un art de l’illusion ! L’après-midi, nous devions tourner une scène dans un aéroport mais la crise sanitaire ne nous a pas permis de tourner comme nous le souhaitions. Grâce aux esprits inventifs de l’équipe et aux précieux conseils des professionnels qui nous accompagnaient (le réalisateur Réda Mustafa, le chef-opérateur David Hadjadj et l’ingénieur du son Louis Pierre-Lacouture – ndlr), nous avons reconstitué notre décor dans un hall, selon un cadre et un choix de focale déterminés en amont et avons pu ainsi mener à bien cette séquence. » Selma Kissami

Photogramme de Dakira  
Photogramme de Dakira DR