Pierre Schoeller (Un peuple et son roi) : « L’authenticité était le maître mot à tous les niveaux »

Pierre Schoeller (Un peuple et son roi) : « L’authenticité était le maître mot à tous les niveaux »

25 septembre 2018
Cinéma
"Un peuple et son roi" de Pierre Schoeller Studiocanal

Après L’Exercice de l’Etat (2011) et Les Anonymes (2014), Pierre Schoeller revient au cinéma le 26 septembre avec Un peuple et son roi. Il évoque pour le CNC la naissance de son premier film en costumes.


Quelle est l’idée de départ de ce film hors-norme ?

On peut très précisément dater l’origine d’Un peuple et son roi. Il y a une preuve écrite : au moment de la sortie de L’Exercice de l’Etat, dans le dossier de presse, je dis au détour d’une phrase que j’aimerais faire un film sur la Révolution française. Ce n’était ni calculé ni préparé. Rétrospectivement, je n’imaginais pas que ça prendrait sept ans de ma vie. Que ce serait aussi dur, aussi épuisant, et surtout aussi passionnant…

Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser à cette époque ?

Après L’Exercice de l'Etat, je voulais continuer de creuser le sillon du politique et plus j’y pensais, plus je me disais qu’il fallait remonter aux sources, aller voir là où tout commence : la Révolution. Au fond, c’est LE moment matriciel, l’instant d’origine ; un moment qui nous hante et où se joue le rapport d’un peuple au fait politique. Toutes les structures mentales et idéologiques qui cimentent encore notre époque prennent naissance ici.

Et c’était un thème qui m’intéressait, évidemment. Mais j’avoue : j’avais également très envie de réaliser un film historique. Les costumes, les décors, la lumière, les effets de foules… C’était un terrain totalement inconnu pour moi et ça posait des questions de mise en scène et de cinéma que je trouvais passionnantes et auxquelles j’avais envie de me confronter.

Vous aviez des références en tête ?

C’est compliqué parce qu’il y a évidemment quelques films très forts sur le sujet – je pense au film d’Abel Gance ou dans un genre différent au Renoir - mais contrairement au western chez les américains, la Révolution n’est pas un genre cinématographique en soi. Un peuple et son roi n’a finalement pas grand-chose à voir avec ce qui s’est fait avant… Il n’y a pas de parti pris idéologique et j’ai tout fait pour éviter les images d’Epinal, le côté Lagarde et Michard.

Oui : c’est un film historique, mais pas une leçon d’histoire…

Exactement. Je ne voulais pas faire une chronique des événements. Quand vous travaillez sur un sujet aussi vaste, il vaut mieux suivre ses intuitions et ses désirs que les chemins déjà balisés. Deux thèmes m’ont guidé à travers le dédale de faits et de personnages : d’abord le courage des hommes et des femmes qui ont fait la Révolution, leur façon unique d’inventer des concepts (aussi forts que la citoyenneté, l’Egalité, la Liberté ou la Fraternité) et une nouvelle société. Et il y avait leur espérance. C’est de cela que parle le film et c’est ce qui l’a nourri tout au long de son processus…

Comment s’est construit votre regard sur la Révolution ? Vous avez travaillé avec des historiens ?

Il y a d’abord eu une longue période de recherche, où j’ai travaillé seul, avec mon producteur Denis Freyd. Et puis très vite, j’ai noué le dialogue avec des historiens. Parmi ceux qui ont vraiment accompagné ce projet, je dois citer Arlette Farge, Sophie Wahnich, Guillaume Mazeau et Timothy Tackett. Ils m’ont aidé à circuler à travers les sources et à éviter les chausse-trappes idéologiques. Avec eux, j’ai lu et relu les débats de l’Assemblée concernant des journées qui m’intéressaient pour le récit. Je me suis plongé dans la Bibliothèque numérique sur Gallica qui est une mine d’or. On y trouve quantité de chansons, de dessins, de caricatures ou d’actes plus politiques. Le film, les dialogues, les décors, les plans, les personnages : tout vient de là.

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Le film s’attache beaucoup aux détails… On découvre les figures les plus célèbres telles qu’on ne les avait jamais vues : que Marat portait une fourrure autour de son cou, ou que le roi de France était myope… Tout cela est vrai ?

Oui authentique. Comme le perruquier de Robespierre ou la taille de la salle des débats. Je n’ai rien inventé. Pendant les trois années d’écriture, j’étais dans un monde parallèle, noyé sous les documents, les détails. Pour moi, la mise en scène doit toujours partir de choses très concrètes, très simples. Des faits, des faits, et toujours des faits. Que faisaient les patriotes de Paris le soir du 14 juillet ? Comment des femmes par centaines ont-elles trouvé l’énergie de marcher quatre heures durant pendant les journées d’octobre ? Comment s’est déroulé le guillotinage du Roi ? Quel bruit a-t-on entendu ce jour-là ? Le film répond à ces questions-là…

Vous avez tourné en France ?

Oui, c’était l’une des choses essentielles que nous voulions avec Denis Freyd. Eviter autant que possible le studio. J’avais besoin de sentir le réel, les lieux, la pierre ou le bois… C’est comme pour la lumière. La seule consigne que j’ai donné à mon chef opérateur Julien Hirsch c’était : pas d’électricité ! Tout est filmé à la lueur des flambeaux, des torches, des bougies ou des lueurs du four du verrier.

Ça donne un petit côté Barry Lyndon d’ailleurs…

Merci pour la comparaison ! Pour les costumes c’est pareil : je voulais des costumes usés, qui sentent le vécu, pas ceux qui semblent sortir de l’atelier ! Authenticité : c’était le maître mot à tous les niveaux.
 

Un peuple et son roi

Un peuple et son roi, qui sort le 26 septembre 2018, rassemble Gaspard Ulliel, Adèle Haenel, Louis Garrel, Laurent Lafitte et Céline Sallette.
Produit par Archipel 35 et distribué par Studiocanal, il a bénéficié de l’aide au développement du CNC ainsi que de l’avance sur recettes avant réalisation et de l’aide à la création visuelle et sonore.