Comment éviter les stéréotypes dans les dessins animés pour enfants ?

Comment éviter les stéréotypes dans les dessins animés pour enfants ?

29 novembre 2019
Séries et TV
Les Qui ? Quoi ?
Les Qui ? Quoi ? DoncVoilà Productions

La place du genre dans l’animation jeunesse est en pleine évolution, de manière naturelle. Exemple avec Virginie Giachino et Joris Clerté, qui ont fondé la société de production Doncvoilà en 2005.


Question de société majeure du XXIe siècle, le genre et sa manière de l’aborder se reflètent évidemment sur le petit écran. Et notamment dans l’univers de l’animation. Comment parler aux enfants de la place des filles et des garçons, de leurs rôles, de leurs horizons, en évitant les clichés et autres stéréotypes « genrés » ? Le défi peut paraître délicat mais, du côté des professionnels, les choses semblent évoluer spontanément :« On ne se pose pas trop la question de ce qu’il faut dire ou ne pas dire. On essaye d’équilibrer naturellement. Je crois que la série d’animation a largement évolué ces dernières années, notamment du côté des partenaires, des diffuseurs. On a des discussions vraiment intelligentes, constructives à ce propos », expliquent Virginie Giachino et Joris Clerté. Avec l’adaptation de Drôles d’oiseaux (signée Charlie Belin), leur série ado, La Petite Mort, ou encore les fameux Qui ? Quoi ? diffusés sur France Télévisions, ils proposent un regard indépendant et original sur l’univers jeunesse.

Pour Joris Clerté, il faut d’abord se poser la question de ce qu’on met derrière le terme stéréotype. « L’animation traditionnelle a toujours eu quelque chose d’un peu infantilisant, à prendre parfois les enfants pour des imbéciles, avec des répétitions, etc. Sans parler des thématiques, qui se limitent le plus souvent à des thématiques naturalistes, c’est-à-dire à une projection du quotidien dans la vie des personnages, sans plus d’imagination. Quand on fait Les Qui ? Quoi ?, il y a six personnages, tous sur un même pied d’égalité, de toutes les couleurs. On ne veut pas savoir si ce sont des animaux, des humains ou autre. L’idée, c’est qu’ils forment une bande de potes, qui font des trucs tous ensemble, à valeur égale, avec chacun leur caractère. »

Le dessin animé, tiré de l’œuvre de Laurent Rivelaygue et Olivier Tallec (chez Actes Sud) s’adresse à la tranche d’âge des 4-6 ans, et se déroule dans un univers bien marqué. « Dans Les Qui ? Quoi ?, nos animaux sont quand même genrés », précise Virginie Giachino. « Pamela est une fille, Raoul est un garçon, Olive est un lémurien... Maintenant, jamais on n’écrit en se disant : attention, il faudrait équilibrer ici ou là, parce que ça devient trop garçon, ou trop fille. » Elle poursuit : « Nous, nous avons la chance de pouvoir faire comme on le sent. On y va un peu comme on est. On n’est pas du tout dans les mêmes obligations que certains gros producteurs, qui sortent beaucoup de séries. Il y a deux ou trois ans, j’ai assisté à une conférence durant laquelle des femmes travaillant dans de gros studios luttaient au quotidien pour éviter les stéréotypes. Et dans l’assistance, l’auteur de livres jeunesse, Marie Desplechin, ne comprenait pas. Elle disait : “Mais c’est fou. Quand j’ai envie d’écrire quelque chose, je l’écris. Si l’histoire me vient avec une petite fille, je la fais avec une petite fille. Si c’est avec un petit garçon, je la fais avec lui. Je ne me pose jamais la question ! Ça vient comme ça vient du moment que ça sert l’histoire.” En ce sens, dans la littérature, ils ont vraiment plus de liberté. Et nous, dans le dessin animé, si on met un garçon dans notre histoire, il faudra mettre forcément une fille quelque part pour contrebalancer. Je trouve ça angoissant comme façon de réfléchir. Heureusement, à Doncvoilà, on n’est pas contraint de penser comme ça. On suit juste l’histoire. Peut-être qu’elle comportera des filles, des garçons, des animaux, des gens de toutes origines... »

Cela dit, la productrice reconnaît qu’il faut parfois s’adapter à certaines contraintes extérieures : « En faisant Les Qui ? Quoi ?, on se rend compte aussi qu’il faut prendre en compte le marché étranger. Car une série comme la nôtre ne peut voir le jour que si elle est vendue hors de nos frontières. Très vite, on se retrouve face à des impératifs auxquels on n’avait pas pensé. Parce que même si ce qu’on fait colle avec la ligne éditorial de nos diffuseurs en France, cela peut coincer ailleurs. On se retrouve face à certaines obligations de marché aussi... Quand on produit Drôles d’oiseaux, c’est très français, très “Sempé”, il y a un marché pour ça. Mais avec les Les Qui ? Quoi ?, il y a beaucoup plus d’enjeux financiers et on ne peut pas faire tout ce qu’on veut, en se moquant de tel ou tel marché. C’est là où il faut trouver un juste équilibre. »