Le Château de Versailles est un lieu éminemment historique, au fort potentiel cinématographique. Combien de tournages y ont été accueillis jusqu’ici ?
Jeanne Hollande : Les premières images qui témoignent de l’accueil de tournages à Versailles datent de 1896 : des longs métrages Gaumont filmés près des fontaines du Château. Depuis cette date, le site a toujours accueilli des tournages. Nous en avons référencé environ 240, dont beaucoup de productions étrangères. Personnellement, je suis persuadée qu’il y en a eu bien davantage !
Quel part représente les tournages à Versailles ?
C’est variable. Nous accueillons entre un et six projets de fiction à l’année. À titre d’exemple, ceux-ci peuvent s’étaler sur une journée comme sur 19 jours. Nous accueillons les tournages quand le site n’est pas ouvert au public, donc principalement le lundi et les nuits. C’est toute une organisation pour les équipes de tournage, qui ne peuvent pas se poser au sein du domaine du Château de Versailles pendant une longue durée : elles doivent arriver le dimanche soir et repartir à l’issue du tournage, avant la réouverture du site. Nous ne fermons pas le Château pour les besoins d’un tournage, car notre priorité demeure l’accueil du public. Celui des productions est une activité parallèle. Nous arrivons parfois à allier les deux lorsque les prises de vue d’un film se réalisent dans les jardins. Les touristes sont toujours amusés d‘assister au ballet des carrosses, des chevaux et des costumes d’époque quand un film historique investit Versailles.
Quels sont les décors proposés aux productions ?
De nombreux espaces peuvent être mis à disposition. Les productions sont libres de choisir leurs décors. La Cour de Marbre, la Galerie des Glaces, mais aussi la Grande Perspective dans les jardins attirent le plus les réalisateurs. Il s’agit de lieux symboliques de Versailles et caractéristiques de son histoire. Mais d’autres décors leur sont aussi accessibles comme le Domaine de Trianon, le Hameau de la Reine, ou encore l’Orangerie et les bosquets des jardins. Le plus complexe est d’accueillir les tournages de fiction dans les appartements privés car il s’agit de petits espaces qui ne peuvent pas abriter une équipe entière et son matériel.
Avez-vous des critères spécifiques pour autoriser un tournage sur le domaine ?
La disponibilité des lieux est l’élément principal qui influence notre décision puisque les tournages sont accueillis le jour de fermeture du site. Nous arbitrons aussi en fonction de notre propre calendrier entre les restaurations, les événements pour mécènes ou encore l’accueil des scolaires.
Quelles sont les modalités d’accueil des productions ?
Mon rôle est de coordonner l’arrivée des équipes qui peuvent compter jusqu’à 400 personnes, et de leur expliquer les règles d’installation au Château. Nous leur mettons notamment à disposition des zones HMC (habillage-maquillage-coiffure) dans les Galeries de pierre, tout en leur expliquant les mesures de protection des lieux et des sols, des murs et du mobilier. L’enjeu est de réussir à mettre en œuvre leurs souhaits en respectant nos besoins en termes de conservation et de préservation du lieu. Il y a donc de nombreux repérages sur place, des accords avec les services du Château pour que tout le monde soit sur la même longueur d’ondes : les agents de surveillance du domaine, la sécurité incendie, les fontainiers si une mise en eau des bassins est requise, les jardiniers… C’est un travail de préparation considérable ! Tout le personnel nécessaire est déployé afin que l’accueil du tournage en question se passe dans les meilleures conditions possibles.
Y a-t-il des demandes récurrentes du côté des productions ?
Nous sommes un château ouvert au public, ce qui signifie forcément de la signalétique. Pour les besoins des films historiques, nous devons régulièrement dissimuler ces éléments contemporains. Mais chaque tournage peut signifier une demande particulière. Par exemple, les équipes de Franklin souhaitaient pouvoir ouvrir les grandes portes miroirs situées entre le salon de l'Œil-de-bœuf et la Galerie des glaces – habituellement fermées – pour la scène de présentation de Benjamin Franklin au Roi Louis XVI. Leur demande a été acceptée par la Direction du musée [le Musée des châteaux de Versailles et de Trianon – ndlr].
Comment s’est mis en place l’accueil de la série Franklin ?
J’ai d’abord été contactée par la production exécutive française [Peninsula Film – ndlr]. Nous avons été tout de suite favorables à héberger ce tournage car le sujet était passionnant. Peu de fictions ont été écrites sur le personnage de Benjamin Franklin, et en particulier sur son moment de vie à Paris durant lequel il a œuvré à ce que la France soutienne la révolution américaine. Ce tournage a été une grande machinerie : il a investi Versailles de juin à novembre 2022. L’équipe était conséquente –environ 400 personnes – mais très organisée. Nous avons eu un réel plaisir à les accueillir. Tim Van Patten, le réalisateur à la tête de la série, travaille avec le même chef opérateur depuis des années. Tous deux savaient exactement ce qu’ils voulaient. Ils ont filmé dans des espaces très variés au sein du domaine : le noyau dur du Château qui a réellement accueilli Benjamin Franklin, la Cour Royale, mais aussi l’Opéra Royal, le Pavillon français, l’escalier des Cents Marches, et plein d’autres encore…
Quels défis avez-vous rencontré ?
Il fallait faire en sorte que le tournage n’impacte pas les autres activités du Château ! Et ce n’est pas toujours évident, surtout avec une production de fiction. Toute la vie aux alentours doit s’arrêter, à l’instar des travaux qui peuvent être parfois très bruyants.
Abordez-vous différemment l’accueil d’un tournage d’une série par rapport à celui d’un film ?
Les longs métrages prennent souvent plus de temps à s’organiser en amont à la différence des séries qui s’écrivent parfois au fur et à mesure de la réalisation donc les temps de préparation sont beaucoup plus courts. C’est un aspect que je ressens sur le tournage. Mais sur place, une quinzaine de personnes encadrent l’accueil des productions à mes côtés, donc je suis bien entourée.
Tourner dans un château en France
FRANKLIN - 8 x 60 minutes
Réalisation : Tim Van Patten
Scénario : Kirk Ellis, Howard Korder
Image : David Franco
Montage : Joe Hobeck, Ace
Musique : Jay Wadley
Production exécutive : Peninsula Films
Production déléguée : Over the Pond Productions
Studio VFX : One of Us
Diffusion : Apple TV+
Soutien du CNC : Crédit d’impôt international (C2i)
