Rapport du jury de l'appel à candidatures du festival international des séries







Pour rappel, le cahier des charges pour le dossier de candidature défini par le Ministère de la Culture imposait aux candidats de présenter les points suivants :

  • Déroulé du festival et proposition de programmation : nombre de projections, mode d’accès du public, place réservée aux professionnels…
  • Périmètre géographique : européen, international, focus sur certains pays…
  • Organisation artistique : mode de sélection, composition du (ou des) jury, sections, prix…
  • Evénements professionnels : marché, forum de coproduction, pitch de projets, bourses d’écriture et de développement, tables rondes…
  • Pilotage du projet : nature de la structure organisatrice, partenaires associés, implication des collectivités territoriales et de partenaires privés…
  • Organisation logistique : lieux du festival, salles de projection, structures hôtelières, modalités d’accueil et de transport…
  • Budget et plan de financement 2018/2020
  • La première édition de ce festival doit avoir lieu en 2018.

Le jury, composé dans sa grande majorité de professionnels aguerris, souhaite rappeler les pré-requis qu’un tel événement devra respecter :

Un festival-marché entièrement consacré aux séries est une première mondiale, mais doit composer avec des manifestations à l’étranger adossées à des festivals de cinéma dont les offres vont se renforcer à court et moyen terme : Toronto, Berlin, etc…
De notre point de vue, et dans le strict respect du cahier des charges, le projet retenu doit impérativement prendre en compte les conditions suivantes :

  • Une direction bicéphale (directeur général/délégué artistique) garante d’un rayonnement international et d’une totale indépendance artistique ;
  • Une compétition internationale sélective tout en étant ouverte à tous les formats et faisant place à la création européenne et française ;
  • Un marché « moderne » correspondant aux nouvelles tendances de la mise en rapport de l’offre et de la demande (interactions entre producteurs, scénaristes et diffuseurs à tous les stades des projets, dans des espaces privilégiant la rencontre et l’accès dématérialisé à des programmes plutôt que sur des stands coûteux, difficiles à rentabiliser) ;
  • Une ligne éditoriale valorisant une vision d’auteur dans l’univers des séries télévisuelles (généralement élaborées de manière plus industrielle que le cinéma), pour éviter un catalogue des dernières grosses productions, parmi lesquelles la série policière serait sur-représentée. La variété des genres, des registres, est une condition du succès de ce festival ;
  • Une offre de résidences en direction des scénaristes ;   
  • Une organisation bien dimensionnée (moyens humains, logistiques…) pour garantir une expérience inoubliable à tous les participants ;
  • Des capacités d’hébergement flexibles et adaptées à tous les types de publics ;
  • Pour le grand public : un accès gratuit (dicté par les relations avec les ayants-droits) ; la présence d’invités internationaux et français prestigieux ; et une offre de manifestations festives célébrant la culture des séries ;
  • Le festival international des séries devra tenir compte dans sa date et sa programmation des actuels festivals spécifiques de fiction en France.
  • Un budget sincère et réaliste.

Au regard de l’ensemble de ces critères, le jury a donc analysé les candidatures en fonction des forces et des faiblesses de chacune d’entre elles. L’ordre retenu est celui de la chronologie des auditions.
Le jury a apprécié la qualité des dossiers de candidature, tout en regrettant qu’aucun d’entre eux n'ait réellement mené de réflexion prospective sur l’évolution des formats et des contenus.
Par ailleurs, le jury n’avait pas vocation à se prononcer sur la problématique d’aménagement culturel du territoire

Le jury précise que les cinq villes candidates sont toutes susceptibles d’organiser un festival international des séries, soulignant la qualité et le sérieux des dossiers présentés. Toutefois, ces projets n’ont pas tous le même degré de maturité.


I – CANNES

Les forces

  • La capacité de la ville de Cannes à organiser un festival international n’est plus à démontrer.
  • Le nom de la ville est une marque, mondialement connue. La localisation est bonne pour les professionnels avec le troisième aéroport international de France tout proche.
  • Au niveau des équipements d’accueil, les infrastructures du Palais des festivals sont excellentes, tant du point de vue du nombre de salles que des conditions techniques, d’une qualité unique en France. La ville dispose de surcroît d’un vivier de salles de cinéma en dehors du Palais, situées à proximité ou dans l’agglomération, largement suffisant pour accueillir des projections en nombre.
  • Le dossier offre la promesse d’une capacité hôtelière bien adaptée à un tel événement, notamment les chambres de grand luxe pour les invités de marque, avec toutefois un bémol, souligné par le jury, sur les prix des chambres d’hôtels et les pratiques tarifaires. La sécurité – argument essentiel pour les entreprises de production américaine – est garantie par le projet.
  • La période proposée comporte un avantage de taille : ce festival se tiendrait pendant le MIP TV, permettant ainsi d’adosser le futur marché des séries sur un évènement déjà existant. Les coûts afférents à l’organisation de ce marché sont ainsi déjà pris en charge par l’organisateur, qui est une structure privée.
  • Du point de vue de l’offre éditoriale et artistique, le jury a notamment apprécié la qualité de la proposition de deux résidences d’écriture à la médiathèque Noailles et au collège international de Cannes pour favoriser la création, l’émergence de talents et de nouveaux projets. Toutefois, l’articulation avec le festival des séries n’est pas apparue très réaliste, le projet ne prévoyant que deux mois d’écriture avant la présentation des scripts ou des bibles aux professionnels.
  • Le jury a jugé positif le lien affiché entre le festival et le projet de technopole ainsi qu’avec les nombreuses formations audiovisuelles envisagées dans le cadre l’Université de Côte d’Azur, pour favoriser à long terme l’émergence d’un tissu de professionnels français de la série.
  • Enfin, au niveau financier, le budget présenté, exclusivement financé par les collectivités territoriales, apparaît réaliste, compte tenu là encore de la prise en charge du marché par une société privée. L’absence de financement privé est à ce stade une preuve de prudence économique.

 

Les faiblesses
Le jury a émis néanmoins quelques réserves sur les points suivants :

  • La ligne éditoriale du festival n’a pas été suffisamment définie lors de l’audition, même si des précisions ont été apportées ultérieurement sur les principes de fonctionnement de la sélection.  A ce stade, il n’y a pas eu d’annonce d’une incarnation de cette ligne éditoriale qui aurait permis de compenser cette imprécision. La présence dans « l’équipe projet » de Benoît Louvet a été jugée positive, compte tenu de ses expériences professionnelles, mais le jury regrette que son futur rôle potentiel n’ait pas été davantage défini.
  • Ce qui constitue un avantage (la notoriété de Cannes au plan mondial) apparaît aussi comme une faiblesse : malgré les lettres de soutien du président et du délégué général du festival International du film de Cannes, des interrogations demeurent quant à la trop grande proximité entre les deux manifestations et leur articulation.
  • Enfin, le jury s’interroge aussi sur la possibilité de faire émerger un événement entièrement consacré aux Séries, à partir du MIP TV, qui est, de très longue date, un évènement plus généraliste, couvrant l’ensemble des programmes audiovisuels.

 

 II – LILLE

Les forces

  • Le jury a noté la très forte motivation et implication des collectivités territoriales représentées au plus haut niveau au sein de la délégation. Pour autant, ce sont des professionnels qui ont exposé le projet, ce qui a été très apprécié par le jury. 
  • Sur le plan des infrastructures d’accueil, la jonction entre Lille et Paris, Roissy, Bruxelles ou Londres est rapide et simple. Les capacités hôtelières et les salles où auront lieu les évènements semblent tout à fait suffisantes et adaptées pour un tel évènement. Leur situation géographique, concentrée dans un espace urbain très délimité et évitant la dispersion, est excellent : dans un passé récent, Lille et sa région ont prouvé leur capacité à organiser de grands évènements culturels populaires.
  • Par la situation géographique de la ville, la dimension très européenne du projet a été relevée.
  • Les compétences de « l’équipe projet », bâtie autour de la déléguée générale de Série Série et de la DG de Pictanovo, ne font aucun débat. Pictanovo semble notamment maîtriser la mise en place d’une structure visant à accueillir les rencontres professionnelles et interprofessionnelles.
  • Le jury a apprécié les concepts-clés du projet de Lille : la structuration de l’offre de coproduction internationale pour les auteurs, la consolidation des métiers de l’audiovisuel français sur la production audiovisuelle, les notions d’incubation et de fertilisation…
  • La ligne éditoriale répond globalement au cahier des charges. L’idée d’instaurer un comité de préfiguration réunissant l’ensemble des professionnels concernés a séduit le jury.
  • Les projets de résidence d’écriture sont bien pensés et traduisent une expérience avérée d’accompagnement des auteurs.
  • Le jury a noté un soutien marqué des professionnels, essentiellement français, ayant eu une expérience positive de tournage dans la région et des organisations professionnelles d’auteurs. La forte augmentation récente du soutien de la Région aux productions audiovisuelles conforte l’impression de cohérence autour du projet.  
  • D’un point de vue financier, le budget de la manifestation semble raisonnable et réaliste. La garantie financière apportée par la Région, en cas de défection d’une partie des financements, est rassurante.

 

Les faiblesses

En revanche, le jury a émis quelques réserves sur les points suivants :

  • Le festival des Séries sera organisé par une association qui regroupe des représentants des pouvoirs publics et des professionnels, à l’instar notamment du Festival International du Film de Cannes. Il n’a toutefois pas été répondu clairement à la question du jury portant sur l’existence d’un duo à la direction de cet évènement (Délégué général / Directeur artistique spécialement dédiés à l’évènement).
  • Le déroulement de ce festival à Lille impose de créer de toutes pièces l’ensemble des composantes de l’évènement, ce qui suppose nécessairement une période de montée en puissance pour parvenir aux tous premiers rangs mondiaux.

 

III – PARIS

Les forces

  • Au niveau des infrastructures, les facilités d’accès à Paris ne sont plus à démontrer. Sur le plan international, la ville rayonne culturellement dans le monde entier, ce qui constitue un atout pour attirer des personnalités de premier rang dans le festival. 
  • Les capacités d’hébergement hôtelières et les infrastructures d’accueil sont bien adaptées à la mise en œuvre d’un tel événement.
  • Le point fort de cette candidature repose surtout sur l’existence depuis sept ans de Séries Mania, premier festival des séries en France, dont le succès public et professionnel n’est plus à démontrer. L’équipe de Séries Mania (Directrice Générale, délégué artistique) a fait ses preuves et sa réussite lui permet d’envisager sereinement de se développer et d’accueillir le futur évènement.
  • De plus, le projet s’appuie sur une vision originale et unique de l’évolution du marché des séries, en particulier une très bonne analyse du contexte et de la concurrence internationale.
  • Le dossier de Paris répond parfaitement à la double injonction de « festival -marché » entièrement consacré aux séries : il présente ainsi à la fois un versant fédérateur pour le public et un autre innovant pour les professionnels.
  • Au plan éditorial, les modalités de sélection et de programmation sont excellentes et s’appuient sur un réseau à l’étranger, déjà largement éprouvé dans le passé.
  • Séries Mania a par ailleurs démontré sa capacité à faire venir des séries et des casts internationaux européens et américains dont le grand-public est friand. Le soutien de personnalités de premier rang du monde des séries, notamment les grands « showrunners » américains garantit la pérennité de ces facteurs de succès.
  • De même, le jury a apprécié la volonté de proposer d’organiser des modalités de rencontre entre les créateurs et les producteurs et financeurs de séries. A ce titre le projet d’espace professionnel au Carreau du Temple est une initiative jugée excellente.

 

Les faiblesses

En revanche, le jury a émis quelques réserves sur les points suivants :

  • L’implication des collectivités territoriales : si la Ville de Paris apparaît comme le principal financeur de la manifestation avec les pouvoirs publics (qui nécessite toutefois des précisions sur les apports en industrie et financiers ), la faible participation du Conseil Régional au budget de l’évènement soulève la question de sa motivation.
  • S’agissant du budget stricto sensu, les contributions de structures privées (chaînes de télévision, potentiel grand mécénat) sont importantes mais, à ce stade, non garanties.
  • La localisation de l’évènement au sein du Forum des Halles suscite encore des interrogations. Malgré les aménagements extérieurs prévus autour de la Canopée, des doutes subsistent quant la capacité d’accueillir un évènement très grand public dans ce lieu. L’absence d’espace totalement adapté pour l’évènement est une difficulté.

 

IV - BORDEAUX

Les forces

  • Il n’y aucun doute sur la capacité de Bordeaux à pouvoir organiser un tel évènement.
  • La ville est connue dans le monde entier et elle dispose d’un aéroport international et d’une prochaine liaison TGV avec Paris en deux heures. Les capacités hôtelières sont adaptées pour un tel évènement. Le réseau de salles est suffisant et la localisation principale au Grand Théâtre de Bordeaux est bien en relation avec l’évènement.
  • La volonté régionale de favoriser le développement des industries créatives, et la mise en œuvre d’une stratégie amorcée avec l’accueil de Forum Cartoon à Bordeaux dès 2017 est à saluer, et se marie bien avec le concept du festival à construire dans le domaine des séries.
  • Les organisateurs souhaitent créer un « Village du festival » qui a été apprécié par le jury.

 

Les faiblesses

En revanche, le jury a émis quelques réserves sur les points suivants :

  • Le jury a noté que le projet n’avait pas proposé de ligne éditoriale. Il faut préciser que la candidature avait été envisagée initialement de concert avec le projet éditorial de « Séries Mania ».
  • De la même manière, le marché présenté dans le dossier est au stade de l’ébauche et ne remplit pas totalement les attendus d’un marché international.
  • Enfin, au plan financier, la participation du Conseil Régional n’est pas garantie, tout comme le financement qui est indispensable - la mairie de Bordeaux considérant qu’elle n’avait pas les moyens financiers de s’impliquer sans un concours financier complémentaire.

 

V – NICE

Les forces

  • Il n’y aucun doute sur la capacité de Nice à pouvoir organiser un tel évènement.
  • La ville est connue dans le monde entier et dispose du troisième aéroport international de France. Les capacités hôtelières sont exceptionnelles et parfaitement adaptées à l’évènement.
  • Le Palais des Congrès de Nice sera la plaque tournante de l’organisation de ce festival. Il est tout à fait adapté à l’ampleur de l’évènement. D’autres salles seront mobilisées en ville à proximité du Palais des Congrès, pour un public plus large. 
  • Des synergies sont à trouver avec les marchés audiovisuels se déroulant à Cannes. Elles n’ont pas été exposées à ce jour.
  • Le budget du festival est bien équilibré s’agissant des contributions des pouvoirs publics. Il est sans doute optimiste s’agissant de l’implication de partenaires privés à hauteur de 50 % du budget.

 

Les faiblesses

En revanche, le jury a émis quelques réserves sur les points suivants :

  • Le dossier ne présente pas de proposition éditoriale  claire ni suffisamment précise concernant le déroulement du festival, les modalités de sélection des œuvres, le forum de co-production et les résidences d’écriture.
  • Ce projet n’est pas soutenu par les professionnels ni porté par une personnalité apte à nouer des contacts avec des professionnels de séries audiovisuelles dans le monde entier.  

 

 

Conclusion

En conclusion,

  • Les candidatures de Lille et Paris présentent chacune de grands intérêts, avec un bilan différent de leurs avantages et inconvénients respectifs. Lille semble en mesure de réussir la mise en œuvre d’un événement décentralisé à fort rayonnement européen, proche du public. La candidature de Paris s’inscrit dans le développement réussi depuis sept ans d’un événement reconnu alliant succès public et soutiens professionnels au plan mondial.   
  • Le projet de Cannes comporte des lacunes au plan éditorial au regard des deux dossiers de candidatures précités.
  • Les projets de Bordeaux et de Nice ne présentent pas un  degré de maturité suffisante pour monter un tel  évènement dès 2018.