La représentation LGBTQ+ à l’écran

La représentation LGBTQ+ à l’écran

24 juin 2021
Cinéma
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Laurence anyways de Xavier Dolan
"Laurence anyways" de Xavier Dolan Shayne Laverdière / Clara Palardy

A l’occasion de la Marche des fiertés qui défilera le samedi 26 juin, retour sur une sélection de films LGBTQ+. Des œuvres fortes, parlantes et inclusives.


Laurence Anyways de Xavier Dolan (2012)

Drame psychologique de Xavier Dolan, Laurence Anyways est une œuvre franco-québécoise sortie en 2012. Touchant au sujet sensible de la transidentité survenant au sein d’un couple, le film retrace une épopée amoureuse, identitaire, fataliste. Melvil Poupaud, qui tient le rôle principal, reconnaît en ce film un tournant dans sa carrière. Le personnage qu’il incarne fut le déclencheur d’une énergie renouvelée, au travers de cette histoire aussi poignante qu’inspirante. L’actrice Suzanne Clément obtient quant à elle le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2012, section Un Certain Regard. Dolan, qui situe le début du scénario à son année de naissance, 1989, n’est âgé que d’une petite vingtaine d’année au moment du tournage mais surprend déjà par sa grande maturité technique et artistique. Le scénario, qui raconte une passion amoureuse qui  s’étire sur plusieurs années, est proche de l’écriture dramaturgique, tandis que l’esthétique électrisante du film contribue à en intensifier la dimension passionnelle.

L’inconnu du lac de Alain Guiraudie (2013)

Ecrit et réalisé par Alain Guiraudie, L’Inconnu du lac est un thriller passionné qui prend place sur les bords d’un lac entouré de bosquets, oasis de tous les secrets. Un lieu où des hommes se retrouvent, à l’abris des regards et nus face au soleil. C’est là que Franck (Pierre Deladonchamps) rencontre Michel (Christophe Paou), dont il tombe amoureux. Mais la passion des deux hommes s’avère mortellement dangereuse. Un scénario à la croisée des tabous, dans lequel Guiraudie aborde la thématique de la sexualité, centrale à son travail, sous une perspective différente. L’idée de ce « film de la maturité » est de faire coïncider la pureté des sentiments amoureux avec l’obscénité animale et meurtrière, afin de retranscrire avec justesse l’amour-passion, sans pour autant porter de jugement sur les personnages. Le maître-mot pour interpréter le rôle de Franck fut la simplicité, Guiraudie ayant précisé à Deladonchamps ne pas vouloir de « performance » d’acteur. Le naturel est de mise. D’abord dans les décors du film, tourné près des gorges du Verdon, où chaque élément de l’environnement extérieur est sublimé, et en fin d’après-midi pour obtenir cette lueur dorée si particulière. Ensuite, dans la démarche du réalisateur lui-même, adepte de la transgression dans ce qu’elle a de plus authentique. Guiraudie se dévoile dans son oeuvre, au propre comme au figuré, apparaissant nu en caméo dès la première scène.

L’Inconnu du lac de Alain Guiraudie Les Films du Worso

Une nouvelle amie de François Ozon (2014)

Une nouvelle amie, mélodrame écrit et réalisé par François Ozon en 2014, est l’adaptation à l’écran du roman The New Girlfriend (Une amie qui vous veut du bien) de Ruth Rendell, publié en 1985. L’histoire tendre et troublante d’une amitié, celle de Laura et Claire, qui bascule le jour où Laura décède. En pleine dépression, Claire (Anaïs Demoustier) rend visite à David (Romain Duris), le veuf de sa meilleure amie d’enfance. Mais David, qui l’accueille vêtue d’une robe de sa défunte épouse, est devenu « Virginia ». Débute alors une drôle d'histoire entre ces deux personnages qui se mue en une relation fusionnelle qui les aide à faire face au deuil. Un savant mélange entre chagrin et changement, amitié et désir. L’idée de ce scénario a cheminé longtemps dans la tête de François Ozon, qui a pris quelque liberté par rapport au roman de Rendell, notamment avec le décès de Laura qui intervient dès le début du film. « J’ai eu cette idée grâce à une conversation avec Chantal Poupaud, qui a réalisé un documentaire sur les transgenres (…). Elle m’a parlé de l’un d’eux, dont l’épouse, très malade, savait qu’elle allait mourir et avait choisi de disparaître de la vie de son mari. Pour la faire revivre, il avait alors eu le désir de s’habiller avec les vêtements de sa femme et avait commencé à se travestir régulièrement. Cette idée m’a tout de suite fasciné et ému » raconte le cinéaste. Un élément déclencheur et décisif qui, selon Ozon, « permet au spectateur et à Claire de comprendre le comportement de David avant de l’accepter. »

Une nouvelle amie de François Ozon 2013 SND (Groupe M6) – FOZ - MARS FILMS - FRANCE 2 CINEMA

La Belle saison de Catherine Corsini (2015)

La Belle saison de Catherine Corsini est un film franco-belge, sorti en 2015. L’histoire suit celle de la jeune Delphine (Izïa Higelin), fille d’agricultrice arrivant à Paris, et de Carole (Cécile de France) une professeure et militante féministe. Corsini y dépeint avec finesse l’amour naissant entre les deux femmes, dans une esthétique solaire que révèle le jeu tout en sincérité des deux actrices principales. Ce film « coming out », qui proclame l’émancipation de la femme et le droit d’aimer, rend hommage aux militantes féministes dans la France des années 1970. Co-écrit avec Laurette Polmanss, le premier objectif de ce mélodrame lumineux est d’aborder le sujet de la condition féminine à travers une histoire d’amour. Corsini y mélange ville et campagne, l’univers ensoleillé du Limousin (clin d’œil à sa Corrèze natale) et celui agité des rues parisiennes, en y introduisant deux héroïnes qu’elle souhaite « positives ». Les spectateurs doivent pouvoir s’identifier aux protagonistes et comprendre aussi bien la cause qu’elles défendent que la lutte personnelle qu’elles mènent pour vivre leur histoire d’amour au grand jour.

Le Belle Saison de Catherine Corsini Chaz Productions

120 battements par minute de Robin Campillo (2017)


Sorti en 2017, 120 battements par minute réalisé par Robin Campillo, fait référence au rythme du cœur qui bat sur le tempo de la musique house tout au long de ce film poignant. Ces scènes de fête alternent avec des scènes de militantisme à travers les actions d’Act-Up, association de lutte contre le sida rendue célèbre au début des années 90. C’est au cours de l’un des meetings d’Act-Up que Nathan (Arnaud Valois) et Sean (Nahuel Pérez Biscayart) se rencontrent. On y suit alors leur histoire d’amour, leur jeunesse, leur peur, leur fougue. Le réalisateur explique : « Nous étions jeunes et nous vivions des choses brutales, injustes. Les gens mourraient à 25 ans… Des histoires d’amour naissaient, et quand nous en vivions une, il fallait parfois accompagner l’autre dans la mort, alors qu’on avait à peine eu le temps de le connaître. Pour survivre à ça, il fallait être dans cette énergie vitale. » De cette façon de lier l’intime au politique par le biais du romanesque en résulte une œuvre sensible qui rencontre un franc succès dès sa sortie et un joli palmarès : plusieurs prix à Cannes dont le Grand Prix et la Queer Palm, 5 César dont celui du meilleur film et du meilleur scénario original en 2018, Globe de crcistal du meilleur film...

120 battements par minute de Robin Campillo Les Films de Pierre

Girl de Lukas Dhont (2018)  

Applaudi par la critique et ayant notamment reçu la Queer Palm au Festival de Cannes 2018, Girl, film belgo-néerlandais réalisé par Lukas Dhont, raconte l’histoire de la jeune Lara, qui aspire à devenir danseuse étoile. Soutenue par ses proches et sa professeure de danse, Lara s’impose un entraînement strict, au-delà de ses capacités physiques. D’autant plus que le corps qui est le sien est né de sexe masculin. Cette quête de prouesse, physique et artistique, interprétée par l’acteur et danseur belge Victor Polster, est une véritable conquête de soi. Traitant d’autres sujets sensibles comme le harcèlement et la détresse psychologique, l’œuvre éclaire aussi bien sur la condition transgenre que sur le milieu sans pitié de la danse classique. Une recette à succès qui lui vaut également de remporter le Prix de la Caméra d’or et celui de la Critique internationale à Cannes. Son jeune réalisateur (27 ans à l’époque de la sortie du film) révèle s’être inspiré d’une histoire vraie, découverte dans un article de presse alors qu’il était encore étudiant. Cette histoire le bouleverse, lui donnant l’idée d’un documentaire, qui prendra plus tard la forme d’une fiction. Lukas Dhont contacte la personne de l’article en question, Nora, avec qui il collabore autour de l’écriture d’un scénario prenant pour milieu celui de la danse classique. Un milieu très genré, impitoyable, qui plonge la protagoniste dans une situation « aussi belle que destructive » d’après Dhont. Un conflit perpétuel entre corps, esprit et passion, superbement retranscris à l’écran.

Girl de Lukas Dhont Diaphana Distribution

Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (2019)

Avec Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma nous ramène à la fin du XVIIIème siècle, en Bretagne, lieu des amours interdites entre Marianne (Noémie Merlant), jeune artiste peintre, et Héloïse (Adèle Haenel) dont elle doit réaliser le portrait. Personnage insaisissable, Héloïse refuse les conventions qui lui imposent de se marier et de poser ainsi pour son fiancé milanais. Marianne l’observe en secret afin de saisir chaque détail du visage d’Héloïse et de la peindre à son insue. Une intimité se forme entre artiste et muse, dessinant alors les contours d’une histoire brûlante... Tourné dans le Golfe du Morbihan, sur la Presqu’Île de Quiberon, l’environnement du film, ses plages et ses falaises, renvoient à la thématique de la passion naissante. Un autre élément est celui de l’absence presque totale de musique, choix que la réalisatrice justifie par le fait que l’émotion transmise est la seule mélodie qui suffit à son œuvre. Une œuvre qui rend également hommage à ces femmes peintres de l’époque, souvent invisibilisées, dont le récit de vie et l’héritage artistique ont beaucoup inspiré Céline Sciamma.

Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma Lilies Films

Petite fille de Sébastien Lifshitz (2020)

Documentaire réalisé par Sébastien Lifshitz, Petite fille suit le quotidien de Sasha, une enfant transgenre, ainsi que celui de sa famille et leur combat pour faire reconnaître et accepter la différence de l’enfant. Un scénario touchant qui révèle les limites de la société et du milieu scolaire face aux jeunes revendiquant leur transidentité. Un film d’actualité au travers duquel le réalisateur d’Adolescentes met en lumière le parcours de nombreuses familles. Agée de 7 ans à l’époque du tournage, la petite Sasha est d’abord découverte par Lifshitz sur un forum où échangent des familles d’enfants transgenres. Touché par le récit de ces parents souvent démunis, Lifshitz partage avec Karine, la mère de Sasha, son admiration pour le courage dont la fillette fait preuve. Pendant un an, il l’accompagnera dans son combat, évoquant une confiance réciproque propice au tournage du documentaire. L’œuvre, qui s’engage dans la lutte contre l’ignorance des institutions face à la transidentité, révèle en outre l’accablante incompétence de l’accompagnement médical des familles. Petite fille révolte tout autant qu’il émeut, éclaire et sensibilise avec justesse.

Petite fille de Sébastien Lifshitz Agat films & cie – Arte