point presse sur le bilan de la production audiovisuelle aidée en 2008

point presse sur le bilan de la production audiovisuelle aidée en 2008

18 juin 2009


Des chiffres apparemment positifs qui révèlent de grandes incertitudes

Après une année 2007 en repli, le volume de la production audiovisuelle aidée par le CNC est en hausse en 2008 (+8%), se rapprochant ainsi de son niveau de 2006 avec près de 4000 heures. Cet accroissement s’accompagne d’une augmentation des investissements des diffuseurs (+6,5 %) et des aides apportées par le COSIP (+14,8 %) avec un montant global des devis qui atteint 1,301 milliards d’euros (1, 231 milliard d’euros en 2007 et 1, 352 milliards d’euros en 2006). Tous les genres sont concernés en 2008 par cette tendance à l’exception de l’animation qui, en phase basse de son cycle de production, généralement de 3 ans, voit son volume produit décroître, de même que l’investissement des diffuseurs.

Cette augmentation du volume produit et des investissements tient, en partie, à un effet calendaire lié au décalage entre les commandes des chaînes formalisées fin 2007 et leur accès au fonds de soutien du CNC effectif début 2008. Ainsi, ce phénomène s’était traduit en 2007 par une contraction du volume de production comptabilisé notamment pour la fiction ; rappelons en effet que « Cinq sœurs » (France 2) n’avait pas été prise en compte au titre de l’année 2007 mais l’a été au titre de l’année 2008. Ce décalage explique, pour une part importante, la croissance de 2008 en fiction qui est du coup artificiellement gonflée tandis que 2007 était un peu sous-estimée.

L’analyse des évolutions par genre reflète avant tout les tentatives des diffuseurs, et en particulier des diffuseurs historiques, de trouver des solutions aux bouleversements et aux incertitudes auxquels ils sont confrontés. Les modèles traditionnels qui structuraient jusque là le secteur sont en effet de plus en plus fragiles : le marché publicitaire de la télévision a baissé en 2008 de 2,6%. Et depuis, le début de l’année 2009, ce recul n’a cessé de s’accentuer, renforçant les difficultés financières des chaînes commerciales. Dans ce contexte difficile où la relève tarde à venir du côté des chaînes du câble et du satellite mais surtout de la TNT, même si on sent un frémissement de ce côté, le secteur de la production est encore aujourd’hui trop dépendant de la santé des principaux diffuseurs et pâtit directement de tout ralentissement économique.


I. La fiction, en pleine mutation, est ponctuellement « dopée » par les feuilletons quotidiens d’avant soirée1

Depuis plus de deux ans, la fiction française traverse une période de profonde mutation. Confrontée au succès de la fiction américaine sur les chaînes de télévision, elle doit réinventer ses codes et faire évoluer ses formats pour regagner les faveurs du public. A quelques exceptions près, force est de constater que les chaînes historiques tardent à trouver les solutions qui leur permettront de renouer avec le succès qu’elles connaissaient en fiction il y a 4 ou 5 ans.

Cette mutation se traduit en particulier dans les évolutions des formats :

Les formats de 26 ou 52 minutes ont continué en 2008 à renforcer leur prédominance, et comptent désormais pour plus de deux tiers des volumes produits (67% en 2008, 63% en 2007, et seulement 31% en 2004). Cette internationalisation progressive des formats renforce notamment les chances des programmes français de séduire les marchés étrangers mais peut aussi les banaliser aux yeux du public.

Les séries de 90 minutes continuent leur décrue (39 heures en 2008 contre 155 heures 3 ans auparavant). Seules subsistent quelques séries aux héros récurrents lancées il y a plusieurs années. Le format de 90 minutes n’est pas pour autant abandonné : les unitaires se développent à nouveau (152 heures en 2008 contre 138 en 2007), notamment sur TF1, traduisant le retour des diffuseurs à un format qui avait été progressivement désaffecté.

L’événement marquant de l’année 2008 est la mise en production d’un volume particulièrement conséquent de séries de 26 minutes (+108 heures par rapport à 2007 soit +30% à 358 heures). Probablement encouragées par la réussite de Plus belle la vie, les chaînes historiques ont toutes commandé en 2008 un ou plusieurs feuilletons quotidiens d’avant soirée : Cinq sœurs sur France 2, Pas de secrets entre nous sur TF1, Seconde chance et Paris 16e sur M6, qui s’ajoutent à PBLV sur France 3 et à La baie des flamboyants sur France Ô. En outre, un effet calendaire fait comptabiliser au titre de 2008 les investissements de France 2 dans Cinq sœurs (et non au titre de 2007).

Cette explosion des feuilletons quotidiens, associée au renforcement des séries de fiction jeunesse, a incontestablement été structurante sur le plan industriel et a constitué un formidable terrain d’apprentissage pour les auteurs, les réalisateurs et les techniciens. Elle a sans doute accéléré le virage vers un travail plus collectif et la prise de conscience de la nécessité de produire à un rythme plus rapide et à des coûts moindres. Malheureusement, tous ces feuilletons se sont arrêtés ou sont en passe de l’être, à l’exception des deux qui préexistaient déjà en 2007.

Au global, le volume de la production 2008 de fiction a atteint un niveau record à 912 heures (+105 heures par rapport à 2007, le plus haut niveau des 10 dernières années). Cette hausse historique ne se renouvellera vraisemblablement pas en 2009, les séries quotidiennes arrêtées n’ayant pas, depuis, été remplacées.

1A noter qu’en complément de l’analyse de la production annuelle, le CNC a réalisé, pour la première fois, une étude spécifique sur la diffusion de la fiction à la télévision en 2008.


II. Le documentaire progresse en volume mais pas en financement

Après cinq années de baisse consécutive, le volume produit en 2008 est reparti à la hausse, repassant légèrement au dessus des 2000 heures (+12,4% par rapport à 2007) Les chaînes thématiques ont accru significativement leurs commandes en 2008 (+102 heures par rapport à 2007 à 561 heures), en systématisant, pour certaines, leur politique d’investissement en second diffuseur au sein d’un même groupe (Planète avec Canal+, par exemple).
Par ailleurs, le volume produit pour les chaînes locales, qui avait fortement décru depuis 2003, a également augmenté (+40 heures par rapport à 2007 à 239 heures). Le recours plus fréquent à la syndication de contenus, accompagné du lancement de nouvelles chaînes locales ou de leur passage en TNT explique cette évolution. Ainsi, 52 chaînes locales différentes ont investi en 2008 dans un programme documentaire contre 36 en 2007.

En outre, les chaînes gratuites de la TNT renforcent pour certaines (NRJ12, W9) leurs investissements dans le documentaire. Mais elles le font avec des niveaux d’apports horaires trois fois plus faibles que les chaînes historiques.

Parallèlement, le documentaire s’est désormais installé sur les grandes chaînes, notamment en première partie de soirée.
Le volume progresse peu (1135 heures en 2008 contre 1100 en 2007), mais des transferts sont opérés, en particulier au sein du service public. France 2 augmente fortement son volume, en commandant davantage d’unitaires de longs formats et de documentaires de société, tandis que France 3 diminue ses commandes sur ses cases plus traditionnelles.

L’évolution constatée l’an dernier se poursuit donc : la programmation en première partie de soirée a modifié les exigences éditoriales, en termes d’écriture et de réalisation mais aussi dans le choix des thématiques abordées. De nouvelles écritures apparaissent qui contribuent à renouveler le genre et à l’inscrire dans l’époque, mais qui, dans le même temps, restreignent sa diversité. Cette uniformisation risque à terme de poser un problème de création. C’est d’autant plus vrai que, dans le même temps, le nombre de cases disponibles sur les grandes chaînes, tend à se réduire et que les financements se concentrent sur les cases les mieux exposées, conduisant les producteurs de documentaire à se tourner vers les chaînes thématiques ou locales, aux financements beaucoup plus restreints.



III. L’animation, en creux de cycle, raccourcit ses formats

Le volume de production d‘animation continue de baisser pour la deuxième année consécutive (259 heures en 2008 contre 314 heures en 2007). Le rythme cyclique de trois ans semble ainsi se reproduire, après un point haut de la production en 2006.

Cette baisse provient surtout des chaînes de France Télévisions, dont le volume d’heures initiées chute de 60 heures par rapport à 2007, à 143 heures (soit 55 % des heures d’animation produites en 2008). Dans le même temps, les chaînes thématiques jeunesse, ainsi que TF1 et Canal+, augmentent leurs commandes et leurs investissements en 2008.

Cette évolution s’accompagne de nouveaux équilibres dans l’économie du secteur :
le volume de séries de format court (moins de 8 minutes) reste stable en 2008 par rapport à 2007, et s’accompagne d’une progression sensible de la localisation en France des dépenses ;
le volume des séries de 13 minutes progresse considérablement au détriment des séries de 26 minutes (+34,2% contre -66,9%) avec également une relocalisation des dépenses en France (la moitié des projets concentrant plus de 80% de leurs dépenses en France) ;
enfin, le volume des séries de 26 minutes diminue fortement, et elles font toutes l’objet de dépenses importantes dans les pays coproducteurs, puisqu’il s’agit, pour 3 d’entre elles sur 4, d’œuvres minoritairement françaises.

Sous l’effet de l’augmentation de la localisation des dépenses en France, les apports du COSIP augmentent en 2008 de 8,9%.


IV. Le spectacle vivant : un genre qui se développe et se renouvelle

Après une année 2007 en retrait, les captations et recréations de spectacle vivant progressent à nouveau en 2008 pour revenir à un niveau proche de celui de 2006, à 401 heures produites. Cette évolution témoigne des nombreux projets de coproductions portés en 2008 par les chaînes les plus actives du genre, en particulier Arte (75 heures initiées), MCM (51 heures) et Mezzo (33 heures). Les chaînes de France Télévisions initient 109 heures de spectacles (soit plus du quart de la production annuelle), en hausse de 29 heures par rapport à 2007.

Tous les genres de spectacles bénéficient de cette évolution positive, particulièrement le théâtre et la musique de variétés/rock. En outre, on voit apparaître une nouvelle manière de produire grâce aux services de média à la demande : lors des festivals de musique classique notamment, un nombre croissant de captations prévoient une diffusion intégrale des concerts sur Internet assortie d’une diffusion sélective à l’antenne. C’est notamment le cas pour Arte et son site arte.tv.

Conclusion

L’embellie qui transparaît dans les chiffres de 2008 par rapport à 2007 recouvre une réalité plus contrastée, en particulier pour la fiction qui peine à accomplir sa mue. Les perspectives à court terme sont assez peu lisibles et donc sources d’inquiétude. Les années 2009 et 2010 seront sans doute plus difficiles en raison notamment de la baisse du marché publicitaire pour les diffuseurs privés, mais aussi en raison, dans le contexte actuel de crise économique mondiale, d’une diminution des financements provenant de l’étranger. Au global, les apports étrangers ont continué à diminuer en 2008 pour la 4e année consécutive ( 3,7%).

C’est pour contrebalancer en partie cette conjoncture, et notamment le ralentissement prévisible des commandes des chaînes, que le CNC a décidé de faire de la relance de l’audiovisuel une priorité pour 2009, et d’augmenter ainsi la valeur du point minute. Cette augmentation de 2,4% d’ores et déjà effective est la plus forte jamais enregistrée par le COSIP depuis sa mise en place il y a un peu plus de 20 ans.

Dans ces périodes de mutations profondes, il est essentiel aussi de valoriser la prise de risque et l’innovation. Le CNC poursuit ses efforts pour soutenir l’audace et l’inventivité de la création audiovisuelle. C’est l’objectif du fonds innovation audiovisuelle, créé en 2005, mais aussi de l’aide aux pilotes de fiction mise en place en 2008. En évitant la pénalisation d’une tentative non aboutie, cette aide nouvelle incitera et accompagnera la prise de risque des diffuseurs. Le CNC a en outre facilité fin 2008 le recours aux aides automatiques pour le développement.

L’audiovisuel traverse une période d’instabilité et d’incertitudes mais un certain nombre de réponses sont néanmoins intervenues au cours de l’année 2008 pour consolider et moderniser le secteur :
la loi sur l’audiovisuel a été bouclée (loi du 5 mars 2009) et la réforme de France Télévisions avec la compensation par l’Etat de la suppression de la publicité après 20h a été mise sur les rails
la directive sur les services de médias audiovisuels a été transposée.
le travail de révision des relations producteurs-diffuseurs dans le cadre de la mission Kessler-Richard a été conclu fin 2008 par la signature d’accords professionnels avec toutes les chaînes historiques (ainsi qu’avec Orange). Ce travail consolide le mécanisme de financement de la création qui a fait ses preuves.

Comme en 2007, les chaînes de complément, celles du câble et du satellite, et surtout les chaînes gratuites de la TNT n’ont toujours pas pris suffisamment le relais en termes de production audiovisuelle inédite pour devenir des partenaires à part entière de la création audiovisuelle. On peut noter néanmoins que les nouveaux diffuseurs de la TNT augmentent significativement leurs commandes de documentaires en 2008, même si leurs apports restent nettement plus faibles que ceux des diffuseurs historiques. Ils se lancent également pour certaines dans la production de séries courtes de fiction. Cette exigence renforce la nécessité de trouver, le plus rapidement possible, un accord entre producteurs et diffuseurs de la TNT, dans le cadre des discussions en cours pilotées par David Kessler et Dominique Richard : dans la perspective de la disparition de la diffusion analogique, il nous faut transformer la réussite économique de la TNT en réussite culturelle.

Cette modernisation du paysage audiovisuel passe aussi par une plus grande intégration du non linéaire dans la stratégie des diffuseurs et des producteurs. La réforme de l’audiovisuel public et les récents accords signés entre les producteurs et les diffuseurs historiques le permettent enfin. La production audiovisuelle doit maintenant mieux tenir compte des enjeux du multi-support, comme le font progressivement le spectacle vivant, la fiction courte et l’animation. Il faut encore aller plus loin si on veut relever le défi du numérique, et profiter des opportunités qu’il ouvre en termes de création et de diffusion des œuvres audiovisuelles françaises et européennes.


NB : ce bilan de la production audiovisuelle aidée s’appuie sur des œuvres audiovisuelles qui ont effectivement reçu des soutiens financiers du CNC au titre de l’année 2008. Il s’agit de la production de programmes audiovisuels dans les genres de fiction, de documentaire, programmes d’animation, captation et récréation audiovisuelle de spectacles vivants et, plus marginalement, certains magazines culturels.