Comment poursuivre un dispositif d’éducation à l’image en confinement ?

Comment poursuivre un dispositif d’éducation à l’image en confinement ?

29 janvier 2021
Cinéma
Collège André Malraux, Asnières-sur-Seine
Atelier filmé sur les différents mouvements de caméra Collège André Malraux, Asnières-sur-Seine
Parmi les projets des Enfants des Lumière(s) 2019-2021, En quête au Muséum, un court métrage sous la forme d’une enquête policière menée par la classe de 4e du collège André Malraux d’Asnières-sur-Seine, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle.
Si les élèves sont actuellement en deuxième année du programme, ils ont vu leur projet momentanément interrompu au printemps 2020, au moment du confinement dû à la pandémie Covid-19. Visioconférence, ateliers et casting en ligne, « missions » à remplir, plateforme Discord sont alors entrés dans leur vocabulaire. Comment poursuivre un dispositif d’éducation à l’image en confinement ? C’est ce que nous racontent Kahina Asnoun, réalisatrice, Elise Phalipaud et Amélie Aimedieu, coordinatrices, qui accompagnent les collégiens tout au long du programme.

Quel impact le confinement et la crise sanitaire ont-ils eu sur le déroulement du projet ?

Kahina Asnoun : Avant le confinement nous étions à l'étape de l'écriture et nous avions mis en place tout un programme pour écrire ce scénario collectif (sessions de brainstorming, improvisations, séries de questions...). Nous avions aussi prévu quelques ateliers plus poussés sur l'image. L'annonce du confinement nous a empêchés de tous nous retrouver pour mener à bien ces ateliers. Il a donc fallu nous adapter.

Elise Phalipaud et Amélie Aimedieu : Le confinement nous a poussés à innover et à créer par d’autres médias que ceux employés quotidiennement. Notre volonté était avant tout de garder le lien avec les élèves, de maintenir cette motivation et cet engouement pour l’écriture du scénario à venir. En classe, nous proposons une palette de supports variés, des outils cognitifs pour s’emparer de l’objet d’apprentissage d’une séance. Nous nous sommes basées sur ces leviers avec l’appui des outils numériques pour rendre les apprentissages accessibles.

Définir un cahier d’objectifs à mettre en place sur la période

Comment vous êtes-vous adaptées par rapport au projet de film ?

Kahina Asnoun : Nous avons décidé de faire tous les ateliers qui étaient prévus en les adaptant à la situation. Les ateliers d'écriture se sont faits à travers des questionnaires en ligne (que j'appelle « missions ») à remplir par les élèves. Ces questionnaires nous ont permis d'avancer petit à petit sur l'écriture de notre scénario. C'était un bon compromis pour avoir les idées de tout le monde et que chaque élève participe à l'écriture et nous propose ses idées. Nous avons décidé d'utiliser la plateforme Discord pour rester en contact direct avec la classe. C'est une plateforme très populaire auprès des jeunes de leur âge et quasiment toute la classe y avait déjà un compte. [Le CNC a également mis en place un espace collaboratif dédié au programme Les Enfants des Lumière(s) sur Trello. Il est accessible à l’ensemble des équipes éducatives, artistiques, et des académies. Cet espace permet notamment l’échange de documents pédagogiques et d’actualités – ndlr].  Nous avons donc créé un serveur avec plusieurs salons de discussions. Si les élèves avaient des questions ou des idées, ils pouvaient venir nous en parler à n'importe quel moment. 

Elise Phalipaud et Amélie Aimedieu : Avec Kahina, nous avons souhaité poursuivre les ateliers théoriques et avancer sur l’écriture du scénario. Nous avons planifié les séances et nous avons défini un cahier d’objectifs à mettre en place sur la période. Une fois les séances définies, nous nous en sommes réparties la construction. Ainsi, des liens vers des vidéos réalisées par Kahina sur les différents mouvements de caméras, mais aussi des visionnages ciblés des autres courts métrages des Enfants des Lumière(s) ont entre autres été proposés pour les élèves lors du confinement. Nous leurs avons proposés ? également un travail « d’ imprégnation » des lieux de tournage, via des photographies et des vidéos, afin qu’ils se transposent virtuellement dans ces espaces et qu’ils s’engagent dans l’écriture des différents temps du scénario. Ils recevaient régulièrement des questionnaires en ligne selon les axes étudiés. Des allers-retours de messages sur leurs propositions, leurs questionnements, entre eux et avec nous, ont été très fertiles dans la genèse de leur scénario. Enfin nous avons mis en place des classes virtuelles en demi-groupe en coanimation afin d’expliciter les objectifs généraux, spécifiques et les critères de réussite des séances proposées. Nous nous sommes également répartis les élèves à contacter en individuel afin de les relancer dans le travail.

Structurer le temps en fixant les créneaux de classe virtuelle

Le confinement a-t-il eu une influence sur l’implication des élèves ? 

Elise Phalipaud et Amélie Aimedieu : Les 25 élèves du projet ont gardé leur motivation et leur implication tout au long du confinement. Si certains ont eu des difficultés à se munir d’un ordinateur au début, d’autres sont restés plus en retrait. Il a fallu doubler notre suivi par des appels téléphoniques à leur domicile. Ces démarches personnalisées ont été très bénéfiques. Le plus difficile pour les élèves était de gérer la temporalité. Beaucoup d’entre eux ont déplacé les plages de travail à l’après-midi et à la fin de journée. Cette variable temporelle a été pour nous également l’axe le plus difficile à gérer. Nous avons tenté de structurer le temps en anticipant et fixant les créneaux de classe virtuelle et en communiquant quotidiennement sur les plages de coanimation. Mais le maillage de la sphère privée et de la sphère scolaire se retrouvant dans un même espace-temps, de nombreux élèves ont déstructuré leur journée de travail. Nous avons alors fait le pari de la flexibilité et de la souplesse afin de préserver l’investissement de tous. 

Vous avez réalisé à l’attention des élèves un atelier filmé sur les différents mouvements de caméra. Avez-vous pu, depuis lors, passer à la pratique ? 

Kahina Asnoun : Avant le confinement nous avions déjà fait beaucoup d'ateliers sur l'image avec notamment plein d'exercices pratiques. L'atelier filmé nous a permis de garder du contact. Les élèves ont trouvé cela divertissant car j'ai caché dans cet atelier plusieurs faux-raccords à trouver. C'est le seul atelier de ce genre que j'ai réalisé car je souhaitais faire les autres avec eux en classe afin qu'on puisse avoir un vrai échange. Ce qui malheureusement n'est pas possible avec ce genre d'atelier. 

Rassurer les élèves et les mettre en confiance
Classe de 4e du collège André Malraux d’Asnières-sur-Seine Collège André Malraux, Asnières-sur-Seine

Le casting du film s’est fait en ligne. En tant que réalisatrice, aviez-vous déjà fait cette expérience ?

Kahina Asnoun : La majeure partie du casting s'est faite à la rentrée. Puis il y a eu le deuxième confinement alors qu’il nous restait deux rôles à caster. Nous avions déjà vu des élèves pour ces deux rôles mais nous voulions les voir une deuxième fois avant de les attribuer. C’est grâce à l'investissement des professeures que nous avons pu organiser ce casting en ligne. C’était une expérience que je n’avais jamais réalisée. Car il est toujours mieux de voir les personnes « en vrai » pour pouvoir les rassurer, les mettre en confiance, pour voir leur jeu… C'est beaucoup plus simple quand on a des indications précises à donner. Mais on s'est adaptés à la situation. À travers mon écran et avec les professeurs, tout a été mis en place pour rassurer les élèves et les mettre en confiance. Ce casting m'a permis de bien voir les prestations de chacun et les professeurs filmaient les castings dans le cas où on aurait besoin de les visionner à nouveau. Finalement les élèves ont trouvé cet exercice drôle et l'ont apprécié.

Quand débutera le tournage au Museum d’histoire naturelle (MNHN) ?

Elise Phalipaud et Amélie Aimedieu : La semaine du 1er au 5 février 2021, et nous avons pour l’instant d’ores et déjà une journée de tournage au MNHN. Nous allons tourner dans la grande galerie de l’évolution et dans la galerie de paléontologie et d’anatomie comparée le mardi 2 février. Une demande d’une demi-journée supplémentaire pour tourner dans l’amphithéâtre de paléontologie est en attente.

Les élèves sont revenus avec une détermination et un enthousiasme bien plus forts qu’avant le confinement

Que retenez-vous de cette expérience ?

Kahina Asnoun : Malgré le confinement, nous étions déterminés à continuer nos ateliers car nous étions tous très motivés par le projet. J'ai la chance de travailler avec une classe incroyable, très investie dans ce projet, mais aussi un corps enseignant qui est aussi très impliqué. C'est notre engagement dans le projet qui nous a poussé à trouver des solutions pour continuer à avancer en attendant la fin du confinement.

Elise Phalipaud et Amélie Aimedieu : Cette expérience est inédite ! Nous avons collectivement trouvé des actions adaptées et profitables pour tous. Nos différents regards nous ont permis d’affiner nos propositions, de stimuler la nécessaire adaptabilité et flexibilité pour une plus grande justesse. Elle nous a aussi appris à communiquer plus et mieux. C’est la synergie Elèves- CNC – MNHN - Professeurs qui a permis de garder le projet en mouvement même durant une période de flottement spatial et temporel. Ce sont les interactions et les interrelations connectées qui ont permis de poursuivre le travail. Les élèves sont revenus avec une détermination et un enthousiasme bien plus forts qu’avant le confinement. Le cœur du projet (Diversité et Potentialités) a continué de battre et de rythmer la vie de la classe durant la période de confinement, même si les pulsations étaient variables. Ce sont ces pulsations dynamisantes qui ont permis de faire circuler les idées, d’aérer la créativité et d’ouvrir un champ des possibles quand nous nous sommes retrouvés. 

Propos des élèves

« J’ai aimé qu’on puisse faire des vidéos et des petits quizz en cette période de confinement. Voir et entendre d’autres personnes que sa famille, ça fait plaisir ! » Maïssane Sari

« Apprendre par des vidéos alors qu’on est tous chez soi, c’était plutôt amusant ! Les questionnaires pour construire le scénario n’étaient pas faciles car on manquait d’idées. Mais grâce à Discord, nous avons échangé et j’ai pu retrouver de nouvelles idées. » Cécile Liao

« Ce n’était pas facile les Visio, mais j’ai appris beaucoup de choses, notamment les plongées, contre-plongées, les raccords et les faux-raccords. » Nassim Sarih

« J’ai bien aimé quand on a passé les castings. C’était amusant et un peu stressant quand Kahina nous regardait de chez elle. Il fallait lui montrer qu’on est bon ! » Ralph Lafortune

« Nous avons utilisé le réseau social Discord pour pouvoir tous communiquer entre nous sur le travail à faire. Pendant les vacances de confinement, nous avons tous appris notre scénario, notre rôle, les personnages et nous sommes revenus à l’école avec plein d’idées. » Ketsia Etinof