Concours « Moteur ! » : une initiative pour les 14-22 ans en faveur de l’égalité des chances

Concours « Moteur ! » : une initiative pour les 14-22 ans en faveur de l’égalité des chances

Claps d'or 2022
Les lauréats de l’édition 2022 du concours Moteur ! au Festival de Cannes Caroline Sénéclauze

L’association Moteur !, en partenariat avec le CNC, organise chaque année un concours ouvert à tous les jeunes de France, de 14 à 22 ans. Alors que les 26 lauréats de l’édition 2025 ont reçu les Claps d’Or au Festival de Cannes, entretien avec Caroline Sénéclauze, à l’initiative du projet.


D’où est née l’idée de créer l’association Moteur ! ?

Caroline Sénéclauze : Il y a quelques années, je travaillais sur les questions de représentation et de diversité sur les chaînes de télévision au sein de l’Observatoire de la diversité de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Plutôt que de rédiger des rapports qui restaient souvent sans effet, j’ai créé ce projet Moteur ! pour agir plus concrètement. L’objectif de ce concours est de donner la parole à tous les jeunes de France, de 14 à 22 ans, et de diffuser des films qui montrent que la France résulte d’une mixité territoriale, culturelle et sociale. Nous leur posons une question simple : « Dis-nous qui tu admires à travers une vidéo d’une minute trente avec ton smartphone ». Ce projet permet de gagner en confiance et de créer un contenu très réel, à l’inverse de ce que les réseaux sociaux proposent de faire. Filmer ses modèles d’inspiration - un sujet intime - permet aux participants de s’interroger sur leurs valeurs et sur ce qu’ils ont envie de devenir. C’est une narration personnelle, engagée et forte. Nous avons aujourd’hui 4 000 films en stock, véritables témoignages sociologiques de ce que la jeunesse ressent et de ses engagements dans des sujets de société importants. À l’issue du concours, les lauréats reçoivent les Claps d’Or au Festival de Cannes des mains de Thierry Frémaux [son délégué général, ndlr]. Mais, en réalité, « tous les jeunes sont gagnants », comme le dit Boris Cyrulnik, membre du conseil scientifique de Moteur !, car mener un projet dans son entièreté et créer un petit morceau de cinéma transforme profondément.

Comment est organisé le concours ?

Nous avons noué un partenariat avec l'Éducation nationale, pour tous les collèges et lycées qui ont des classes d’éducation à l’image. Nous travaillons également avec l’Aide Sociale à l’Enfance, des associations de quartier ou des associations d’égalité des chances comme l’Afev (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville) ou UnisCités. Nous souhaitons que Moteur ! touche les jeunes les plus fragiles, isolés dans un contexte rural profond ou en zone urbaine sensible, sans les stigmatiser, pour qu’ils osent participer au projet. Les réseaux sociaux jouent aussi un rôle très important pour nous, pour aller chercher des jeunes qui ne sont ni dans le système scolaire ni dans le tissu associatif. Notre parrain, Samuel le Bihan, et nos anciens présidents de jury - Agnès Jaoui, Grand Corps Malade, Mathieu Kassovitz, Julie Bertuccelli, Maïmouna Doucouré…-, ou encore notre partenaire Allociné, relaient le message autour d’eux. Nous nous appuyons aussi sur un collectif de 70 ambassadeurs, des anciens lauréats du concours qui retournent dans leur école ou leur quartier, et parlent de Moteur ! à leurs proches. Ils sont nos relais régionaux. Avec cette communication, nous avons reçu cette année 704 films, un record.

Moteur ! est une porte d'entrée dans les métiers du cinéma pour beaucoup de jeunes qui ne se sentent pas légitimes. 

Quelles sont les spécificités de cette édition ?

Nous avons lancé la neuvième édition du concours au théâtre de la Concorde à Paris, avec Euzhan Palcy, notre présidente de jury, en présence de Lucien Jean-Baptiste, Jean-Marc Mormeck, multi-champion du monde de boxe, et le président du jury de la première saison, Abd Al Malik. Cette édition nous permet de mettre en lumière le sujet sensible qu’est l’esclavage. La liberté est une problématique centrale dans nos vies aujourd’hui. Elle est fragile, et en Guadeloupe ou en Martinique, nous observons à quel point la question de la libération de l’esclavage est très délicate. C’était d’ailleurs le sujet du premier film d’Euzhan Palcy, Rue Cases-Nègres. J’ai demandé à Thierry Frémaux de monter les marches le 22 mai, le jour de la commémoration de la fin de l’esclavage en Martinique. Il faut continuer à célébrer et entretenir cette liberté qui est la nôtre.

Comment se concrétise l’accompagnement des jeunes pendant le concours ?

Peu de jeunes demandent un accompagnement par l’association car ils savent bien manier les outils de montage. S’ils ont une requête particulière, comme réaliser un plan fixe en coupe, nous les aidons sans forcément mettre en place de formation. Une partie des candidats bénéficie des conseils des ambassadeurs, et d’autres sont accompagnés par leurs enseignants. Mais quelle que soit la qualité du montage, de l’image ou du son, le film leur permettra d’avancer dans leur construction personnelle. C’est un concours d’égalité des chances : même si les candidats ne jouent pas à armes égales, tous restent les meilleurs scénaristes de leur vie. Parmi les films des 26 lauréats de cette année, certains sont de véritables œuvres cinématographiques, quand d’autres, plus simples, véhiculent un message fort. Moteur ! est une porte d'entrée dans les métiers du cinéma pour beaucoup de jeunes qui ne se sentent pas légitimes. Le concours permet de révéler des talents exceptionnels. Depuis neuf ans, nos promotions entrent à 80 % dans les métiers de l’image, alors que nos participants ne pensaient pas être un jour autorisés à rêver à ce secteur.

L’accompagnement des jeunes se poursuit-il après le concours ?

Oui. Nous avons créé pour nos jeunes les campus de la confiance, à Saint-Ouen, Nice et Paris. Ils y suivent des ateliers d’expression artistique qui leur donnent un souffle de confiance supplémentaire pour mener à bien leurs projets. Ils font du slam avec Jacky Ido, de l’éloquence avec Bertrand Périer, de la méditation avec Mathieu Brégégère, du hip-hop avec le lycée Turgot, du théâtre avec Muriel Mayette-Holtz du théâtre national de Nice… Cinq jours de vie en commun avec un spectacle final, que nous avons organisé l’année dernière au Théâtre de la Concorde, devant 600 personnes. Le campus de la confiance permet d’achever la thérapie qu’ils commencent avec Moteur ! en lâchant prise, en se libérant d’éléments traumatiques. Nous entretenons aussi la fraternité de nos lauréats. Alors qu’ils n’étaient pas du tout destinés à se rencontrer, ils forment désormais une famille.