Vous avez commencé la réalisation avec les génériques des films de Jacques Audiard…
Pas exactement. Pour être précis, j’ai commencé dans la production et le graphisme. Je faisais beaucoup d’habillage télé et de jingle. Il y avait pas mal de travail à l’époque et ça me plaisait. Nous étions une petite équipe, et de la production je suis passé à la réalisation. C’est allé très vite : j’ai réalisé 300 jingles pour le nouvel habillage de France 2 : la série des trompe-l’œil. Et j’ai continué pendant 8 ans. En tout, j’ai dû en réaliser presque un millier !
Vous ne vous occupiez que de la réalisation ?
Non, je faisais la conception, l’écriture, la production et la réalisation, en tournant en 16 millimètres. Une école extraordinaire. Pour l’écriture, j’écrivais par exemple avec Thomas Bidegain et Noé Debré… Un jour, Jacques Audiard m’appelle et me dit qu’il adore mon travail sur les jingles France 2 et me demande si je n’aurais pas une idée de générique pour son film De battre mon cœur s’est arrêté.
Ça s’est passé aussi simplement que ça ?
A peu près, oui. En fait, j’ai profité des reshoot que Jacques Audiard faisait 4 mois après le tournage. Il faisait de nouveaux plans pour la scène d’ouverture sur le périphérique parisien et j’ai donc fait des plans de d’éblouissement de phares de voitures : mon idée était d’intégrer tout cela dans de la typographie en mouvement. C’est à partir de là que s’est enclenchée une collaboration qui dure encore, car j’ai fait tous ses génériques depuis. Plus des séquences spéciales, dans certains films. Quand elles étaient oniriques, par exemple. Les séquences de rêve dans Un Prophète, c’est moi. Pareil pour la séquence d’ouverture de De rouille et d’os. Ce qui est drôle c’est que je ne fais pas les génériques de mes propres films. Je ne supporte pas. Ça me fait trop bizarre, même si j’ai une idée assez précise de ce que je veux...
C’est quand même rare d’avoir des génériques créatifs dans des films, non ?
Oui, ce n’est plus vraiment fréquent. Mis à part quelques exemples que tout le monde connait : Saul Bass pour les classiques ou Kyle Cooper, qui a fait celui de Seven. En fait, c’est devenu plus une mode dans les séries. Au cinéma, aujourd’hui, les réalisateurs ont de moins en moins envie d’avoir pour le générique une œuvre à part, qui casserait la continuité du film. En série, c’est justement l’idée. Surtout que le générique sert aussi d’élément de promotion. Le dernier qui m’a bien scotché, c’est celui de Mindhunter parce qu’il raconte une histoire. Ça, j’adore !
La réalisation de long métrage ou de série a toujours été votre but ?
Toujours, oui, mais je suis juste passé par des chemins de traverse, en faisant des génériques et des jingles. J’ai toujours voulu être réalisateur de narration. J’ai juste commencé par des petits trucs de 5 secondes, puis 30 et au fur et à mesure le format s’est allongé en fonction des projets. J’ai fait des pubs… Pour mon premier film, La Résistance de l'air, l’idée est venue durant une session d’écriture avec Thomas pour des jingles de France 2 dont la thématique était le sport. On regardait un reportage sur les JO et une compétition de tir à 300 mètres et on s’est dit qu’il y avait là quelque chose à creuser pour un film.
Que vous a appris, sur le plan de la réalisation, cette expérience avec les jingles et les génériques ?
Ça m’a appris à travailler en volume et dans la profondeur. Bien évidemment, j’ai appris à travailler vite et à me débrouiller. Surtout, j’ai beaucoup appris sur la technique, ce qui fait que je l’oublie très vite. Mais si je devais dire une seule chose : le cadrage. Pour les jingles France 2, il m’est arrivé de faire 7 « films » différents dans un même lieu, avec 7 cadrages différents et 7 acteurs différents sans qu’on sente un lien à l’écran. On peut dire que je sais optimiser mes décors !