point presse sur le bilan de la production cinéma 2006

point presse sur le bilan de la production cinéma 2006

17 avril 2007

Trois faits marquants sont à observer dans le bilan 2006 de la production française de longs métrages :

• un retour à la normale s'agissant du nombre de films produits, après le record historique atteint en 2005 ;
• une persistance de la bipolarisation de la production, notamment, un déficit accru de films de 4 à 7 M€ de devis ;
• un tassement des investissements des chaînes en clair, compensé par la progression des aides publiques (crédit d'impôt, SOFICA, aides régionales).


 1- Nombre de films produits : stabilisation autour de 200 films

L'an dernier un record historique du nombre de films produits avait été atteint avec 240 films agréés dans l'année ; c'était une année atypique ; l'explication de ce record tenait sans doute à la réforme annoncée pour le début 2006 du crédit d'impôt, qui avait poussé beaucoup de producteurs à déposer leurs projets avant la fin de l'année 2005, et aussi à un nombre exceptionnel de coproductions avec l'étranger.
 

En 2006, l'activité de production revient à un nombre de films identique à celui de l'année 2004 avec 203 films agréés, représentant 1,148 Md d'euros d'investissement, parmi lesquels 164 films d'initiative française (187 en 2005, 167 en 2004), pour 865 M€.

Il faut donc prendre un peu de distance avec des résultats analysés selon le rythme de l'année civile : en observant les résultats des cinq dernières années, on constate que la production connaît un cycle binaire avec, en alternance, les années impaires (2003, 2005) où le nombre de films agréés dépasse 210 films, et les années paires (2002, 2004, 2006) où il est légèrement supérieur à 200.

En lissant ces résultats on obtient sur 5 ans une moyenne d'environ 170 FIF/an et une moyenne de 210 films agréés au total : c'est désormais, semble t-il, le rythme de croisière de la production française.

Aller au-delà serait sans doute dangereux pour assurer à l'ensemble de la production une exposition en salles.

Descendre en dessous, à volume d'investissement constant, permettrait d'améliorer le financement des films produits, mais au prix d'une perte de diversité et de pluralisme.

D'une manière générale, les variations annuelles que l'on observe d'une année sur l'autre doivent inciter à la prudence pour des statistiques qui portent sur une période de douze mois alors que les cycles de production de certains films (notamment les plus gros budgets), sont plus longs (2 ans, voire plus pour les films d'animation).


2 - Les investissements dans la production : une production mieux financée mais marquée par des inégalités selon les devis


La production 2006 est un peu mieux financée que la production 2005, d'où l'augmentation du devis moyen de 4,99 à 5,27 millions d'euros, puisque si le nombre de films d'initiative française produits baisse de 12 %, la baisse des investissements est moins forte (-7%).


Le nombre de films de devis inférieur ou égal à 2M€ demeure important (63 films), ce qui, pour certains d'entre eux, signifie des conditions de production parfois précaires par rapport à leur ambition artistique.


Le nombre de films dépassant 15 M€ est inférieur à celui constaté en 2005 (9 au lieu de 12).


Cependant, c'est dans la tranche des films situés entre 4 et 7 millions d'euros que le déséquilibre se creuse : en 2004, 48 contre 19 seulement en 2006.


Il faut sans doute y voir un effet plus accentué encore que l'année précédente de la clause de diversité de Canal+ qui opère une distinction entre les films à moins de 4 M€ et les autres (alors qu'avant 2005 le seuil de diversité était fixé à 5,34 M€).


Ceci doit faire réfléchir à l'importance de l'impact de ces clauses de diversité sur les conditions de financement des différentes catégories de films.
 
 
3 -  Bilan contrasté des investissements TV



Certaines sources de financement n'ont pas progressé (chaînes de télévision en clair notamment), voire dans certains cas (France 3, TPS) ont reculé.


Il faut cependant faire la part des distorsions statistiques dues aux deux calendriers différents que sont ceux des obligations des chaînes (engagements financiers annuels auprès du CSA) et ceux des statistiques du CNC (films mis en tournage au cours d'une année), qui, dans les deux cas cités, sont sans doute la cause principale de la baisse constatée.


Mais si les chaînes ont certainement respecté leurs obligations, la diminution de leurs investissements constatés à l'agrément en 2006 (-20% pour l'ensemble des chaînes en clair) explique et reflète une part des difficultés rencontrées par certains pour boucler leur financement.


La contribution de Canal + progresse de 9,7%, ce qui est bon signe, compte tenu de la diversité de profil des films que la chaîne préachète et du montant de sa contribution (138,3M€).



4 - Progression des financements publics


Pour ce qui concerne les financements publics, les mesures engagées en 2004 par le gouvernement  (crédit d'impôt, développement des fonds régionaux) prennent leur plein effet sur l'année 2006.


L'impact du crédit d'impôt (119 films en bénéficient en 2006) est, pour la première fois, mesurable dans la progression sensible des apports producteurs (+ 10,6 %). Son effet en termes de relocalisation des tournages est également notoire (moitié moins de tournages à l'étranger qu'en 2004).


Les investissements des SOFICA progressent aussi : la moitié des films d'avance sur recettes ont accès aux SOFICA, 11 premiers films ont bénéficié de leur investissement, ainsi que la moitié des films sans financement des TV en clair. Cette croissance se poursuivra encore significativement en 2007 grâce à la réforme des SOFICA opérée récemment.


Les aides des régions aux longs métrages auxquelles le CNC contribue par le mécanisme du 1 € pour 2 € depuis trois ans, ont également progressé. Cette source de financement atteint presque 18 M€ en 2006. Ces aides sélectives régionales ont été multipliées par 2 entre 2002 et 2006 et concernent 77 films, qui pour nombre d'entre eux n'ont pas de financement des chaînes en clair.



5 -  Les aides du CNC : vers une plus grande solidarité


Le soutien automatique du CNC est stable,  l'avance sur recettes est en léger recul dans les films agréés en 2006 bien que son  budget de 22 M€ soit constant.


Il apparaît, dès lors, souhaitable de revaloriser les aides sélectives à la production du CNC en régulant raisonnablement le soutien automatique pour les films multimillionnaires en entrées, et ainsi privilégier la solidarité redistributive du fonds de soutien par rapport à l'effet « prime au succès » du soutien automatique.


L'objectif est de  conforter les aides sélectives du Centre comme une force  efficace d'appui au risque artistique, à l'innovation, et à l'indépendance face aux tendances du marché.

 


Conclusion


L'année 2006 confirme le rythme de croisière pris par la production française depuis plusieurs années.


L'excellente tenue du cinéma français sur le marché au cours de l'année 2006, le très bon démarrage de l'année 2007 avec près de 60 % de part de marché pour les films français et la répartition de ces entrées sur un grand nombre de films, montrent que la production française a su constituer une offre de films attractive pour le public des salles.


Il faut cependant veiller à contrebalancer le phénomène de bipolarisation qui, bien que  légèrement atténué cette année, n'en demeure pas moins un vrai sujet de préoccupation pour les films de 4 à 7 M€ de budget ; et mieux lutter contre la fragilité économique d'une partie de la production (budgets inférieurs à 2M d'Euros).


Trois pistes de réflexion peuvent être poursuivies à cet effet :

  • inciter les nouvelles sources de financements publics (Régions, SOFICA) à toujours s'intéresser  davantage à cette partie de la production française ;
  • engager un dialogue avec les professionnels (producteurs et auteurs) pour étudier un rééquilibrage des aides du CNC  de façon à renforcer les liens de solidarité entre les films grâce au fonds de soutien ;
  • étudier en détail les effets des différentes clauses de diversité des chaînes payantes, pour endiguer le déficit des films à devis moyen.