Les tendances de Séries Mania 2019

Les tendances de Séries Mania 2019

25 mars 2019
Séries et TV
Tags :
Eden
Arte - Lupa Films - Port au Prince - Atlantique Arte - Lupa Films - Port au Prince - Atlantique
La sélection de cette deuxième édition lilloise fait la part belle aux séries aux inclinaisons politiques, qui offrent un point de vue peu réjouissant sur la société d'aujourd'hui et de demain.

Depuis six mois, l'équipe de Séries Mania a enchaîné les visionnages de séries venues du monde entier. 450 œuvres ont ainsi été regardées, scrutées, évaluées (pour en retenir 70 à l'arrivée). Et dans l'ensemble, la tendance montre que les auteurs de fiction ont une conception relativement terne de la société actuelle, ou de celle que nous construisons pour demain. « Ne nous en cachons pas, leurs visions du monde ne sont guère joyeuses » expliquent la directrice générale, Laurence Herszberg, et le directeur artistique, Frédéric Lavigne, en préambule du festival.

« Face à l’instabilité politique et sociale, la tendance est aux séries qui rejouent l’histoire ou diabolisent le futur. Qu’avons-nous raté et jusqu’où cela peut-il nous mener sont les deux faces d’une même angoisse, latente dans la société, et qui gagne la sphère intime. Heureusement, la fiction déploie toute une palette de langages, du réalisme noir au comique burlesque, pour s’en faire l’écho » poursuivent les deux responsables de la programmation de Séries Mania.

Ainsi, on constate que les œuvres choisies pour être présentées aux visiteurs dans les salles des Hauts-de-France - du 22 au 30 mars - reflètent largement cette tendance. Tellement présente au cœur des débats de nos sociétés modernes, la situation des migrants influence évidemment les créateurs de série ces temps-ci, comme Dominik Moll, qui a réalisé Eden (en compétition officielle), un drame franco-allemand qui nous emmènera sur une plage grecque, là où une cinquantaine de réfugiés débarquent un jour, devant une foule de touristes médusés. Un événement qui va bouleverser la vie d’une galerie de personnages de tous horizons. Une fresque contemporaine sur les vagues migratoires qui balaient le Vieux Continent depuis le début du siècle. Dans la même veine, le polar israélien Asylum City (dans la section Panorama International) -  du nom du quartier de Tel Aviv où échouent les réfugiés africains - va offrir aux festivaliers une plongée naturaliste et humaniste aux côtés des migrants clandestins de Tel Aviv, à travers la lutte permanente d'une activiste qui se bat pour les droits des demandeurs d’asile. D'immigration il sera aussi question avec Identification (en compétition officielle), un drame russe suivant une communauté d’immigrés illégaux originaires du Kirghizistan.

Le social et le politique seront également au cœur de Just for Today (l'autre série israélienne en compétition officielle), qui nous fera découvrir une maison de transition, au sein de laquelle travailleurs sociaux et anciens détenus se côtoient dans une harmonie précaire, entre volonté de réintégration et drames personnels.

Séries Mania parlera aussi de la guerre latente et de la répression permanente, à l'image de Chimerica (en compétition officielle), une mini-série anglaise qui interroge les rapports géopolitiques polarisés entre les géants chinois et américains, à travers le parcours du journaliste qui a pris la fameuse photo de cet homme, face aux chars sur la place Tian’anmen. Vingt ans plus tard, il va commettre l’irréparable en truquant un cliché sur la guerre en Syrie, au moment de l’élection de Donald Trump aux États-Unis... Également ancré dans la crise au Moyen-Orient, Baghdad Central (en compétition officielle) racontera le douloureux dilemme d'un policier sommé de collaborer avec les Américains avant la chute de Saddam Hussein... La série russe Blackout (dans la section Panorama International) traitera aussi de la guerre, mais sous un angle plus social, à travers les yeux d'un vétéran de la guerre en Afghanistan, psychologiquement perdu et moralement dévasté, qui trouve difficilement sa place dans une URSS à bout de souffle, au début des années 90...

Face à tant de noirceur, les séries ont tendance à chercher une échappatoire dans le fantastique. Et dans ce qu'on appelle plus communément aujourd'hui la « dystopie ». Un genre popularisé par le créateur britannique de Black Mirror, Charlie Brooker, qui viendra justement à Séries Mania cette semaine, pour discuter avec les festivaliers de cet exercice de style si particulier. Un genre qui sera représenté par Osmosis (en compétition française), série hexagonale de Netflix, dans laquelle on promet à chacun de trouver l’âme sœur grâce à des microrobots implantés dans le cerveau...