Carlotta Films ou comment valoriser le patrimoine

Carlotta Films ou comment valoriser le patrimoine

L'héritage des 500 000
L'héritage des 500 000 Mifune Productions - Takarazuka Motion Picture Company Ltd

Alors que L’héritage des 500 000, la seule réalisation de l’acteur Toshiro Mifune inédite en France, sort en salles le 3 avril, Vincent Paul-Boncour, directeur général de Carlotta Films, nous explique les dessous d’une telle sortie.


Cela fait 21 ans que Carlotta Films, distributeur et éditeur vidéo indépendant, déterre ou remet dans la lumière des œuvres oubliées ou inestimables du patrimoine mondial. De L’Aurore de Friedrich W. Murnau aux films méconnus de Rainer W. Fassbinder, de La Porte du Paradis de Michael Cimino à l’invisible The Last Movie de Dennis Hopper, Carlotta a progressivement acquis une solide réputation d’exigence et de qualité. Dernier exemple en date de la mission de défrichage que cette société s’est assignée : l’exhumation du long métrage, inédit en France, de l’acteur japonais superstar, Toshiro Mifune. L’héritage des 500 000 (1963) raconte la mission compliquée d’un groupe de baroudeurs, chargé de récupérer “l’or de Yamashita”, ce trésor de guerre mythique qu’un général japonais aurait enfoui dans la jungle philippine. Très influencé par le cinéma américain, Toshiro Mifune (qui s’est octroyé le rôle d’un ancien militaire obligé de collaborer avec des gangsters) signe un formidable film d’aventures, viril et tragique, que n’aurait pas renié son mentor Akira Kurosawa. On sait d’ailleurs aujourd’hui que ce dernier imprima sa patte au film puisque l’équipe technique était en majorité composée de ses propres collaborateurs. Il recommanda également à Mifune de refaire certains plans et s’intéressa de très près au montage...Mais en dépit de cette omniprésence du grand Kurosawa, de la notoriété internationale de Mifune et de son succès au Japon (où il se classa septième du box-office, en 1963), L’héritage des 500 000 ne dépassa jamais les frontières de l’archipel. « Il faut savoir que la majorité des films japonais ne s’exportaient pas à l’époque, explique Vincent Paul-Boncour, directeur général de Carlotta Films. Pour une raison toute bête : les studios locaux manquaient de vendeurs internationaux parlant anglais ! S’agissant de L’héritage des 500 000, produit entièrement par la boîte de production de Toshiro Mifune, il n’a en outre pas pu bénéficier à plein de l’aide du puissant studio Toho, ici simple distributeur. »

Tous les droits

Pour Vincent Paul-Boncour, dénicher la perle rare tient à la fois de la chance et de l’intuition. « J’ai découvert l’existence de L’héritage des 500 000 grâce au coffret livre-dvd Dictionnaire du cinéma japonais en 101 cinéastes que nous avons édité l’an dernier dans lequel une notule était consacrée au film de Mifune - la traduction d’un texte de la fameuse scripte, Teruyo Nogami. Cela m’a beaucoup intrigué, non seulement en tant que cinéphile mais en tant que distributeur. Je me suis donc renseigné et j’ai découvert que la Toho détenait tous les droits -salles, vidéo, télévision, streaming- que j’ai achetés pour la France. Par chance, le film avait été restauré en haute définition par la Toho. Nous nous sommes “contentés” d’upgrader l’image et le son et de créer les sous-titres français. » Tout compris, cette sortie coûte à Carlotta entre 40 000 et 50 000 euros, investissement dont l’amortissement se fait plutôt sur le moyen ou le long terme. « On a une rentabilité sur chacune des exploitations du film, qu’on va sortir sur cinq à dix copies en France puis dans un coffret dvd/Blu-ray à la rentrée. En espérant qu’un diffuseur, une chaîne de télé ou un opérateur de streaming, nous l’achète ensuite. » Le travail de Carlotta a déjà payé : on n’ignore plus l’existence de L’héritage des 500 000  et, de cela, personne ne se plaindra.