Charles Aznavour, en haut des affiches

Charles Aznavour, en haut des affiches

02 octobre 2018
Charles Aznavour dans Tirez pas sur le pianiste
Charles Aznavour dans Tirez pas sur le pianiste Films de la Pléiade

Charles Aznavour s’est éteint à l’âge de 94 ans. Monument de la chanson française, il a connu en parallèle une belle carrière d’acteur, marquée par des rencontres décisives. Retour sur dix apparitions mémorables.


Tirez sur le pianiste de François Truffaut (1960)

Avant de rencontrer Truffaut, Charles Aznavour est déjà apparu au cinéma. Il a suffi d’une scène de démence dans La Tête contre les murs de Georges Franju, sorti l’année précédente, pour persuader le réalisateur des 400 Coups qu’Aznavour ferait l’affaire en petit pianiste de bar miteux. Dans Tirez sur le pianiste, inspiré d’un roman noir de David Goodis, le chanteur et acteur impose sans forcer une mélancolie douce et une présence envoutante.

 

Le Testament d’Orphée de Jean Cocteau (1960)

Tout le cinéma français (et pas seulement) voulait tourner avec Jean Cocteau. Dans Le Testament d’Orphée,  film expérimental qui est d’abord un autoportrait du poète en Orphée, on croise donc le fidèle Jean Marais bien-sûr mais aussi Maria Casarès, François Perier, Daniel Gélin, Jean-Pierre Léaud, Françoise Sagan, Pablo Picasso, Yul Brynner et Charles Aznavour qui interprète « Le curieux ». Chacun passe ici puis trépasse de l’autre côté du miroir de ce film d’une beauté inouïe.

 

Un taxi pour Tobrouk de Denys de La Patellière  (1961)

Après une entrée remarquée dans la Nouvelle Vague, Aznavour brouille les pistes en acceptant de jouer le rôle principal de ce film de guerre rehaussé par les répliques fracassantes de Michel Audiard. L’action sur déroule en plein désert libyen durant la Seconde Guerre mondiale et raconte les péripéties de quatre soldats français. Ce film humaniste et pacifique démontre l’absurdité de la guerre et permet à Aznavour de révéler son potentiel comique à l’écran. Il casse son image de héros sombre et taiseux en incarnant Samuel Goldman, un brigadier intello accompagné de son acolyte désabusé et en butte à l’antisémitisme. Le film est un succès et cumulera plus de 5 millions d’entrées.

 

La Métamorphose des cloportes de Pierre Granier-Deferre (1965)

De ces Cloportes, on se souvient surtout de la partition jazzy et endiablée de l’organiste Jimmy Smith qui donne à cette comédie policière du rythme et une classe folle. Aznavour, après l’aventure Tobrouk, brouille encore les pistes et prend visiblement un plaisir fou à reprendre une fois de plus les dialogues crépitants de Michel Audiard. L’acteur sait les rendre à la perfection, comme dans cette séquence où il lance à une fille de mauvaise vie : « … Mon camarade vous demande où est Rouquemoute… Vous le lui dites, ou j’te commence à coups de lattes et j’te termine au rasoir ! » Imparable.

 

Dix petits nègres de Peter Collinson (1974)

Avec son esthétique baroque, limite fantastique, cette adaptation du plus célèbre roman policier d’Agatha Christie est une vraie curiosité. Charles Aznavour fait partie d’un incroyable casting international qui comprend Richard Attenborough, Stéphane Audran et Orson Welles (dont on n’entend que la voix).

 

Le Tambour de Volker Schlöndorff (1979)

Cette adaptation du texte de Günter Grass fut couronnée d’une Palme d’Or en 1979 (à égalité avec Apocalypse Now de Coppola) et d’un Oscar l’année suivante. Si l’on doit la présence au générique de Charles Aznavour à des contraintes de coproduction avec la France, celui-ci va transcender son rôle et marquer cette fresque, sur fond de Seconde Guerre mondiale, de son empreinte tragique. Il incarne le marchand de jouets donnant au jeune héros le tambour sur lequel celui-ci va taper pour exprimer ses émotions. Aznavour est le juif Sigismund Markus qui choisit le suicide pour échapper aux persécutions nazies.

Les Fantômes du chapelier de Claude Chabrol (1982)

Œuvre étrange et ambiguë de Claude Chabrol, qui adapte ici un roman noir de Georges Simenon, Les Fantômes du chapelier offre à Charles Aznavour son rôle le plus torturé. Le récit est un face-à-face morbide entre un criminel (Michel Serrault) et son confident (Aznavour) qui refuse de le dénoncer et vit rongé par le remords. Charles Aznavour a également participé à la bande originale du film. Sa prestation toute en retenue est l’un des sommets de sa carrière d’acteur.

 

Edith et Marcel de Claude Lelouch (1983)

L’histoire de ce film retraçant la passion tragique d’Edith Piaf et Marcel Cerdan restera éternellement marquée par le suicide de Patrick Dewaere pendant la production. Claude Lelouch fut donc contraint de le remplacer dans l’un des rôles titres par le fils du boxeur : Marcel Cerdan Jr. Pour Charles Aznavour, qui joue ici son propre rôle, c’est une occasion de rendre hommage à Edith Piaf, qui lança sa carrière de chanteur en 1946.

 

Mangeclous de Moshé Mizrahi (1988)

L’auteur du roman dont le film est tiré, Albert Cohen, a toujours exprimé ses réticences à voir son œuvre adaptée. Décédé plusieurs années avant sa sortie en salles, l’écrivain n’aura donc pas vu l’adaptation de son récit polyphonique qui réunit un étonnant casting : Pierre Richard, Jean Carmet, Bernard Blier et Charles Aznavour, formidable d’autodérision dans cette fable qui voit une bande de pieds nickelés partir à la recherche d’un trésor.

 

Ararat d’Atom Egoyan (2002)

Ce film hommage à l’Arménie et à son douloureux passé ne pouvait que séduire Charles Aznavour. Il interprète ici un cinéaste qui entend rendre compte de l’atrocité du génocide arménien. Articulé comme un thriller dans lequel plusieurs histoires se superposent, le récit interroge la mémoire et les souvenirs. Avec ce rôle sensible, Charles Aznavour signe peut-être sa dernière prestation marquante sur grand écran.