De quelle manière le cinéma méditerranéen a-t-il évolué depuis quarante ans ?
Quand Cinémed est né en 1979, les cinémas italien et espagnol avaient chacun une longue tradition, mais beaucoup de cinématographies de la Méditerranée n’étaient pas présentes sur les écrans. La naissance d’un festival comme celui-ci, mais aussi comme celui des Trois Continents à Nantes, ou celui de Clermont-Ferrand pour les courts métrages, découlait de la volonté de faire découvrir des films qu’on ne montrait pas ailleurs, qui ne trouvaient pas leur place dans les circuits commerciaux. Emir Kusturica, par exemple, a présenté son premier film, Te souviens-tu de Dolly Bell ?, à Montpellier, avant d’être ensuite récompensé deux fois par la Palme d’or. Il y a aussi eu l’émergence d’un public formé par ces festivals, ayant une appétence pour un cinéma hors des circuits commerciaux. Un cercle vertueux s’est mis en place, et ces films ont ensuite été montrés en salles. L’année dernière, en compétition à Cannes, il y avait un premier film égyptien, Yomeddine, et un film libanais, Capharnaüm. Deux films qui ont connu ensuite une exploitation classique. Pour des films libanais ou égyptien, c’est remarquable !
Le Cinémed a toujours été porté par la volonté de faire émerger de nouveaux auteurs…
Oui, il y a une volonté d’accompagnement et de découverte des auteurs. C’est pour ça qu’on a créé il y a 25 ans des rencontres professionnelles autour des bourses d’aide au développement. Un bel exemple, cette année, c’est la projection d’Un Fils, un premier film tunisien, signé Mehdi Barsaoui, réalisateur dont on avait auparavant sélectionné les courts métrages. C’est lors des journées professionnelles de Cinémed que le producteur tunisien et le producteur français du film se sont rencontrés et ont mis en place le système de coproduction. Un Fils vient d’être présenté à Venise et sort en salles début 2020.
Cette évolution, ce cercle vertueux, sont-ils différents selon les pays ?
Oui. Il y avait quinze films méditerranéens l’année dernière au Festival de Cannes : ça signifie que les talents sont là. Mais l’évolution n’est en effet pas la même selon les pays. Le système des accords mis en place entre la France et le Portugal, l’Italie ou la Tunisie, favorisent la présence de films méditerranéens dans les grands festivals et en salles, beaucoup plus qu’il y a 40 ans. Mais ensuite, pour se développer, une cinématographie nationale doit pouvoir s’appuyer sur un public local.
Qui sont les grands réalisateurs méditerranéens de demain ?
Mehdi Barsaoui, que j’ai cité plus tôt. Amin Sidi-Boumédiène fait avec Abou Leila une proposition artistique forte, très osée, qui mérite d’être suivie. Rodrigo Sorogoyen, qui vient de signer deux polars très remarqués, Que Dios nos perdone et El Reino, revient avec un film plus intimiste, Madre, extrêmement maîtrisé. C’est le futur grand cinéaste espagnol. Et je citerais enfin un réalisateur de documentaire roumain, Alexander Nanau, dont le film Collective, une enquête sur un scandale sanitaire, est aussi haletant que Les Hommes du Président. Lui, le jour où il va passer à la fiction, il va tout déchirer !
Cinémed, festival du cinéma méditerranéen de Montpellier, du 18 au 26 octobre 2019