Corée du Sud : apprendre grâce au cinéma français

Corée du Sud : apprendre grâce au cinéma français

10 février 2023
Cinéma
Atelier de stop-motion
Un atelier de stop-motion autour du "Tableau", le film d’animation de Jean-François Laguionie Ambassade de France en Corée

S'ouvrir sur le monde, apprendre une langue ou se sensibiliser à de nouvelles esthétiques et écritures à l'écran : en Corée du Sud, l’Ambassade de France mène toute l’année des programmes éducatifs autour du cinéma et de l'audiovisuel français. Décryptage. 


Depuis la mi-janvier, la 13e édition du MyFrenchFilmFestival bat son plein dans le monde avec l’ambition de mettre en lumière le jeune cinéma français, et plus largement francophone. Parmi les pays partenaires de l’édition, dans lesquels les films sont accessibles gratuitement en ligne : la Corée du Sud. Depuis quelques années, l’Ambassade de France à Séoul y développe des programmes éducatifs autour du cinéma et des séries télévisées français. La cible : un public d’apprenants, mais pas seulement. « Nous avons mis en place deux programmes : un dédié à l’apprentissage de la langue française et un autre consacré à l’éducation à l’image afin de sensibiliser les jeunes coréens au cinéma français et aux différentes écritures », explique Jean-Romain Micol, attaché audiovisuel au service culturel de l’Ambassade.

Sensibiliser « au cinéma de la diversité »

Initié en 2019, le dispositif d’éducation à l’image s’adresse à tout professeur, école, université, bibliothèque, musée ou festival, qui souhaite déployer sur le territoire des programmes destinés au jeune public. « Quand nous l'avons lancé il y a quatre ans, l’objectif était de donner des clés de lecture aux jeunes coréens pour les former à aimer le cinéma français, le cinéma dit “de la diversité” et dit “indépendant”.» Quatre œuvres ainsi que leurs fiches pédagogiques disponibles en français et en coréen sont mises à disposition des porteurs de projets de manière à développer à leur guise des ateliers, des débats, des ciné-clubs.... : le film d’animation Le Tableau de Jean-François Laguionie, la comédie L’Homme de Rio de Philippe de Broca, le documentaire Swagger d’Olivier Babinet et la fable animée La Jeune Fille Sans Mains de Sébastien Laudenbach. Ces contenus sont accessibles en Version originale française sous-titrée coréen sur IFCinéma, la plateforme dédiée au cinéma français et africain de l’Institut français.

Apprendre le français

En 2021, en parallèle du dispositif d’éducation à l’image, l’Ambassade de France a développé le programme Ciné-FLE entièrement dédié cette fois aux apprenants de la langue française. « L’idée est simple : les élèves travaillent les films par séquences. Ils les analysent avec leurs professeurs, décryptent les points de langue saillants, les expressions, la conjugaison, la grammaire, mais également les phénomènes de société qui y sont abordés, explique Daniel Rignault, attaché de coopération pour le français, qui a mis en place le dispositif, fort de son expérience passée sur le sujet à l’Ambassade de France en Chine. Nous avons travaillé en partenariat avec le CAVILAM (Centre d’Approches Vivantes des Langues et des Médias) pour former les professeurs ». Trente-quatre enseignants ont pu bénéficier de cette formation axée sur deux thématiques : « Le cinéma en classe de français : affiches, bandes annonces et extraits », et « Travailler avec des films ou des séries : un film en classe, mode d’emploi ». Outre certains contenus déjà intégrés au programme d’éducation à l’image (L’Homme de Rio, La Jeune Fille Sans Mains et Le Tableau), les professeurs peuvent s’emparer de cinq autres œuvres qui témoignent de la diversité du cinéma et de la fiction « made in France » : le documentaire animé Couleur de peau : miel du duo Laurent Boileau/Jung Sik-jun, Kirikou et la Sorcière de Michel Ocelot, Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet, ainsi que les séries L’Art du crime (France Télévisions) et Loulou (Arte).

Pour accompagner le lancement de Ciné-FLE, l’équipe de Daniel Rignault a développé une application ludique pour smartphones. « La Corée du Sud est un pays d’une grande modernité, il était important de nous mettre au niveau pour toucher le plus large public possible », rappelle-t-il. L’objectif de cette application conçue sous forme de quizz sur des extraits de films par l’agence digitale franco-coréenne Asiance : faciliter l'apprentissage de la langue française tout en faisant découvrir l'univers cinématographique et sériel français. « L’idée était aussi d’attirer de potentiels apprenants dans les alliances françaises et les centres de langues », explique Jean-Romain Micol.

Renouveler les publics

Pour mettre sur pied ce dispositif Ciné-FLE, il a fallu « obtenir les droits des programmes auprès des ayants-droits français pour les diffuser en cours, mais aussi sous forme de ciné-clubs. La difficulté a été de négocier les droits pour les films de collection, mais c’était nécessaire, car il existe un important marché du film classique en Corée du Sud », remarque Jean-Romain Micol. « Les Sud-coréens éprouvent une certaine fascination pour le cinéma de la Nouvelle Vague, pour les personnages assez stéréotypés et pour le cinéma des années 70-80 », souligne Daniel Rignault.

Au-delà des films de patrimoine dont ils sont friands, les Sud-coréens sont particulièrement sériephiles, en témoigne le succès de Loulou et de L’Art du crime dans le pays. « Ils ont un temps de transport beaucoup plus long que celui des Français, ce qui explique leur forte consommation de contenus courts et de Webtoons (bandes dessinées numériques) sur les plateformes et les réseaux sociaux. L’autre explication réside dans leur appétence pour les œuvres qui font la part belle à de multiples personnages », note Jean-Romain Micol. Les apprenants plébiscitent aussi fortement les séries : il est plus simple d’apprendre une langue avec des épisodes déjà séquencés qu'avec un film de 2 heures ».

Les équipes de l’Ambassade planchent désormais sur une deuxième salve d’œuvres à ajouter au catalogue du dispositif éducation à l’image. Le programme Ciné-FLE est toujours à disposition des enseignants dans les classes et structures de langues. « Il s’agit de deux outils précieux pour regénérer nos publics qui peuvent vieillir selon les pays, observe Jean Romain Micol. Et ainsi renouveler le public du cinéma français à l'étranger ».