Découvrez le court métrage "L’Oreille du pianiste" de Lisa Diaz

Découvrez le court métrage "L’Oreille du pianiste" de Lisa Diaz

24 septembre 2020
Cinéma
L’Oreille du pianiste de Lisa Diaz
"L’Oreille du pianiste" de Lisa Diaz
Deuxième court métrage de la réalisatrice Lisa Diaz, L’Oreille du pianiste met en scène deux personnages, au moment où le cinéma passe du muet au parlant. D’un côté, une actrice-star qui doit se mettre à parler, de l’autre, un pianiste de films muets en train de créer un piano à cordes vocales. Lisa Diaz revient sur ce court, qui avance entre poésie, fantastique et hommage au septième art, que nous vous proposons de découvrir pendant 48h.

Un hommage à l'histoire du cinéma

J’ai imaginé L'Oreille du pianiste parce que j'avais envie de me pencher sur l'histoire du cinéma. Je voulais raconter le passage du muet au parlant parce que j'avais lu de nombreuses choses sur des acteurs qui s’étaient retrouvés sans travail du jour au lendemain lors de ce tournant technologique. Mais il y avait aussi une envie plus… fantastique - tout en restant réaliste.

« J’avais envie de mêler la réalité et l'invraisemblable. J’ai eu beaucoup de mal à le faire produire d’ailleurs : on me disait souvent qu'il s'agissait davantage d'un film d'animation, que les cordes vocales ne passeraient pas en prise de vue réelle. C’était un double pari : le premier sur l'image en elle-même, le second sur le choix du film d'époque. Ambitieux pour un deuxième film ! »

L'importance du son

« Adelaïde Leroux, qui incarne l'actrice de film muet, a travaillé avec un coach vocal : je ne voulais pas que sa voix soit modifiée numériquement. Elle a effectué un énorme travail à ce niveau-là. Pour le rôle du pianiste j'avais contacté Bruno Todeschini. Il était intéressé, mais n’était pas disponible au moment du tournage. Et j'ai trouvé David Jeanne Comello. Il vient du théâtre et il a ces yeux vairons qui lui confèrent une beauté et un degré d'inquiétude très intéressant. J'ai mis du temps à trouver le bon comédien. Je voulais qu’il fasse passer beaucoup de choses dans son regard, parce que le film fonctionne sur une économie de paroles - il ne parle qu'une fois avant de s'arracher ses cordes vocales. Comme j’aborde la question du son au cinéma, une grande partie de l’acte créatif a eu lieu au montage sonore. Et le son est vraiment l’un des personnages clés du film. C’est un film silencieux, mais pas muet ! Les comédiens ne parlent pas, ou très peu, mais l’univers sonore est essentiel. »

L'enjeu des ellipses

« L'écriture du scénario a été assez rapide, mais je l'ai épuré au fur et à mesure car je savais dans quelles conditions j'allais tourner le film. Je n'aurais pas eu les moyens ou le temps de tout expliciter, il était donc nécessaire de travailler à l’économie, de faire comprendre des éléments de manière visuelle ou sonore ou bien encore par des ellipses. Je travaille actuellement sur un projet de long métrage, Zone libre, qui a reçu en mai dernier l'avance sur recettes du CNC. L'écriture m’a demandé 4 ans de travail car il y a une constellation de personnages. Vous vous rendez parfois compte qu'en questionnant un personnage secondaire laissé de côté, il devient autre chose et cela peut modifier la structure même du film. Mais si on a une idée forte ou un désir fort d’expérimentation cinématographique, alors c’est suffisant pour se lancer dans un court. On sait qu'on aura peu de temps, et on travaille alors dans l'épure dont je parlais. ».

Un film en pellicule

« Ce court a été produit par Les Films du Viaduc et le collectif Makiz’Art. Si je ne l'avais pas fait avec eux, le film n'aurait jamais pu être réalisé. Il a également été soutenu par la région Bretagne, le CG 22, Télénantes et le CNC. Mais le budget n’était malgré tout pas suffisant pour un film en costume avec des figurants. Nous n’avions que 50 000 euros pour le réaliser, ce qui a demandé beaucoup de temps et d’investissement de la part de tous mes collaborateurs. Les costumes par exemple ont été réalisés par ma sœur, costumière à l'époque, qui a réussi à dénicher des choses fantastiques. Pour faire un film d'époque avec 50 000 euros, il faut par ailleurs imaginer des manières plus « rusées » de tourner. Il faut toujours penser au bon axe de caméra (pour éviter les anachronismes du décor). J'ai fait peu de plans dans chaque séquence, mais je les ai laissés durer. Enfin, L'Oreille du pianiste a été tourné en 16 mm : j'aime la pellicule, son rendu magnifique des couleurs, le grain de l'image, la concentration que demande ce format sur le moment, lorsque vous lancez la caméra après avoir répété un mouvement... ».

Un projet « de la débrouille »

« Dans la dernière ligne droite, le producteur n'avait plus d'argent pour payer le laboratoire. Je n'ai donc pas vu mes rushes pendant 6 mois. Le montage s'est nourri de ce moment où nous les avons redécouverts après les avoir fantasmés. Une fois le laboratoire payé, il n'y avait plus de budget pour la post-production. J'ai donc dû trouver des collaborateurs acceptant de travailler gratuitement sur le montage et le montage son. J'ai retrouvé des professionnels avec lesquels j'avais collaboré sur des documentaires. Ils m'ont donné de leur temps. Le mixage son m'a aussi été offert par AGM Factory à Rennes. Il y a eu un travail bénévole de 6 mois, ce qui dépasse largement le temps de production classique. C'est un court métrage de la débrouille. Je dois avouer que j’ai longtemps pensé qu'il ne sortirait jamais. J'avais d'ailleurs tourné un autre film entre-temps. Mais je me suis accrochée. Je voulais finir L’Oreille du pianiste. Pour moi comme pour ceux qui s’étaient investis à mes côtés ».
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