Disparition de Guy Bedos

Disparition de Guy Bedos

29 mai 2020
Cinéma
Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert
Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert Gaumont - La Gueville
L’humoriste est décédé le 28 mai, à 85 ans, des suites d’une longue maladie. Retour sur le parcours de cette personnalité à part qui aura fait rire la France pendant près de cinquante ans.

La vie de Guy Bedos est un roman qui débute en Algérie en 1934. A la séparation précoce de ses parents, il grandit entre une mère pétainiste et un beau-père raciste et antisémite, ce qui, selon son autobiographie Mémoires d’outre-mère, nourrira sa fibre humaniste et rebelle et sa plume acérée. Il est instruit à la campagne par Finouche, sa “vraie maman”, une institutrice algérienne qui lui transmet ses valeurs de paix dans un pays bientôt déchiré par la guerre civile. Guy Bedos quitte cette terre qui l’a vu naître en 1949 pour rejoindre Paris avec sa famille recomposée -il a deux demi-sœurs jumelles. Le jeune Guy fuit très vite cet environnement familial délétère. Il vit de petits métiers avant de prendre des cours d’art dramatique à l’école de la rue Blanche où il sympathise notamment avec un certain Jean-Paul Belmondo. Ce dernier vient d’évoquer avec une grande émotion cette rencontre, au Parisien. « Guy a été mon tout premier ami dans ce métier. Il avait 16 ans j'en avais 17 et nous avions des rêves plein la tête. En 1951, nous étions partis en tournée avec une pièce de théâtre Mon ami le cambrioleur sans argent ni organisation mais avec notre seule insouciance. Ce fut un fiasco total, mais le début d'une grande et belle amitié. »

On l’a un peu oublié, tant l’humoriste a pris le pas sur le reste, mais le premier métier de Guy Bedos, ce fut acteur. En 1955, il apparaît pour la première fois à l’écran dans Futures vedettes, de Marc Allégret, aux côtés de Jean Marais et Brigitte Bardot. Trois ans plus tard, il est de la bande des Tricheurs, de Marcel Carné, avec Jean-Paul Belmondo déjà un peu plus haut sur l’affiche. Puis, en 1962, il tient son premier rôle remarquable dans Le Caporal épinglé, de Jean Renoir, en militaire bègue ; rôle suivi, en 1963, par celui de l’apprenti acteur de Dragées au poivre de Jacques Baratier dont il a coécrit le scénario et dont il est l’acteur principal. Sa carrière au cinéma ne décolle pas pour autant.

Dans l’intervalle, Guy Bedos a commencé à se produire au music-hall. Son premier sketch est écrit par Jacques Chazot qu’il joue à La Fontaine des Quatre-Saisons, dirigé par Pierre Prévert, frère de Jacques. C’est ce dernier qui le pousse à devenir son propre auteur. Guy Bedos fait au début des années 60 la tournée des cabarets, en solo ou avec son complice Jean-Pierre Marielle. En 1963, il est de l’aventure télévisuelle des « Raisins verts », l’émission culte de Jean-Christophe Averty pour laquelle il usine des sketches. Jean-Loup Dabadie est également de l’aventure. Les deux hommes, qui s’apprécient instantanément, entament une collaboration féconde, nourrie par la relation naissante entre Guy et Sophie Daumier, rencontrée sur le tournage de Dragées au poivre. Bedos délaisse de plus en plus le cinéma pour la scène. Ses apparitions télévisées avec Sophie Daumier achèvent de le rendre populaire. Le sketch musical « La Drague », diffusé fin 1972 dans une émission de Maritie et Gilbert Carpentier, est un succès colossal. Un comique est né.

Devant son succès, le cinéma le rattrape un peu. Il est le “pistonné” du film éponyme de Claude Berri en 1970. Une comédie antimilitariste grinçante où il compose un personnage inoubliable de planqué qui découvre l’antisémitisme et la barbarie du colonialisme. Six ans plus tard, c’est l’apothéose avec Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert où son personnage de médecin hypocondriaque (« J’ai horreur des piqûres ! ») et de fils à maman juive marque les esprits. Mais l’ombre de l’humoriste est trop grande. De plus en plus politisé, et séparé de Sophie Daumier (en 1977), Guy Bedos, homme de gauche, devient au tournant des années 80 le pourfendeur éclairé du pouvoir. Giscard et Chirac en prennent plein la figure, Mitterrand un peu moins. Avec Coluche, Pierre Desproges et Thierry Le Luron, Guy Bedos forme une sorte de confraternité du rire -un rire noir et méchant. La télévision l’invite en permanence : il a son fauteuil chez Michel Drucker et chez Philippe Gildas ; joue dans la mini-série Chère Marianne (1999) aux côtés d’Anny Duperey. C’est aussi un militant actif, qui pétitionne et qui va sur le terrain pour défendre des causes humanistes. Plus qu’un humoriste, célèbre pour les fiches Bristol qui lui servent de pense-bêtes pour ses revues de presse, Guy Bedos est une personnalité médiatique de premier plan.

Retiré du seul en scène depuis 2011, Guy Bedos refera l’acteur une dernière fois sur les planches pour la pièce Moins 2 de Samuel Benchetrit en 2015. Il y joue un malade en phase terminale d’une maladie grave, ce qu’il était dans la réalité. Un ultime pied-de-nez.