Festival Premiers Plans d'Angers : « Notre sélection reflète l’éclectisme des propositions reçues »

Festival Premiers Plans d'Angers : « Notre sélection reflète l’éclectisme des propositions reçues »

24 janvier 2022
Cinéma
Bertrand Mandico viendra présenter son nouveau film, « After Blue (Paradis sale) » dans le cadre de la section « Vertiges ».
Bertrand Mandico viendra présenter son nouveau film, « After Blue (Paradis sale) » dans le cadre de la section « Vertiges ». UFO Distribution
Claude-Éric Poiroux, délégué général et directeur artistique du Festival Premiers Plans d'Angers, trace pour nous les grandes lignes de l'édition 2022 et analyse les spécificités de l'événement au sein de l'écosystème du cinéma.

Après une édition 2021 qui s'est déroulée intégralement en ligne, comment avez-vous abordé ce retour du public ? Quels changements ont été apportés par rapport à l'édition 2020 ?

Nous sommes restés à l'affût des annonces du gouvernement et nous avons travaillé sur plusieurs scénarios avec le désir d’offrir une édition de qualité, qu’importe le format. Les salles et les lieux qui nous accueillent sont donc ouverts, le festival peut ainsi proposer la totalité de son programme en présentiel. L’année 2021 en ligne a été une exception et nous avons réussi à atteindre le public et les professionnels en nous associant avec trois plateformes. Nous espérons maintenant que les spectateurs seront au rendez-vous, en baisse sans doute par rapport aux 80 000 entrées de janvier 2020 ! Nous leur réservons quelques surprises : une nouvelle section de films de « genre » intitulée Vertiges avec cinq soirées autour de doubles programmes. Bertrand Mandico ouvrira le bal avec son nouveau film After Blue (Paradis sale), nous recevrons Eskil Vogt pour le très attendu The Innocents ainsi que Manuel Chiche qui reviendra sur sa carrière et ses choix de distribution. Nous avons également décidé de doubler le nombre d'avant-premières : il y en aura treize cette année en présence des équipes et des personnalités qui vont attirer l’attention sur les sorties des prochains mois : Laure Calamy, Vincent Lacoste, Sandrine Bonnaire, Samuel Theis, Niels Schneider, Sofian Khammes, Alice Diop, Axelle Ropert, Déborah Lukumuena, Anaïs Volpé…

Il n'y a peut-être jamais eu autant de films – et donc de premiers films – dans l'histoire du cinéma. Le travail de sélection devient-il un peu plus compliqué chaque année ?

Cette année était particulière car de nombreux films avaient été repoussés suite au Covid. Nous avons donc eu beaucoup d'œuvres à découvrir pour un nombre limité de places. Notre sélection reflète l’éclectisme des propositions reçues. En compétition, nous avons le Danois Flee, triplement présélectionné aux Oscars, le film bulgare Women Do Cry de Mina Mileva et Vesela Kazakova, que l’on sent réalisé dans l’urgence à l’heure où la Bulgarie, comme d’autres pays, a tendance à resserrer la vis sur l’émancipation des femmes. Ou encore Le Monde après nous, premier film français de Louda Ben Salah-Cazanas, beau portrait doux amer d’un jeune couple qui tente de ne pas renoncer à ses rêves. Nous jugeons qu’ils ont été faits avec une forme de nécessité et pas dans une logique de « contenu », de « flux » ou de « case ».

Histoire d’exploser les cases, nous avons aussi notre section Diagonales dans laquelle nous présentons des films avec des formes hybrides. Avec cette année deux longs métrages encore inédits en France : Moon, 66 questions de Jacqueline Lentzou et Imaculat de Monica Stan et George Chiper-Lillemark.

Comment décririez-vous le rôle de Premiers Plans au sein de l'écosystème du cinéma ? Le festival est-il défricheur ? Accompagnateur ?

Un peu des deux. Nous jouons un vrai rôle de découvreur notamment sur les courts métrages français et européens, mais aussi sur les films d’écoles. Nous allons chercher les cinéastes à leurs débuts et Premiers Plans est souvent leur première expérience de festival. Chaque année, le bilan est révélateur : Julia Ducournau, Joachim Trier, Nick Park, Juho Kuosmanen ou encore Corneliu Porumboiu sont venus à Angers présenter leur premier court métrage avant de faire la carrière que l’on sait. Dans d’autres cas, nous attirons la lumière sur certains films déjà montrés dans d’autres festivals. C’est le cas de Bruno Reidal (Vincent Le Port) ou du film russe Les Poings desserrés (Kira Kovalenko). Deux premières œuvres remarquées à Cannes et que nous mettons littéralement au premier plan et non dans des sections parallèles.

Un président de jury doit incarner l'esprit d'un festival. En quoi Melvil Poupaud remplit-il ce rôle ?

Melvil Poupaud a grandi dans la région et il connaît bien le festival. Outre cette donnée géographique, il est l’un des acteurs à la carrière la plus éclectique qui soit, ayant joué aussi bien chez Raoul Ruiz (enfant notamment) que chez Xavier Dolan, Éric Rohmer et les Wachowski, François Ozon et Kamen Kalev. Sa carrière nous semble guidée par un désir de découverte et d’aventure, au cinéma comme en musique d’ailleurs. Melvil est un acteur généreux chez qui l’on sent un vrai plaisir à jouer la comédie. C’est dans cet esprit de curiosité qu’il présidera cette édition. Il accepte ce rôle alors qu’il navigue entre les fins de tournage des derniers Desplechin et Hansen-Løve, la sortie des Jeunes Amants et le début de tournage d’Ovni(s) – Saison 2 !

Premiers Plans est un mélange de découvertes et de cinéma de patrimoine. Comment trouve-t-on le juste milieu ?

C’est un équilibre auquel nous tenons absolument : les jeunes cinéastes et le public peuvent profiter du festival pour se ressourcer dans des films qui ont fait l’histoire du cinéma. Avec le double avantage du grand écran et de copies numérisées. Par le biais de notre rétrospective thématique autour de l’évasion par exemple ou en allant à la rencontre d’un cinéaste confirmé comme Christian Petzold, qui dialoguera avec le public et les résidents des Ateliers. Il y a trois ans, Agnès Varda avait tourné à Angers une partie de son dernier film, Varda par Agnès, et elle avait intégré les festivaliers dans son dispositif. C’est notre rôle : susciter des rencontres inattendues entre des premiers films et leurs premiers spectateurs, créer des passerelles entre les générations et surtout attirer le jeune public vers le cinéma grâce à un événement collectif et festif.

Le Festival Premiers Plans d'Angers aura lieu du 24 au 30 janvier.