Gouverner : Cinq regards sur l’exercice du pouvoir

Gouverner : Cinq regards sur l’exercice du pouvoir

06 octobre 2020
Cinéma
L'Exercice de l'Etat de Pierre Schoeller
L'Exercice de l'Etat de Pierre Schoeller Jérôme Prébois/ Diaphana
Les mises en scène du pouvoir, de sa conquête comme de son exercice, ont nourri les imaginaires des cinéastes. Dans le cadre la 23è édition des Rendez-vous de l’histoire de Blois, une sélection de films contemporains et de patrimoine – dont certains restaurés avec l’aide du CNC - est présentée aux spectateurs. Guide.

La 23è édition des Rendez-vous de l’histoire de Blois qui se tient du 7 au 11 octobre a pour principale thématique « Gouverner ». Autour de cet axe, un cycle de projections, en partenariat avec le CNC, l’INA et France Télévisions, vient éclairer la manière dont les cinéastes se sont saisis de la question.

L'Arbre, le maire et la médiathèque d’Eric Rohmer (1993)

A Saint-Juire-Champgillon, un petit village vendéen, le maire, Julien Dechaumes (interprété par Pascal Greggory), étrillé aux dernières élections cantonales, veut remonter sa cote de popularité en construisant sur un pré communal un centre culturel et sportif, comprenant, outre une piscine et un théâtre de verdure, une bibliothèque, une vidéothèque, une discothèque, une salle d'expositions, rassemblées en une "médiathèque". Le ministère de la Culture lui accorde de généreuses subventions, mais les résistances sont vives... notamment de l’instituteur (Fabrice Luchini), et d’une romancière parisienne (Arielle Dombasle), qui défendent l’harmonie des paysages… Eric Rohmer signe ici une fable politique qui sous des dehors de comédie légère entend dresser une analyse des clichés politiques, de la relation ville-campagne et faire le bilan des politiques architecturales et environnementales du XXème siècle finissant. Le cinéaste aurait eu l’idée du film en repensant à l’affiche de la campagne électorale de François Mitterrand montrant un petit village encore endormi, avec son clocher qui émerge, et, au premier plan, le visage de l’homme politique, « La force tranquille ». Toute référence avec les grands travaux de Mitterrand n’est donc pas forcément fortuite…

  A voir en VàD

 

 

L’Exercice de l'Etat de Pierre Schoeller (2011)

 

Le ministre des Transports Bertrand Saint-Jean (Olivier Gourmet) est réveillé en pleine nuit par son directeur de cabinet (Michel Blanc). Un car a basculé dans un ravin. Il y va, il n’a pas le choix. Ainsi commence l’odyssée d’un homme d’État dans un monde toujours plus complexe et hostile. Vitesse, lutte de pouvoirs, chaos, crise économique… Une urgence chasse l’autre. Pierre Schoeller livre un film sur le quotidien des hommes et des femmes qui choisissent de consacrer leur vie au service de l’Etat. À quels sacrifices, à quels renoncements sont-ils prêts ? Sans jugement ni naïveté, le cinéaste détaille les rouages d’un cabinet ministériel heure par heure. Sa mise en scène alterne entre réalisme et fantasmes et sa direction d’acteurs insiste sur la solitude de ces corps éprouvés par le pouvoir.

 

 

 

Pater d’Alain Cavalier (2011)

 

« Dans une entreprise, quand le dernier ouvrier, non qualifié, touche cinquante fois moins que son patron, il y a quelque chose qui ne va pas ». Vincent Lindon énonce sa politique. Il est premier ministre face à Alain Cavalier, président de la République. En jeu : une proposition de loi sur le salaire maximum. « Il était très important qu’il y ait un programme politique qui ne soit pas des phrases toutes faites, confiait Alain Cavalier lors de la sortie du film. Puisqu’il y a une loi sur le salaire minimum, pourquoi n’y aurait-il pas une loi sur le salaire maximum. Nous avons mis un petit caillou sur ce chemin. Je sais tout sur le pouvoir politique pour avoir pratiqué des personnes qui l’avaient et pour avoir lu les mémoires de ceux qui les fréquentaient. » C’est donc dans les codes de la politique d’aujourd’hui que le cinéaste inscrit son exercice de politique fiction. Dans un jeu de rôles à la fois cocasse et sérieux, utopiste et pragmatique, le comédien et le réalisateur déconstruisent l’art de gouverner. Ils démystifient la fonction autant qu’ils redonnent de la force à l’idée politique.

 

Adults in the room de Costa-Gavras (2019)

Costa-Gavras est l’un des rares cinéastes ayant embrassé les thèmes politiques depuis le début de sa carrière. Il plonge ici dans les coulisses de la gestion de crise entre Parlement Européen et institutions grecques. Son film se focalise particulièrement sur l’espoir incarné par deux hommes, Alexis Tsipras et Yannis Varoufakis, arrivés au pouvoir en 2015. Mais l’étau des contraintes budgétaires de l’UE rend leur combat terrible et complexe. Costa-Gavras réussit la gageure de faire de discussions techniques et ardues la substantifique moelle d’un thriller politique.

 

 

 

Alice et le maire de Nicolas Pariser (2019)

 

Le maire de Lyon n’a plus d’idées. Après trente ans de mandats politiques, il cherche à se ressourcer à l’eau de la jeunesse en recrutant une jeune et brillante philosophe dans son équipe. Elle ébranle ses certitudes et interroge sa course au pouvoir... Le duo Fabrice Luchini-Anaïs Demoustier s’affronte dans une joute verbale qui met en perspective le sens de l’action politique. Cette chronique de la vie de l’élu de terrain est aussi pleine d’humour. Dans le cinéma français d’aujourd’hui, Nicolas Pariser trace un chemin original, depuis ses premiers courts métrages (Le jour où Ségolène a gagné) en questionnant l’art de gouverner. Le cinéaste – dont un autre film, Le Grand jeu, est aussi projeté au Rendez-vous de Blois- fera l’objet d’une master class animée par l’historien Pascal Ory.