Comment est né Images en mémoire, Images en miroir ?
Lieux fictifs est un laboratoire « image et société » installé à la friche Belle de Mai à Marseille. On fait un travail sur l’image en mouvement tant dans des pratiques d’éducation à l’image que sur des projets créatifs avec des publics en situation d’exclusion ou ayant des difficultés d’insertion : jeunes sous main de justice (détenus), mineurs soumis à la Protection Judiciaire de la Jeunesse ou jeunes des quartiers prioritaires. De 2009 à 2012, nous avons mené un travail sur des images préexistantes dans six pays d’Europe et de Méditerranée. Des participants amateurs se sont appropriés, pendant quatre ans, des images d’archives pour restituer, à travers l’écriture fictionnelle, une part de leur histoire et de leur regard. Ce projet a été développé en prison avec des groupes de personnes détenues et à l’extérieur avec des étudiants, des adultes, des personnes âgées. L’année dernière, nous avons étendu le dispositif à tout le territoire français avec un axe plus centré sur la jeunesse. Les jeunes viennent de trois régions : Ile de France, Hauts-de-France, PACA. Nous utilisons trois fonds d’archives : le CNC, la BNF et l’INA.
Pourquoi associer images d’archives et construction de soi ?
L’idée est de s’approprier de façon très intime les images. L’archive permet de parler de soi tout en se mettant à distance. Nous déplions un processus qui permet aux participants de réfléchir à la manière dont ils sont marqués par les images. On va beaucoup travailler la question de la relation.
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Comment se déroulent les ateliers ?
Le principe du travail est de réaliser avec les participants des films de montage. Nous leur projetons un corpus d’une heure d’images, sans le son. C’est déjà en soi une expérience parce que nous ne sommes pas habitués à voir des images muettes. Cette décontextualisation va permettre à chacun de construire un imaginaire. Sur cette heure, on leur demande (dans un travail solitaire ou en binôme) de garder quatre séquences en mémoire. Afin de mieux se les approprier, on leur fait faire un travail de dessin, puis de parole. Petit à petit, ces dessins, ces mots, ces photogrammes deviennent une matière qui va commencer à prendre du sens et va permettre la construction d’un récit. Le travail de montage – fait par les jeunes- va leur permettre ensuite de manipuler, de transformer même les images qui deviennent alors la glaise d’une sculpture. Parallèlement à ça, il y a un travail sur le son. Ils procèdent de la même manière avec des archives sonores et proposent sur leurs images une bande son qui mêle un enregistrement de voix et une utilisation de sons préexistants.
Quels intervenants travaillent avec eux ?
A chaque fois, les jeunes sont encadrés par un réalisateur et un assistant réalisateur. Ils ont un rôle d’accompagnement à la fois dans la démarche créative et technique. Ils vont les amener à aller au plus juste de ce qu’ils essayent d’exprimer.
Quels bénéfices tirent-ils de ce travail ?
Il est différent pour chacun. Et puis, il faudrait le demander aux éducateurs qui s’occupent d’eux au quotidien, parce que nous, on ne fait que passer. Mais je pense que ça déplace des choses. Déjà, la plupart n’imaginaient pas qu’ils seraient capables d’aller au bout. Les adultes qui travaillent avec eux modifient aussi leur regard sur eux. On peut dire que le résultat est à la fois éducatif et artistique. Cela permet aux participants de comprendre, en l’expérimentant, que les images ne s’activent et n’existent que dans la relation qu’on entretient avec elles. On les fait douter de la preuve par l’image. On les amène à réfléchir sur leurs croyances, leurs vérités. Du point de vue artistique, ils créent une expression, ils se mettent en récit, à travers ces images, et nous proposent leur regard sur le monde qui pour nous, spectateurs de ces films, est très important. Cette journée du 13 décembre va permettre de faire converger les regards et d’ouvrir le débat.