La Cinémathèque de demain

La Cinémathèque de demain

01 novembre 2017
demain
Photo de tournage d’ Adieu Bonaparte , Gamal Fahmy Misr International Film

Les Cinémathèques, nombreuses en France, ont à faire face à des problématiques nouvelles dues aux mutations technologiques et à une consommation des images qui se fait hors de la salle de cinéma. C’est un nouvel environnement qui se dessine ainsi pour ces institutions qui ont souvent plus d’un demi-siècle.


Il conduit à réfléchir au positionnement que doivent adopter les structures patrimoniales cinématographiques au XXIe siècle. Cette réflexion prospective, engagée depuis le printemps 2016 qu’accompagne le CNC, est nourrie des expériences menées par différentes institutions en France et à l’étranger. Une journée de colloque international dans le cadre du festival «Toute la mémoire du monde» à la Cinémathèque française en mars dernier et une journée d’études à la Cinémathèque de Martigues avec les cinémathèques membres du réseau de la FCAFF (Fédération des cinémathèques
et archives de films de France) ont permis de faire émerger quelques expériences pilotes qui renouvellent l’offre culturelle des cinémathèques sans pour autant les détourner de leur mission première de conservatoire - musée du cinéma. C’est le cinéma dans la diversité de ses formes et de ses modes d’exposition qui est ainsi revisité. Le CNC a accueilli le 28 novembre dernier cinémathèques, étudiants et professionnels pour découvrir de nouvelles propositions d’accès aux collections patrimoniales, en voici quelques exemples. 

Ce renouveau passe aussi par une exposition en ligne de ces images, le musée étant l’une des premières institutions conservant un vaste patrimoine audiovisuel à avoir franchi le pas de l’accessibilité totale des collections sur internet. 

Elles peuvent ainsi nourrir les projets les plus divers comme les classes culturelles numériques mises en œuvre par le Lux-scène nationale à Valence. L’artiste photographe, Marine Lanier et plusieurs classes de collégiens ont ainsi fait se croiser les autochromes réalisées dans la première moitié du XXe siècle avec leur imaginaire et leurs propres images. De riches rencontres par-delà le temps et l’espace !

Un musée fait peau neuve 

Les Cinémathèques ne sont pas les seules à devoir adapter leur offre culturelle à ce nouveau paysage technologique, les musées partagent ces problématiques à divers titres. Le Musée départemental Albert-Kahn qui conserve à Boulogne-Billancourt les Archives de la planète, collection du célèbre banquier-mécène, mais aussi des jardins miroir de la diversité des cultures du monde, se prépare à sa réouverture en janvier 2019 autour d’une nouvelle scénographie qui fera la part belle aux nouvelles technologies. Elles mettront en exergue les quelques 72 000 autochromes (photographies en couleur sur plaque de verre) de la collection et près de 100 heures de vues documentaires collectées par les opérateurs envoyés par Kahn à travers le monde. 

La Cinémathèque de Grenoble a développé une chrono-géographie des cinémas.

Valoriser autrement des collections archivistiques

Riche d’un vaste ensemble d’archives photographiques et documentaires sur les salles de cinéma de l’agglomération grenobloise, la Cinémathèque de Grenoble travaille à la conception d’une application muti-plateformes « Ciné-Grenoble » qui croise histoire du cinéma et évolution urbaine. Croiser la ville et le cinéma, c’est-à-dire ici les films et les salles avec le contexte urbain grenoblois et cela de la naissance du cinéma à aujourd’hui, c’est permettre d’interroger un patrimoine populaire, à la fois collectif (mémoire urbaine des espaces publics) et singulier (mémoire individuelle de tous les spectateurs). La Cinémathèque de Grenoble a développé une application internet «Ciné-Grenoble» qui met en regard l’évolution urbaine et l’évolution des salles de cinéma à Grenoble avec une histoire graphique et photographique de ceux-ci. Sa spécificité est d’associer une cartographie dynamique avec une time-line et des archives photographiques sur un peu plus de 100 ans (de la naissance du cinéma à aujourd’hui). Cette application est contributive par les apports de documents inédits et de précisions sur l’histoire des salles que tous peuvent proposer. Elle permet surtout que chacun puisse déposer ses propres souvenirs de spectateur, associés à une salle. 

Comment redonner vie à un objet patrimonial ?

C’est la question que se sont posées les équipes du CNC lorsqu’elles ont fait l’acquisition en 2012 de l’Épinette, le dernier écran d’épingles fabriqué par Alexandre Alexeieff et son épouse Claire Parker. Cet objet insolite se compose d’un cadre dans lequel une trame de pointes disposées en quinconce traverse une surface blanche et, qui éclairées obliquement, donnent naissance à autant d’ombres portées plus ou moins longues selon la saillie des épingles sur cette surface. À l’aide de divers instruments, l’animateur pousse, plus ou moins profondément, une partie de ces épingles pour former un dessin grâce à leur ombre portée sur la toile. De ce travail sur le clair-obscur naissent des images à l’atmosphère souvent tourmentée ou onirique, qu’il faut ensuite photographier avec la caméra, puis modifier légèrement, avant de prendre une nouvelle photo et ainsi de suite pour la mise en mouvement de ces images piquantes. L’idée ? Non pas avoir une nouvelle pièce de musée dans les collections mais permettre à des films d’exister grâce à cet outil fascinant. Or pour se faire il fallait acquérir un savoir-faire très particulier, n’existant qu’entre les mains de Jacques Drouin et Michèle Lemieux au Québec. Cette dernière accepta d’animer un atelier de transmission en 2015 à Annecy, conjointement à l’exposition Alexeïeff/Parker, montreurs d’ombres coproduite par le Musée-Château d’Annecy et le CNC. Huit artistes ont ainsi été initiés à cette technique. Et quelques mois plus tard une résidence de recherche et de développement organisée par le CNC sur son site de Bois d’Arcy, avec les mêmes participants, leur a permis de poursuivre leur conquête de l’Épinette. 

Les résultats ? Céline Devaux utilise l’écran d’épingles pour plusieurs séquences de son film Gros Chagrin, primé à la Mostra de Venise 2017 (meilleur court métrage). Le prochain court métrage de Justine Vuylsteker, Étreintes, sera entièrement conçu avec l’écran d’épingles.

D’un continent l’autre, les archives de Youssef Chahine

La Cinémathèque de demain c’est aussi penser la circulation des collections, mettre les savoir-faire précieux d’une institution au service de documents archivistiques en souffrance. C’est  ce que la Cinémathèque française et la Fondation Youssef Chahine ont imaginé pour permettre l’inventaire, le traitement et la valorisation des archives de création du réalisateur égyptien. Le voyage de la rue Champollion au Caire vers la Cinémathèque à Paris va donner lieu à une exposition en septembre 2018 après traitement de cet ensemble vaste comprenant scénarii annotés, partitions musicales, dessins, photographies, story-board etc. Mais cette exposition qui permettra au public français de découvrir l’œuvre foisonnante du réalisateur du Destin, n’est qu’un point d’étape, il faut penser le retour de ces documents en Égypte, à Alexandrie selon les vœux du créateur. La numérisation des documents facilitera ce retour en terre natale et leur partage d’une rive à l’autre de la Méditerranée. 

Le partage des collections avecle public, tous les publics, est ainsi l’un des objectifs des Cinémathèques du XXIe siècle.
La Cinémathèque de Toulouse développe dans cette perspective des livres numériques qui par l’intermédiaire de tablettes dédiées donnent à voir les collections de la Cinémathèque rassemblées selon une thématique précise qui met en exergue un film, un objet comme l’adaptation d’un film en bande dessinée ou le ciné-roman feuilleton ... Les enseignants et leurs élèves après une visite à la Cinémathèque peuvent découvrir ces parcours conçus de façon ludique afin d’approfondir leur exploration in situ. L’éditorialisation numérique des collections dématérialisées offre une nouvelle entrée dans le monde de la cinéphilie à un public qui pouvait au préalable s’en sentir exclu. 

Le partage des collections avec le public, tous les publics, est ainsi l’un des objectifs des Cinémathèques du XXIème siècle.

la cinémathèque de demain

  • La rénovation du musée Albert Kahn : un musée pour des images du passé, donner à voir un projet humaniste et offrir un accès documenté à toutes les collections. www.collections.albert-kahn.hauts-de-seine.fr/ 
  • La Cinémathèque de Grenoble : Ciné-Grenoble met en regard l’évolution urbaine et l’évolution des salles de cinéma à Grenoble www.cinegrenoble.fr/ 
  • Faire revivre l’écran d’épingles d’Alexeieff et Parker conservé au CNC : un objet au service de la création contemporaine.
  • Le projet Youssef Chahine mené par la Cinémathèque française : de la collecte d’une archive privée à la collaboration avec une institution étrangère : traiter, documenter, exposer – Le Caire/Paris/Alexandrie : le voyage des archives de Youssef Chahine