"L’Argent de Judas" refait surface

"L’Argent de Judas" refait surface

04 octobre 2018
Cinéma
"L’Argent de Judas" de Victor Sjöström - 1915 Collection CNC - Restauration CNC - Svenska Filminstitutet

Longtemps considéré comme perdu, le film muet de Victor Sjöström a été redécouvert et restauré par le CNC. Il sera projeté le 9 octobre lors des Giornate del cinema muto à Pordenone (Italie).


C’est un jalon important du cinéma muet qui retrouve le chemin des salles. Considéré jusque-là comme perdu, le film Judaspengar (L’Argent de Judas), réalisé par Victor Sjöström en 1915, a été redécouvert par le CNC. Une copie suisse en nitrate a été identifiée, au printemps dernier, dans les collections gérées par la direction du patrimoine à Bois d’Arcy ; celle-ci ”dormait” dans une boîte mal inventoriée. Restauré en collaboration avec le Svenska Filminstitutet, ce moyen métrage (36’) sera présenté le 9 octobre dans le cadre du festival Giornate del cinema muto à Pordenone (Italie).

La résurrection de cette oeuvre de l’un des plus grands réalisateurs de la période muette permet de reconstruire le début de sa carrière et de mieux percevoir l’évolution du cinéma en Suède. Judaspengar est en effet le cinquième des 30 films réalisés par Sjöström au cours de ses années de formation à avoir survécu. Son ouverture, un travelling à travers la fenêtre du logement du protagoniste, montre la dextérité d’un réalisateur qui, à ce stade encore précoce de sa carrière, avait déjà atteint un haut niveau de maturité et de maîtrise du langage cinématographique.

"L’Argent de Judas" de Victor Sjöström - 1915 Copyright Collection CNC - Restauration CNC - Svenska Filminstitutet

Restauration en 4K

Le film raconte l’histoire d’un chômeur qui lutte pour subvenir aux besoins de son fils et de son épouse, gravement malade. En braconnant avec un ami sur les terres du châtelain local, il tue accidentellement le garde-chasse. Pour sortir de cette situation désespérée, il va trahir son ami en le laissant accusé du meurtre.

Le film a été tourné à l'été 1915 à Stockholm dans les studios de AB Svenska Biografteatern et est sorti en novembre de la même année. Sa longueur initiale était de 827 mètres, cependant la censure suédoise l’a ramenée à 799 mètres. La copie exportée en Suisse dans les années 1920 conservée aujourd’hui au CNC a une longueur de 755 mètres mais comprend les deux scènes coupées par les censeurs suédois. Les intertitres sont en français et en allemand et la datation de la pellicule situe la fabrication de cet élément à 1926, donc bien postérieure à la date de sortie initiale du film.

Afin de retourner au plus près du document initial, le Svenska Filminstitutet a reconstruit et recréé des intertitres en suédois à partir de la liste des intertitres en allemand, datant de la sortie du film, conservée dans leurs collections. La numérisation et la restauration des images ont été effectuées par le CNC en 4k. Cette coproduction inédite dans la restauration de ce film perdu entre le CNC et l’institut suédois Svenska Filminstitutet sera donc présentée le 9 octobre lors des Giornate del cinema muto à Pordenone en Italie, en avant-première mondiale.

Victor Sjöström

Né en 1879, Victor Sjöström est l’un des pères fondateurs du cinéma suédois.  D’abord acteur, dans des pièces de théâtre puis dans des films, il signe sa première réalisation en 1912 avec Le Jardinier. Entre 1912 et 1916, il réalise une trentaine de films muets, dont seulement cinq ont survécu. Parmi ceux-ci figure Ingeborg Holm (1913), considéré comme l’un des grands classiques du 7eme Art suédois. Débute ensuite sa « grande période », marquée par la production de nombreux films, dont plusieurs reconnus comme des chefs d’œuvre (Les Proscrits, en 1918, La Charrette fantôme, en 1921…). Parti poursuivre sa prolifique carrière à Hollywood en 1924, il parvient à s’y imposer avec des succès auprès de la critique mais aussi du public comme Larmes de clown (1924) ou Le Vent (1928), porté par l’actrice Lillian Gish. Peinant à se faire une place après l’avènement du cinéma parlant, il rentre en Suède où il tourne quelques films et renoue avec sa carrière d’acteur. En 1957, trois ans avant sa mort,  il interprète le rôle principal dans Les Fraises sauvages, d’Ingmar Bergman, qui le reconnaissait comme un mentor. Il s’agit de sa dernière apparition à l’écran. Tout un symbole.
"L’Argent de Judas" de Victor Sjöström - 1915 Copyright Collection CNC - Restauration CNC - Svenska Filminstitutet