Il aura fallu une crise sanitaire d’ampleur internationale pour lui faire fermer ses portes durant quelques semaines. De décembre 1911 - date de sa création - à mars 2020, le cinéma Le Capitole d’Uzès a toujours continué à accueillir les spectateurs, même durant les guerres. « Il fait partie des plus vieux cinémas qui n'ont jamais fermé », résume Jean Rochas, président directeur général depuis 2017. Classé « art et essai », Le Capitole est né au début du siècle dernier sous l’impulsion du maire de l’époque, Léonce Pascal, et de la duchesse locale. « A l’époque déjà, il était essentiel d'avoir accès à la culture, car Uzès était une petite ville mais beaucoup de commerçants y passaient et restaient souvent dormir la nuit », assure le nouveau patron des lieux.
Déjà propriétaire du cinéma de Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie et du Cœur d'or de Bourg-Saint-Maurice, il a été attiré par l’histoire et le cachet « très particulier » de ce cinéma du Gard. En 1911, une seule salle existait, servant à la fois pour le cinéma, les spectacles et le théâtre. Mais l’espace était également partagé avec une piste de patin à roulettes et un bar. Ce dernier, long de quatorze mètres, est toujours debout : « Il est tout en bois, avec un zinc dessus. On n'a surtout pas le droit d'y toucher, parce que les habitants d'Uzès le défendent corps et âme ! Tout l'accueil clientèle se fait désormais dessus. Certains ne viennent pas pour voir des films mais profitent simplement du bar. Nous avons une licence III et une grande bibliothèque, en libre accès, avec des livres sur le cinéma. »
Véritable institution locale, Le Capitole a tout de même subi de nombreuses transformations au fil des décennies. Après la Seconde Guerre mondiale, la piste de patin à roulettes a ainsi été transformée en deux nouvelles salles, pour une capacité d’accueil totale de 550 spectateurs. « Puis ont suivi des rénovations plutôt techniques », reprend Jean Rochas. « Le passage au numérique et des modifications ou des mises aux normes, puisqu'il a fallu supprimer des sièges en bois, dont on a encore quelques éléments, pour passer à des fauteuils un peu plus confortables. On a également supprimé la fosse, les espaces fumeurs... Pourtant il reste le ressenti de cette vieille salle en bois, c'est assez surprenant. Nous avons récupéré un bâtiment fatigué, mais nous avons essayé de réaménager un peu l'intérieur avec les moyens du bord pour le rendre plus accueillant et plus sécurisé. On est en train de travailler sur la toiture qui est en mauvais, état car elle a subi pas mal d'intempéries et différents problèmes. C'est une immense bâtisse avec cinq ou six toits différents, donc c'est compliqué ».
Les salles sont équipées en numérique depuis quelques années, avec des projecteurs 2K. Si Jean Rochas s’en contente, il espère avoir prochainement une salle en laser avec un système de son immersif. « Et l’objectif est de transformer le cinéma dans les années à venir et de profiter de la réfection du toit pour faire une quatrième salle. On redimensionnerait la taille de chacune, ce qui permettrait d'avoir une programmation qui soit vraiment adaptée ».
Le cinéma propose jusqu’à six séances par jour, avec douze à quinze films différents par semaine. Le Capitole propose aussi bien du cinéma de patrimoine, notamment à travers des ciné-clubs, que des longs métrages récents. « J'ai la chance d'être dans un circuit de programmation où l'on peut encore se partager les films en bonne entente avec d'autres cinémas. On essaie de coller à l'actualité, tout en proposant d'autres choses aux spectateurs. C'est aussi un travail avec la politique de la ville : on essaie de faire revenir les jeunes dans nos salles, alors qu'ils s'identifient plus facilement à un multiplexe qu'à un cinéma de quartier. On veut leur donner une image un peu plus jeune du cinéma ». Ce qui commence à fonctionner : certains reviennent au Capitole, et les familles sont de plus en plus nombreuses.
Chaque année, Jean Rochas estime vendre entre 70 et 75 000 billets. Une performance, dans une ville d’un peu moins de 9 000 habitants. « Notre chance, c’est d’avoir un public très fidèle, des cinéphiles assez pointus. Ils aiment aussi bien la VO, les films d’art et essai, de genre… » Et les Uzétiens sont si attachés à leur cinéma qu’il est parfois difficile de leur faire accepter le changement : « Même si on est propriétaire, on gère leur cinéma ! On a la responsabilité de maintenir ce lieu dans l'atmosphère où on l’a trouvé, il faut moderniser en faisant très attention ! Aujourd'hui encore, on peut me reprocher d’avoir changé la peinture ! », s’amuse le patron.