Le Cinéma du Panthéon  : retour sur un siècle d’histoire

Le Cinéma du Panthéon  : retour sur un siècle d’histoire

Cineéma du Pantheon
Cinéma du Pantheon Régis Gohier
C’est l’une des plus anciennes salles de Paris encore en activité, projetant des films sans discontinuer depuis plus d’un siècle. Elle a vu passer les culottes courtes de Jean-Paul Sartre ou Jacques Prévert et demeure aujourd’hui un lieu incontournable du 7e art dans le Quartier latin.

« Le spectacle était commencé. Nous suivions l’ouvreuse en trébuchant, je me sentais clandestin ; au-dessus de nos têtes, un faisceau de lumière blanche traversait la salle, on y voyait danser des poussières, des fumées ; un piano hennissait, des poires violettes luisaient au mur, j’étais pris à la gorge par l’odeur vernie d’un désinfectant. » C’est ainsi que Jean-Paul Sartre se souvient du Cinéma du Panthéon, dans son livre autobiographique, Les Mots (1964). Le philosophe n’avait qu’à traverser la rue Soufflot pour se rendre avec sa mère dans cette salle du Quartier latin. « Le Cinéma du Panthéon s’appelle ainsi car il prolonge la rue de la Sorbonne », confirme Nadège Le Breton, directrice actuelle de la salle.

C’est le cinéma le plus ancien en activité à Paris, en continu. Il n’a jamais connu de période de fermeture, il n’a jamais changé d’activité depuis plus d’un siècle... Du moins jusqu’à l’année 2020 et la pandémie. 

L’une des toutes premières salles à projeter des films en version originale sous-titrée

C’est en 1907 qu’ouvre l’Omnia-Pathé Victor-Cousin, l’une des toutes premières salles de Paris. Dans la foulée du succès de l’inauguration boulevard Montmartre du Théâtre du cinématographe Pathé, fin 1906, par la future société Omnia, fondée par Charles François Dussaud et Maurice Guégan, le duo se lance à l’assaut du Quartier latin. Ils remarquent alors le gymnase Césari, ouvert au XIXe siècle pour permettre aux étudiants de la Sorbonne de faire du sport. On y pratique l’escrime, la lutte mais bientôt, on remise les justaucorps au vestiaire, pour installer un projecteur. Après quelques travaux, ouvre ainsi, en ce mois de février 1907, la toute première salle de cinéma du quartier.

Très vite, dès 1909, Omnia se désengage et l’exploitation du cinéma est confiée à Georges Girin et Paul Kastor, issus du monde de l’édition. Renommé Cinéma du Panthéon, l’endroit compte alors 315 places à l’orchestre et 60 au balcon. Cette salle populaire est fréquentée par de nombreux enfants, dont Sartre ou un certain Jacques Prévert, qui grandit également à deux pas. En 1914, Girin et Kastor sont appelés sur le front. Le premier n’en reviendra pas. Alors que la salle continue de tourner, un jeune producteur français reprend le flambeau. Pierre Braunberger vient de rencontrer un énorme succès avec La Route est belle de Robert Florey et acquiert le Cinéma du Panthéon en 1929. « À cette époque, il est l’un des premiers à projeter des films en version originale sous-titrée », raconte Nadège Le Breton. « Ainsi, les étrangers de Paris, et notamment les Américains, fréquentent beaucoup cette salle dans les années 30. C’était l’un des seuls cinémas de la capitale à proposer cela. »

Un seul film à la fois, à toutes les séances, qui reste en moyenne huit semaines à l’affiche

Parmi les tout premiers de France classés Art et Essai, le Cinéma du Panthéon doit dire adieu à Pierre Braunberger, qui meurt en 1990. S’ensuivra une période de transition, durant laquelle la salle sera d’abord renommée Reflet Panthéon avec son écran panoramique. Puis l’exploitant Simon Simsi rebaptise l’endroit Europa Panthéon, consacrant l’entièreté de la programmation au cinéma européen. Quelques années plus tard, c’est le distributeur Diaphana qui récupère ce bâtiment historique pour en faire le Diagonal Europa. Au début du XXIe siècle, la société Why Not Production rachète le cinéma et lui redonne son nom originel. « Elle a opéré de gros travaux de rénovation entre 2006 et 2007, pour aménager les combles et y installer un salon de thé, imaginé par le décorateur de cinéma Christian Sapet avec l’aide de Catherine Deneuve, qui a servi de caution artistique au lieu », reprend la directrice, qui précise que la salle « permet à la société Why Not d’avoir un endroit idéal pour les projections de montage des films qu’elle produit, ce qui est très pratique. Les réalisateurs comme Jacques Audiard ou Bruno Podalydès font leurs projections de montage au Panthéon, ce qui leur permet de prendre le temps de travailler dessus, de faire beaucoup de versions... »

Cinéma du Panthéon
Cinéma du Panthéon Meffre Marchand

Avec ses 280 sièges et sa façade aux néons iconiques, le Cinéma du Panthéon continue de faire découvrir le cinéma d’art et essai aux spectateurs du Quartier latin. « On accueille beaucoup de ciné-clubs, mais surtout, on a une programmation atypique, puisqu’on est mono-écran. Ainsi, on ne passe qu’un seul film à la fois, à toutes les séances, pendant plusieurs semaines d’affilée. Il reste en moyenne huit semaines à l’affiche. Cela permet de montrer aux cinéphiles une œuvre qui n’a pas eu la chance de rester longtemps à l’écran dans un circuit classique. C’est une façon de lui donner une chance. Avant la fermeture de novembre, on avait programmé Lux Æterna de Gaspar Noé pendant cinq semaines, et on venait d’entamer un cycle avec ADN de Maïwenn, qui pourrait reprendre à la réouverture. » Parce que malgré sa fermeture historique liée à la crise sanitaire, la première de son histoire, le Cinéma du Panthéon reprendra bien ses projections dès que possible. Ces dernières années, il a accueilli plus de 32 000 spectateurs par an.