Le repéreur : à la recherche du décor parfait

Le repéreur : à la recherche du décor parfait

23 janvier 2020
Cinéma
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Cliché d'un repérage de Fabien Pondevaux dans un château pour un film
Cliché d'un repérage de Fabien Pondevaux dans un château pour un film Fabien Pondevaux
Trouver la maison du héros, la forêt dans laquelle se tient l’intrigue, la rue qui correspond parfaitement au scénario : telle est la mission du repéreur de décors. Fabien Pondevaux, qui exerce ce métier depuis une trentaine d’années et est membre de L’Association des repéreurs, revient pour le CNC sur son rôle « d’enquêteur » un peu particulier.

Fabien Pondevaux DR

Engagé pour trouver les différents décors d’un film ou d’une série, le repéreur intervient dès les premiers instants de la production. Son travail commence par le dépouillement du scénario afin de lister les différents décors nécessaires. « Il y a ensuite une discussion avec le réalisateur et le chef décorateur pour s’accorder sur l’esprit et l’atmosphère qu’ils veulent retrouver dans chacun des lieux. C’est un vrai travail à trois », explique Fabien Pondevaux, qui a notamment travaillé pour les films Les Roseaux Sauvages d’André Téchiné, Trouble Every Day de Claire Denis, Polisse de Maïwenn et plus récemment Mais vous êtes fous d’Audrey Diwan et Comment je suis devenu super-héros de Douglas Attal.

Prenant en compte aussi bien l’époque du film, la vision du réalisateur et de ses collaborateurs, la géographie des lieux présents dans l’intrigue ou encore les personnalités des différents personnages, le repéreur se lance alors dans des recherches qui s’apparentent parfois à une enquête ou une chasse au trésor. Fabien Pondevaux se rappelle ainsi son long travail pour trouver en Île-de-France un décor pouvant ressembler à la Mongolie. « Il fallait reconstituer des bâtiments de l’ex-Union Soviétique dans une forêt. Lors de mes recherches, je me suis aperçu que les forêts mongoliennes avaient des mélèzes, des arbres qui ne sont pas présents dans la région francilienne car ils ne poussent qu’à une certaine altitude. J’ai donc cherché des résineux du même type et j’ai finalement trouvé en forêt de Fontainebleau une clairière qu’on a pu agrandir un peu avec l’autorisation de l’ONF pour placer nos bâtiments. »

Parallèlement aux décors naturels, le repéreur doit également trouver les maisons, appartements ou bureaux qui serviront de cadre au film. « On essaie dans la mesure du possible de trouver des lieux qui ont peu servi pour des tournages, précise-t-il. Il faut trouver une harmonie. S’il y a plusieurs maisons dans le film, il faut qu’on puisse savoir tout de suite, dès qu’on en voit une, à qui elle appartient. Tout en restant dans la continuité du film. On construit en quelque sorte un tableau pour chaque personnage en choisissant une maison qui correspond à sa personnalité », confie-t-il en ajoutant choisir en premier le « décor principal qui va donner la couleur au film » avant d’harmoniser avec les autres décors.

S’il prend en compte les profils des héros pour ses recherches, il respecte également le style du réalisateur avec lequel il travaille. En démarrant un projet, il essaie d’ailleurs de voir les derniers films du cinéaste pour connaître sa façon de travailler, ses goûts, son univers. « Lorsque je lui présente des photos, je ne me mets pas à sa place : j’attends de voir ses réactions, si ça lui plaît. Et si ce n’est pas le cas, il peut me rediriger dans mes recherches ». Un vrai lien de confiance s’établit au fur et à mesure entre le repéreur et le réalisateur. Un lien qui se resserre lorsqu’ils travaillent à plusieurs reprises ensemble. « Retravailler avec quelqu’un facilite les choses, comme avec Eric Toledano et Olivier Nakache (Fabien Pondevaux a participé à la production de Tellement proches et Intouchables ndlr). C’est un vrai duo, lorsqu’on parle avec eux, on est face à un seul réalisateur tellement ils sont fusionnels. »

Un métier de plus en plus sollicité

Le coût d’un tournage en studio conduit les productions à rechercher davantage des décors naturels. « Si le lieu principal est un appartement et il y a 3 ou 4 semaines de tournage, la logique voudrait que ça se fasse en studio, mais ça coûte plus cher. Et  certains réalisateurs préfèrent tourner hors studio pour avoir un côté plus authentique. C’est un choix budgétaire et artistique », explique Fabien Pondevaux en évoquant les « budgets de plus en plus serrés des productions ». Cette réduction financière, qui conduit notamment à des temps réduits de préparation, a contribué à faire naître ce métier de repéreur il y a une trentaine d’années. « Avant, c’était le premier assistant, avec le deuxième assistant et quelques stagiaires, qui s’en chargeaient parallèlement à leur travail de préparation. Maintenant, ils n’ont plus le temps. Des professionnels comme moi se sont donc spécialisés ».

Du fait de l’essor du nombre de tournages en France, les repéreurs sont de plus en plus sollicités « On le ressent depuis quelques années, depuis les nouveaux crédits d’impôt mis en place. Nous croulons sous les demandes mais nous n’allons pas nous plaindre », sourit Fabien Pondevaux. L’évolution technologique a également eu un impact non négligeable sur son travail. L’apparition d’internet lui a permis de gagner du temps dans ses recherches et de se déplacer uniquement pour voir les lieux les plus intéressants. L’arrivée des appareils numériques lui a aussi permis de transmettre plus facilement les photos à l’équipe de mise en scène. « Avant, il fallait développer la pellicule, faire des montages sur des planches… C’est dans le sens de l’évolution des productions. Il y a 25 ans, on préparait un film en six mois, maintenant c’est deux mois environ. »

Quant à l’arrivée des effets spéciaux, Fabien Pondevaux juge leur impact plutôt positif pour son métier, notamment pour les tournages de films historiques. « L’aménagement urbain s’est amplifié entre les enseignes de magasins, les bornes à vélos, les poteaux sur les bords des trottoirs. Tout ne peut pas être enlevé et ça coûte cher. Le numérique permet de tout effacer en post-production, ce qui facilite les choses. Pour les tournages sur fond vert, les images intégrées ensuite peuvent faire l’objet de recherches de la part d’un repéreur ».

Fabien Pondevaux est devenu repéreur après avoir travaillé pour la régie sur des tournages. Une expérience nécessaire selon lui pour connaître l’aspect logistique essentiel lors du choix des décors. « Il faut penser au stationnement des camions, au fait d’être ou non dans un couloir aérien ». Après avoir rencontré des assistants réalisateurs faisant du repérage, il s’est lancé dans ce métier qui lui permet parfois de découvrir des lieux où peu de personnes sont allées, comme des bases militaires pour le tournage des Chevaliers du ciel ou encore les toits de Notre-Dame de Paris et du Louvre. Détail étonnant, le métier de repéreur n’est pas officiellement reconnu dans le monde du cinéma. « Il n’y a pas de statut d’un point de vue officiel. Nous sommes sur la même grille de salaire que le premier assistant réalisateur. Personnellement, ça ne me dérange pas. Il y a plus d’assistants réalisateurs que de repéreurs. Se retrouver en petits groupes nous donnera moins de poids au niveau salaires ».