Les coulisses du pouvoir, racontées par Diastème

Les coulisses du pouvoir, racontées par Diastème

04 avril 2022
Cinéma
« Le Monde d'hier » de Diastème
Benjamin Biolay et Léa Drucker dans « Le Monde d'hier » de Diastème Pyramide Films

Le Monde d’hier met en scène une présidente de la République et le secrétaire général de l’Élysée, engagés dans une course contre la montre pour déjouer, trois jours avant l’élection présidentielle, les conséquences d’un scandale que s’apprête à divulguer un site d’informations russe et qui propulserait le candidat d’extrême droite à la tête de l’État. Pour le CNC, son réalisateur revient sur les secrets de fabrication de ce thriller politique.


Qu’est-ce qui vous a donné envie de consacrer un film aux coulisses du pouvoir ? C’était un moyen pour vous de continuer à parler de l’extrême droite après Un Français ?

J’avais le sentiment d’avoir fait ma part sur le sujet de l’extrême droite et je n’avais pas spécialement envie d’y retourner. Mais il se trouve que ces cinq dernières années, la montée du fascisme en France et dans le monde n’a fait qu’empirer. J’ai donc eu du mal à regarder ailleurs… Pour autant, je n’allais pas faire Un Français 2. Et puis m’est venue l’idée d’un film façon « what if ? ». Trois jours qui peuvent changer le destin d’un pays, en fonction des décisions prises au sommet de l’État. Cette base de départ me permettait de m’éloigner d’Un Français en partant sur l’idée d’un thriller, avec la volonté d’en faire une tragédie grecque et un conte gothique.

Comment vous êtes-vous documenté pour aborder ce sujet ?

Je suis la politique de très près depuis trente ans, mais il y a forcément des connaissances que je n’ai pas. Or il se trouve que Gérard Davet et Fabrice Lhomme [les auteurs d’Un président ne devrait pas dire ça… sur François Hollande et du Traître et le néant sur Emmanuel Macron, NDLR] m’avaient contacté après Un Français pour que j’adapte un de leurs livres. Le projet n’a pas pu voir le jour, mais on est resté en contact. Donc dès que j’ai eu cette idée de film, je les ai appelés pour leur demander d’être mes super-consultants.

Comment avez-vous fonctionné ensemble ?

J’écrivais seul de mon côté et, tous les dix jours, je leur envoyais ce que j’avais écrit. Ils lisaient, on prenait un café ensemble, je leur posais des questions, ils me faisaient leurs remarques et je m’en nourrissais pour continuer à écrire. On a fonctionné ainsi jusqu’au bout du processus. Je voulais éviter à tout prix qu’un détail inexact vienne casser la mécanique du scénario et sortir du récit les futurs spectateurs. C’est aussi la raison pour laquelle je ne voulais pas avoir de référents trop forts pour les différents personnages afin que les spectateurs ne cherchent pas de clés inexistantes. Je savais par exemple qu’en choisissant une femme comme présidente, personne ne chercherait à savoir à quel ancien chef d’État ce personnage pourrait ressembler.

 

La mode depuis plusieurs années est au politique-bashing. Ce n’est pas l’angle que vous avez choisi pour Le Monde d’hier

Mes personnages ne sont ni des cyniques ni des saints. La présidente, son secrétaire général comme son Premier ministre sont des gens qui ont échoué, qui ont des failles, qui ont fait et font des erreurs, comme tout être humain. Mon but était de réussir à construire des personnages complexes, mais auxquels on peut s’attacher. Et surtout pas de m’ériger en juge qui les condamne. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité faire une ultime consultation sur le scénario avec mon ami Christophe Honoré où l’on s’est concentré sur l’intimité des personnages.

Vous avez quand même rencontré des hommes politiques ?

Non et je me suis même interdit de le faire, alors qu’on me l’a proposé. En fait, je n’en avais pas besoin car j’avais toute la matière nécessaire grâce à Gérard et Fabrice qui m’ont confié ce qu’ils savaient sur les zones d’ombre de la République. Des choses qu’ils n’ont pas le droit de partager publiquement, dans un article ou dans un livre. Ils ne m’ont sans doute raconté que 10 % de ce qu’ils savent. Mais aucun politique n’aurait pu me confier de tels secrets, la langue de bois aurait pris le pas sur le reste.

Parler de la politique à travers des sujets aussi actuels, c’est aussi prendre le risque que la réalité puisse dépasser la fiction. C’est quelque chose qui vous inquiétait ?

C’est vrai qu’il peut y avoir un côté Nostradamus dans Le Monde d’hier avec le surgissement de la Russie dans un débat présidentiel et, sincèrement, je m’en serais bien passé ! Ce scénario, je l’ai écrit il y a deux ans. Le principe de la fiction est toujours de monter un peu les curseurs et, au final, je m’aperçois que je ne les ai pas tant montés que ça ! Mais je ne pars pas d’une page blanche : ce problème avec la Russie existe depuis très longtemps. Il a été évoqué lors des deux dernières élections américaines et même lors de la campagne électorale française de 2017. La montée de l’extrême droite en Europe et plus particulièrement en France est aussi quelque chose de perceptible depuis un petit moment. Mais à l’inverse, pour répondre plus précisément à votre question, ce n’est pas parce que ces sujets étaient présents que j’allais m’interdire de les traiter.

Aviez-vous des références en tête pendant l’écriture de ce film ? Une série comme Baron noir par exemple ?

Non, car je dois avouer que je n’ai pas vu Baron noir. Mais de manière plus large, je ne fais pas partie des cinéastes qui s’appuient sur énormément de références. Un Français avait constitué à ce titre une exception : j’avais eu besoin de regarder beaucoup de films sur les skinheads pour me documenter sur le sujet. La question ne se posait pas pour Le Monde d’hier où mon inspiration était spontanément nourrie des pages politiques des journaux que je dévore allègrement chaque matin, mais aussi des Justes d’Albert Camus que j’ai monté au théâtre. Généralement, quand je me lance dans un film, j’essaie au maximum d’oublier tous ceux que j’ai pu voir et qui traitent d’un sujet proche ou identique.

Le Monde d'hier

« Le Monde d'hier » de Diastème

Réalisation Diastème.
Scénario : Diastème avec la collaboration de Gérard Davet, Fabrice Lhomme et Christophe Honoré. Photographie : Philippe Guilbert.
Musique : Valentine Duteil.
Montage : Chantal Hymans.
Production : Fin Août Productions.
Distribution : Pyramide

Le Monde d’hier a obtenu l’Aide à la création de musiques originales de la part du CNC.