Nathan Ambrosioni et Nicolas Dumont : partenaires particuliers

Nathan Ambrosioni et Nicolas Dumont : partenaires particuliers

02 décembre 2025
Cinéma
Les Enfants vont bien réalisé par Nathan Ambrosioni
« Les Enfants vont bien » réalisé par Nathan Ambrosioni StudioCanal

Après Toni en famille, le réalisateur (qui, à 18 ans, reste à ce jour le plus jeune à avoir obtenu l’Avance sur recettes pour son premier long Les Drapeaux de papier) et son producteur poursuivent leur collaboration avec Les Enfants vont bien, doublement primé au festival d’Angoulême (Valois de diamant et Mention du jury pour l’interprétation de ses jeunes comédiens Manoâ Varvat et Nina Birman). Un film inspiré par le phénomène des disparitions volontaires d’adultes. Entretien croisé.


Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Nicolas Dumont : Au moment où je suis arrivé chez Chi-Fou-Mi Productions. Ils avaient déjà développé deux projets avec Nathan qui n’avaient pas pu voir le jour. Notre rencontre a d’abord été humaine avant d’être professionnelle. J’ai d’emblée senti chez Nathan une vraie humanité, quelque chose qui donnait envie de l’accompagner. Puis il y a eu le scénario de Toni en famille que j’ai adoré. Le décalage entre son âge – il avait alors 21 ans – et la maturité de son écriture était vraiment frappant. Ça donnait spontanément envie de l’accompagner.

Nathan Ambrosioni : L’arrivée de Nicolas a apporté une vraie fraîcheur. Quand il s’est mis à s’occuper de Toni en famille, j’ai immédiatement perçu que nous avions la même sensibilité. Avec lui, le développement a été simple, joyeux. Et tellement rapide. Nicolas a financé Toni en famille en un mois !

ND : Nous avons une qualité en commun – qui peut aussi être perçue comme un défaut –, nous sommes tous les deux très impatients !

Camille Cottin nous a donné son accord très tôt pour incarner Toni […] Elle a montré un vrai enthousiasme pour le scénario et ça nous a renforcés dans notre conviction qu’il fallait faire ce film et le tourner rapidement.
Nathan Ambrosioni
Réalisateur


Nicolas Dumont, quelle a été la spécificité de votre travail de producteur sur cette première expérience commune ?

ND : Ce qui frappe chez Nathan, c’est que dès la première version du scénario, il existe une continuité dans les dialogues. Il n’y a pas de traitement ou de séquencier. Nous sommes tout de suite proche de la version quasi définitive du tournage. C’est aussi pour ça que tout va très vite. Après cette V1, il s’est passé un mois, nous avons peaufiné le script au fil de quatre ou cinq versions et nous sommes partis en financement. Nous avions l’impression que tout avançait naturellement.

NA : C’est aussi grâce à Camille Cottin qui nous a donné son accord très tôt pour incarner Toni. Son engagement a été décisif. Après Dix pour cent, c’était son premier rôle en tête d’affiche pour le cinéma. Elle a montré un vrai enthousiasme pour le scénario et ça nous a renforcés dans notre conviction qu’il fallait faire ce film et le tourner rapidement.

 

Le succès de Toni en famille vous a-t-il mis une certaine pression pour le projet suivant ?

NA : Non, car je tenais à ce que l’accueil que recevrait Toni en famille n’influence en rien la suite. J’ai donc anticipé en commençant à coucher quelques projets sur le papier que j’ai fait lire à Nicolas avant la sortie du film. Et c’est celui des Enfants vont bien qui nous a réunis. Celui où nous nous sommes dit : « OK, ce sera le prochain. » Ça n’avait rien d’automatique, même après une expérience sans nuage comme celle de Toni en famille. Mais quand je lui ai envoyé la V1, j’ai retrouvé le même engagement, la même disponibilité que sur Toni.

ND : Avant même de m’envoyer le scénario, tu avais commencé à me parler du concept. Je n’avais jamais entendu parler de ce phénomène des disparitions volontaires qui concerne 15 000 personnes chaque année en France ! Et j’ai tout de suite accroché.

NA : C’est précisément parce que j’ai senti ton intérêt que je me suis mis à écrire très vite cette première version, nourrie de mes notes prises sur ce sujet que j’avais en tête depuis un moment.

J’ai d’emblée senti chez Nathan une vraie humanité, quelque chose qui donnait envie de l’accompagner.
Nicolas Dumont
Producteur


Nicolas Dumont, qu’est-ce qui vous a séduit dans cette première version ?

ND : Le fait que Les Enfants vont bien soit différent de Toni en famille et que nous avions exactement la même envie tous les deux : un film très peu dialogué où l’image porte tout. Ce qui est fort chez Nathan, c’est que film après film, il va vers une pureté, une exigence de cinéma toujours plus grande. Or être un bon producteur c’est aussi accompagner quelqu’un dans une totale liberté de création. Voilà pourquoi j’apprends énormément sur mon métier avec Nathan.

NA : Une vraie confiance s’est créée entre nous. Avant Toni en famille, j’avais des doutes à cause des projets précédents qui avaient capoté et parce que je commençais à manquer d’argent pour payer mon loyer ! Mais pour Les Enfants vont bien, j’étais beaucoup plus serein, précisément parce que Nicolas a tout de suite compris le projet, mon envie de changement de registre, cette idée d’aller vers plus d’épure. Il n’a jamais cherché à me pousser à reproduire une recette, même si le financement en aurait été facilité.

ND : Les Enfants vont bien était peut‑être moins immédiatement compréhensible et plus déstabilisant pour des partenaires. Mais l’identité du projet était claire, ne serait-ce que par les références qu’il convoquait : les films de Hirokazu Kore-eda et d’Edward Yang. Nous avons eu la chance que les partenaires déjà présents pour Toni en famille nous fassent confiance à nouveau et s’engagent dans cette aventure. Mais ce qui est très agréable en tant que producteur avec Nathan, c’est que l’argent n’est jamais un sujet. Car l’économie du film est pensée dès le départ pour qu’elle soit cohérente avec sa fabrication. Ce qui permet quasiment de garantir l’existence du projet. Son économie est maîtrisée, cohérente par rapport au marché.

NA : J’ai commencé avec des courts métrages d’horreur autoproduits avec des amis. J’ai depuis toujours cette réalité économique en tête. Et je la trouve plus stimulante que contraignante. Je me sens plus en sécurité quand on parle honnêtement d’argent. J’ai toujours eu conscience qu’on n’allait pas me confier 10 millions d’euros car j’avais – et j’ai encore ! – plein de choses à prouver. Et tant mieux, parce qu’il y a moins d’enjeux et que cela m’offre plus de liberté.

Nous avons vu beaucoup d’enfants pour faire notre choix. Près de 500 ! […] J’ai tout de suite senti ce désir chez Manoâ et Nina qui n’ont eu aucun problème à apprendre leur texte et le connaître sur le bout des doigts.
Nathan Ambrosioni
Réalisateur


Nicolas Dumont, êtes-vous très présent sur les tournages de Nathan ? Quel est votre rôle sur le plateau ?

ND : J’adore être sur les plateaux, voir les techniciens, l’équipe… Donc je suis présent et pas uniquement quand il y a un problème à régler !

NA : La présence de Nicolas est précieuse. Par sa manière de se comporter et d’échanger avec les techniciens et pas seulement les chefs de poste dont certains, pourtant expérimentés, m’ont confié que c’était la première fois qu’un producteur leur adressait la parole. Or je pense qu’il est important d’abolir cette hiérarchie pyramidale dans le cinéma. De mettre à mal cette position du réalisateur et du producteur tout-puissants car nous sommes bien plus efficaces quand tout le monde peut s’exprimer et se faire entendre.

Comment s’est déroulé le tournage avec Manoâ Varvat et Nina Birman, les deux jeunes enfants ?

ND : J’avais évidemment une appréhension : est‑ce qu’ils allaient être bons et surtout constants ? Est-ce qu’ils n’allaient pas se lasser au fil des jours ? Manoâ Varvat et Nina Birman ont été incroyables. Il fallait juste garder en tête qu’ils étaient d’abord des enfants avant d’être des acteurs.

NA : Le rapport de l’enfant à l’absence de ses parents a quelque chose de très instinctif, donc de très pur et très brutal. Il était donc important pour moi que le film soit aussi raconté du point de vue des enfants. Concernant le temps de travail de nos jeunes acteurs, pas question de dépasser les horaires prévus par la loi. Ça rallongeait le tournage – 42 jours au lieu de 35 – et ça a pu être un casse-tête d’organisation car ils ont beaucoup de choses à jouer et même parfois quatre pages de dialogue à faire rentrer dans des délais forcément contraints. Mais j’ai adoré ça. Nous avons vu beaucoup d’enfants pour faire notre choix. Près de 500 ! Nous avons commencé par écarter ceux qui étaient venus en audition uniquement poussés par leurs parents. 42 jours de tournage nécessitent énormément d’investissement, il fallait donc trouver des enfants qui avaient vraiment envie de faire le film. Et j’ai tout de suite senti ce désir chez Manoâ et Nina qui n’ont eu aucun problème à apprendre leur texte et le connaître sur le bout des doigts. Je pense que tous deux ont contribué à cette ambiance légère qui régnait sur ce plateau. Cette énergie de l’enfance nous galvanisait tous.

Le montage peut en effet devenir le pire endroit de conflit avec un réalisateur. À titre personnel, je sais que je peux vite m’y essouffler. Donc j’adore me placer en position de spectateur, pas de producteur.
Nicolas Dumont
Producteur


Comment s’est poursuivie votre collaboration dans la dernière ligne droite, celle du montage ?

NA : Pour moi, il est essentiel que le producteur garde un regard neuf sur le film à cette étape. S’il vient tous les jours, il perdra tôt ou tard ce recul. Voilà pourquoi j’envisage le montage comme un espace créatif solitaire. Et Nicolas l’a accepté. C’est un moment de grande vulnérabilité pour un auteur. Et je pense qu’il est moins fait pour un producteur, du moins dans sa première phase. J’étais heureux de trouver la première version du montage seul. J’invitais parfois Nicolas mais il m’expliquait préférer voir le film en entier. C’était rassurant pour moi car il ne me mettait aucune pression particulière. D’ailleurs, il m’a encouragé à monter le film moi-même au lieu de m’adjoindre quelqu’un et c’est un geste assez audacieux de sa part.

ND : Peu de réalisateurs sont leurs propres monteurs donc ça me paraissait une évidence. Et ce d’autant plus que dans l’écriture de Nathan, on perçoit qu’il a déjà le montage en tête.

NA : Une fois dans la salle de montage, Nicolas me dit tout ce qui lui passe par la tête. Je prends des notes. Nous échangeons. C’est ce qui incite le têtu que je peux être à l’écouter, à être moins borné et c’est ce qui rend l’exercice vertueux, alors que cette étape peut parfois se transformer en bras de fer.

ND : Le montage peut en effet devenir le pire endroit de conflit avec un réalisateur. À titre personnel, je sais que je peux vite m’y essouffler. Donc j’adore me placer en position de spectateur, pas de producteur. Dans le cas des Enfants vont bien, comme Nathan m’avait parlé de Kore-eda et Edward Yang, je ne m’attendais pas à un montage saccadé. Le résultat est conforme à ce qu’il avait écrit…

Vous repartez sur une troisième collaboration. Que pouvez‑vous en dire ?

NA : J’adorerais un jour faire un film d’horreur ! Mais ce ne sera pas le prochain… (Rires.) Pour le moment, j’ai envie de continuer à explorer ces figures de mères, la famille… Comme le dernier volet d’une trilogie. Sur Toni, c’était une famille fantasmée. Sur Les Enfants vont bien, c’est quelque chose de plus proche de ma propre famille. Et sur le prochain, il y aura plus de frontalité, plus de brutalité comme Mike Leigh avec Secrets et Mensonges. C’est l’histoire de trois mères à travers les liens que chacune entretien avec ses enfants et ceux des autres. J’ai envie de finir cette trilogie en continuant à épurer comme j’ai pu le faire entre Toni et Les Enfants vont bien.
 

LES ENFANTS VONT BIEN

Affiche de « LES ENFANTS VONT BIEN »
Les Enfants vont bien StudioCanal

Réalisation et scénario : Nathan Ambrosioni
Production : Chi-Fou-Mi Productions 
Coproduction : StudioCanal et France2 Cinéma 
Distribution et ventes internationales : StudioCanal
Sortie le 3 décembre 2025