Normandie Images : une coopération locale en faveur des productions

Normandie Images : une coopération locale en faveur des productions

16 mai 2025
Cinéma
Normandie Images
Le tournage de "La Venue de l’avenir" de Cédric Klapisch s’est en partie déroulé à Giverny E. Jacobson Roques

Quatre films tournés en Normandie sont présentés en sélection officielle de la 78e édition du Festival de Cannes. À travers ces longs métrages, c’est tout un écosystème local d’accompagnement des productions qui est valorisé. Rencontre avec Johanne Prat, administratrice, et Núria Rodriguez, responsables production et tournages à Normandie Images.


« C’est la première fois cette année que nous avons autant de films soutenus et tournés en Normandie dans la sélection officielle du Festival de Cannes. Nous en sommes très heureux et nous félicitons les cinéastes », se réjouit Núria Rodriguez, responsable du fonds d'aide à la production cinéma et audiovisuel de Normandie Images. Parmi les projets filmés dans la région en 2024, quatre sont ainsi présentés sur la Croisette, un record. Alpha de Julia Ducournau, en compétition officielle, a ainsi été réalisé au Havre (76) entre septembre et octobre ; Valeur sentimentale de Joachim Trier, également en compétition officielle, a été tourné en partie autour de Deauville (14) en septembre ; La Venue de l’avenir de Cédric Klapisch, sélectionné hors compétition, s’est déployé sur sept sites normands en mai et juin ; Marcel et M. Pagnol, film d’animation de Sylvain Chomet présenté en Séances spéciales, a été conçu dans les studios du cinéaste établi à Bayeux (14).

Personnaliser l’accompagnement

Pour Johanne Prat, administratrice de Normandie Images, « l’accueil de tournages consiste à favoriser l’implantation d’une production sur un territoire ». Sa mission : répondre aux besoins des cinéastes qui recherchent les décors de leur film. « En premier lieu, il est essentiel de trouver les décors et les compétences humaines sur le terrain », poursuit-elle. Chaque projet est personnalisé : le bureau se tient à disposition des équipes de production pour répondre au mieux à leurs attentes. Ainsi, La Venue de l’avenir a nécessité de trouver des costumes et décors anciens pour les scènes se déroulant dans le passé ; Valeur sentimentale, qui se passe en partie autour du festival du cinéma américain de Deauville, a quant à lui représenté un autre défi : travailler avec une équipe internationale. « Nous sommes des partenaires à part entière, souligne Núria Rodriguez. Notre budget étant limité, nous accompagnons peu de projets, mais notre implication est totale ».

Normandie Images et Film France-CNC proposent une base de données des lieux accessibles aux réalisateurs et producteurs afin de leur offrir un premier aperçu. Par ailleurs, l’expertise des membres du bureau leur permet de révéler des décors moins connus. Dans cette même intention de valoriser la région et sa filière cinéma, l’agence essaie de « susciter le besoin », comme le précise Núria Rodriguez : « Nous glissons des messages subliminaux aux équipes. Des décors auxquels ils n’ont pas pensé, des embauches, des prestataires de tournage, de post-production, de la musique originale… ».

Le lycée Schuman Perret du Havre, un des décors du film Alpha de Julia Ducournau Normandie Images

Coopérer avec tout un écosystème

Depuis la fusion des deux régions normandes en 2018, la politique régionale en faveur du cinéma a renforcé la structuration et la cohésion des professionnels du secteur. « Nous valorisons des compétences : des techniciens, des comédiens, des prestataires spécialisés dans le cinéma qui se sont implantés sur le territoire », développe Johanne Prat. Normandie Images ayant pour vocation de faire rayonner les professionnels normands du cinéma, l’agence met en relation producteurs et travailleurs, grâce à des bases de données disponibles sur demande. Ces outils forment une « porte d’entrée » pour l’implantation des tournages. « Les dépenses des productions au niveau de l’embauche sont fondamentales. Elles participent à maintenir notre filière cinéma, et c’est important que les techniciens, comédiens ou prestataires aient du travail près de chez eux », ajoute l’administratrice du bureau. Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet a été conçu en collaboration avec des élèves de l’école Lanimea, basée à Caudebec-lès-Elbeuf, en Seine-Maritime. De quoi assurer la pérennité d’un nouveau type de films jusque-là émergent sur le territoire : le cinéma d’animation.

Normandie Images collabore également avec les collectivités territoriales à différentes échelles. « Nous incitons les départements ou communautés de communes à améliorer leur propre politique d’accueil de tournage. Le but : développer des réflexes de travail en commun et répondre au plus vite aux besoins des productions ». Ces structures travaillent en amont de la production des films à rendre la région attractive, notamment à travers des voyages d’inspiration. Pendant cinq jours, des scénaristes, réalisateurs ou producteurs visitent le pays normand et repèrent de potentiels futurs décors. « Ce n’est pas seulement une visite touristique, explique Johanne Prat. Nous faisons appel à des conférenciers qui racontent une partie de l’histoire du territoire, contemporaine ou plus ancienne, ses légendes... Par exemple, il existe dans la Manche une forte filière nucléaire, mais aussi un secteur émergent de l’énergie renouvelable ». Une manière d'encourager la créativité des cinéastes en les incitant à placer la Normandie au centre de leur prochain récit.

Développer l’attractivité

Les retombées économiques des quatre longs métrages sélectionnés à Cannes s’élèvent à deux millions d’euros, pour une aide préalable de 550 000 euros. « Nous sommes vraiment heureux que la collectivité bénéficie de ces retombées financières. Nous savons que l’aide à la création va avoir un impact économique plus large sur la région », confie Johanne Prat. Via son comité de lecture, la Normandie choisit de financer les œuvres qui participent le mieux à son rayonnement dans la France entière, voire à l’international, comme pour Alpha, de Julia Ducournau. La production a présenté Le Havre à la réalisatrice, qui a eu un « coup de cœur », d’après Núria Rodriguez, et a immédiatement installé son intrigue dans la ville. Les prises de vue ont débuté avant même de réunir les financements régionaux. Le comité de lecture a facilement attribué l’aide au long métrage, raconte Johanne Prat : « Le film, de grande qualité, était déjà ancré sur le territoire grâce au travail de repérage mené en amont et le tournage se déroulait en totalité dans la région. Toutes ces raisons nous ont donné envie de le soutenir. Nous étions sûrs qu’il allait valoriser la Normandie ». Si le bureau accompagne aussi les productions qui ne demandent pas d’aides budgétaires, son travail pour implanter des tournages permet d’appuyer les demandes de financement.

Une scène de "La Venue de l’avenir" de Cédric Klapisch à Étretat Studio Canal

« La Normandie est une région qui inspire. Proche de Paris, elle est connue dans l’imaginaire collectif et a une forte identité, au niveau national comme à l’international. Nous avons une diversité de décors : plages, campagnes, plaines, collines… », décrit Núria Rodriguez. Les plus reconnaissables bénéficient d’un regain de touristes, comme à Étretat, dont les falaises ont accueilli une foule de visiteurs après la diffusion de la série Netflix Lupin, tournée sur la côte. À l’inverse, les productions peuvent compter sur des « décors stars ». « Ils permettent l’implantation de créations étrangères étant donné l’image que les autres pays se font de la France. À l’instar de la tour Eiffel à Paris, nous avons beaucoup de ces décors en Normandie » précise Johanne Prat. De nombreux films coréens ou indiens ont une prédilection pour le Mont Saint-Michel, tandis que la série Emily in Paris a exploré Giverny et les jardins de Claude Monet le temps d’un épisode. Mais ces décors séduisants ne sont pas les seuls atouts de la région selon l’administratrice du bureau d’accueil des tournages. « À Normandie Images, les budgets sont stables, les interlocuteurs récurrents, et notre professionnalisme est reconnu. Nous avons su grandir avec les politiques de décentralisation ». Stabilité et coopération sont les maîtres-mots de l’accompagnement des œuvres. « Cet écosystème - un cercle vertueux entre les agences publiques et les techniciens ou producteurs - participe à ce qu’un film puisse se faire dans de bonnes conditions grâce au travail de terrain », conclut Johanne Prat.