Swiss Films, l’Unifrance du cinéma suisse

Swiss Films, l’Unifrance du cinéma suisse

21 août 2023
Cinéma
Swiss Films
Swiss Films a été fondé en 2004 Swiss Films

Alors que le cinéma suisse était mis à l'honneur au Festival du film francophone d’Angoulême 2023, Andreas Bühlmann, le Head of Festivals & Markets chez Swiss Films, fait le point sur les missions de cet équivalent d’Unifrance et sur l’état de santé du cinéma suisse à l’export.


Swiss Films a été créé en 2004. Quelle est sa stratégie et en quoi a-t-elle évolué depuis près de vingt ans ?

Andreas Bühlmann : Notre mission consiste à aider la promotion des talents et des films à l’étranger, comme peut le faire Unifrance en France, en s’appuyant sur les talents, cinéastes, comédiens et comédiennes, qui travaillent régulièrement à l’international comme ceux et celles présents cette année à Angoulême : par exemple Ursula Meier, la réalisatrice de L’Enfant d’en haut ou l’actrice Ella Rumpf (à l’affiche du Théorème de la marguerite d’Anna Novion).

Concrètement, quelles actions développez-vous ?

Elles sont nombreuses et variées. Nous informons en amont les délégués des festivals des nouvelles productions suisses et établissons les contacts avec les producteurs concernés. Nous aidons les productrices et producteurs à élaborer une stratégie de distribution et à rendre leurs films visibles sur le plan international, que ce soit dans les manifestations mais aussi en salles ou sur les plateformes en ligne. Nous organisons chaque année nos Swiss Films Previews pour donner à un public de spécialistes du monde entier l’occasion de découvrir les films sur le point de sortir en salles… Pour les festivals à proprement parler, nous avons mis en place un mécanisme de soutien, le Festival Support, à travers lequel nous participons aux frais de promotion, de voyage des talents et parfois aux frais de sous-titrages des œuvres. Et puis, depuis le départ de la Suisse du programme MEDIA de l’Union européenne, nous participons au Distribution Support qui encourage la diffusion des films suisses hors de nos frontières en fonctionnant comme une sorte de garantie à couvrir les déficits des distributeurs étrangers qui achètent nos productions. Ce format fonctionne très bien et son budget a été augmenté après la pandémie pour aider à la relance. Comme tous les pays, la Suisse a souffert.

Après la pandémie, le cinéma suisse a réussi à retrouver une très belle visibilité, surtout dans le circuit des grands festivals internationaux.

Justement, comment le cinéma suisse a-t-il digéré cette période ?

Cela a pris un peu de temps mais je peux dire que le cinéma suisse a réussi à retrouver une très belle visibilité, surtout dans le circuit des grands festivals internationaux. Tout particulièrement le cinéma francophone suisse. Mais les plus gros succès au box-office sont réalisés par des coproductions où les Suisses sont minoritaires. Celles-ci dominaient déjà avant le Covid, mais c’est encore plus flagrant aujourd’hui. Il est même devenu vraiment difficile pour un film majoritairement suisse d’être vu à l’étranger.

Quels sont les marchés les plus importants pour vous ?

Langue oblige, ce sont nos pays voisins : l’Allemagne et la France en tête.

Quelles sont les productions ou coproductions suisses qui attirent le plus de spectateurs à l’étranger ?

De ce point de vue, il y a une certaine constance. Chaque année ou presque, ce sont des films pour enfants qui s’imposent, des coproductions avec l’Allemagne ou avec la France. En 2022, ce fut Le Brigand Briquambroque de Michael Krummenacher qui a été largement en tête. Cette coproduction avec l’Allemagne a réuni plus du tiers des entrées des 80 films suisses sortis à l’étranger dans l’année.

En dehors de ce film, quel est pour vous le plus bel exemple récent d’exportation ?

Si on remonte un peu dans le temps, je dirai sans hésiter Ma vie de Courgette de Claude Barras en 2016, une coproduction franco-suisse primée dans de nombreux festivals internationaux (dont le Valois de diamant à Angoulême), doublement césarisée (film d’animation et adaptation), nommée aux Oscars, et qui a remporté un immense succès en salles. Plus récemment, je pourrais aussi citer Désordres de Cyril Schaüblin, La Ligne d’Ursula Meier ou encore Olga d’Elie Grappe, notre candidat pour les Oscars en 2022, qui se sont tous les trois très bien vendus. Et pour continuer sur les échos enthousiastes en festivals : La Mif de Frédéric Baillif (2021), dont l’action se situe dans un foyer d’accueil pour adolescents et Foudre de Carmen Jaquier qui représentera cette année la Suisse aux Oscars et qui a été montré au festival de Toronto l’an passé.

 

Qui choisit le candidat suisse à l’Oscar du film en langue étrangère ?

Un jury nommé par l’Office fédéral de la culture – l’équivalent suisse du CNC, qui nous fournit d’ailleurs une aide financière pour nous permettre d’effectuer notre travail de promotion – et dont Swiss Films accompagne le choix des membres. Ceux-ci sont représentatifs des divers métiers du cinéma : production, réalisation, technique, promotion… Ils sont sept, renouvelables tous les ans à l’exception de la présidente ou du président qui reste en poste deux ans consécutifs.

On peut s’appuyer sur une génération montante particulièrement intéressante […] Cette nouvelle génération appartient tout autant au cinéma francophone que germanophone ou encore italophone.

Existe-t-il un système d’aides pour venir tourner en Suisse ?

Oui, celui-ci a été créé au niveau national il y a une dizaine d’années et a porté ses fruits. Mais de par notre structure fédérale, il existe aussi des commissions dans quelques-uns des différents 23 cantons du pays. Celle du Valais [au sud de la Suisse, NDLR] est à ce jour la plus puissante et la plus dynamique.

Comment voyez-vous l’avenir proche ?

On est très optimistes. Notamment parce qu’on peut s’appuyer sur une génération montante particulièrement intéressante. Beaucoup de cinéastes suisses ont réussi à se faire remarquer en festival ces dernières années dès leur premier ou deuxième film ! Il existe d’ailleurs là encore un programme qui leur permet, pendant le développement de leurs films, d’avoir des connexions avec des membres importants de l’industrie pour les accompagner. Et, fait nouveau depuis quelque temps, alors que leurs films suivants sont en développement, il y a désormais de plus en plus de demandes en amont des vendeurs internationaux qui se renseignent sur le moment où ils seront prêts à être montrés. Cette nouvelle génération appartient tout autant au cinéma francophone que germanophone ou encore italophone. Celui-ci prend une place de plus en plus importante, comme le prouve la sélection de la Mostra cette année avec la présence de deux films en italien coproduits avec la Suisse : Invelle, un long métrage d’animation de Simone Massi dans la section Orizzonti et Lubo de Giorgio Diritti, en compétition. On trouvera aussi à Venise une autre coproduction suisse, cette fois avec l’Allemagne et l’Autriche : Die Theorie von Allem de Timm Kröger.