Boris Vian : adaptations sur petit et grand écran

Boris Vian : adaptations sur petit et grand écran

10 mars 2020
Cinéma
L'écume des jours de Charles Belmont
L'écume des jours de Charles Belmont Chaumiane - S.E.P.I.C - DR - T.C.D;
A l’occasion du centenaire de la naissance de Boris Vian, retour sur les différentes adaptations filmées de son œuvre, qui témoignent d’une relation passionnée et houleuse au cinéma.

J’irai cracher sur vos tombes (Michel Gast, 1959)

Auteur de la chanson Cinématographe (une déclaration d’amour au septième art) et de plusieurs scénarios qui ne furent jamais tournés, acteur à ses heures (dans Les Liaisons dangereuses, de Roger Vadim, ou Notre-Dame de Paris, de Jean Delannoy), Boris Vian était un fou de cinéma. La seule adaptation de l’une de ses œuvres qui fut réalisée de son vivant est J’irai cracher sur vos tombes, d’après le pastiche de série noire à l’américaine qu’il avait signé sous le pseudonyme de Vernon Sullivan en 1946. Vian, mécontent du travail d’adaptation, avait manifesté publiquement son désaveu. Il se rendit néanmoins à une projection privée du film, le 23 juin 1959, dans le cinéma Le Marbeuf… où il fut terrassé par une crise cardiaque, dix minutes après le début de la projection. Dans le documentaire Le Cinéma de Boris Vian, signé Yacine Badday et Alexandre Hilaire en 2010, cette mort tragique et précoce (Vian n’avait que 39 ans), dans une salle obscure, devant l’adaptation mal-aimée d’un livre qui lui avait causé beaucoup de soucis, est perçue comme le symbole du rendez-vous manqué entre Boris Vian et le cinéma.

L’Ecume des jours (Charles Belmont, 1968)

L’Ecume des jours est-il adaptable au cinéma ? Comment retranscrire la beauté funambule et l’humeur fantasque de la prose de Boris Vian ? Bien avant Michel Gondry, Charles Belmont, qui tournait là son premier film, s’était posé ces questions, avec cette première adaptation du chef-d’œuvre de l’écrivain. Surréaliste et virevoltant, cet Ecume des jours millésime 1968 profitait du vent de liberté qu’avait fait souffler la Nouvelle Vague sur le cinéma français et réunissait à l’écran une nouvelle génération d’acteurs : Jacques Perrin, Marie-France Pisier, Sami Frey… Pierre Henry, pionnier de la musique électronique, se chargeait quant à lui de la bande-son. Mais le film, sorti sur les écrans fin mars 1968, ne rencontra pas le public – c’est d’autant plus regrettable que c’est justement à la fin des années soixante que le livre, qui n’avait pas eu de succès du vivant de Vian, commençait à devenir « culte ».

L’Herbe rouge (Pierre Kast, 1985)

Compagnon de route de la Nouvelle Vague, Pierre Kast avait collaboré à des projets de films avec Boris Vian et l’avait dirigé dans Le Bel Age, sorti en 1960 – faisant regretter au passage que l’écrivain soit mort trop tôt pour voir s’épanouir le mouvement cinématographique qui allait secouer le cinéma français et dont l’insolence l’aurait sans doute réjoui. En 1985 fut diffusé le téléfilm L’Herbe rouge, adaptation du livre de Boris Vian paru en 1950 dans lequel un homme revit des moments passés de son existence – la télévision française n’était alors pas avare d’expérimentations dans le domaine de la science-fiction. Le casting de cette production audacieuse réunissait Jean Sorel, Jean-Pierre Léaud, Yves Robert, Jacques Perrin, Jean-Claude Brialy et Françoise Arnoul.  

L’Ecume des jours (Michel Gondry, 2013)

Deuxième adaptation de l’histoire d’amour tragique entre Colin et Chloé, qui prouve que Michel Gondry et Boris Vian étaient faits pour se rencontrer. La veine surréaliste du livre est mise en valeur par les inventions artisanales loufoques du réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind, qui envisage son film comme une quête esthétique, où il s’agit de trouver des équivalences visuelles aux idées folles du poète et de faire ressentir au spectateur du 21ème siècle la modernité que symbolisait ce livre quand il fut publié en 1947. Le casting (Audrey Tautou, Romain Duris, Gad Elmaleh, Omar Sy…) joue le jeu et contribue à l’audace d’un film inclassable.

 

Collection Rue des Ravissantes : Boris Vian fait son cinéma (collectif, 2014)

En 1977, l’éditeur Christian Bourgois avait réuni plusieurs scénarios de courts métrages non réalisés, écrits par Boris Vian, dans le recueil Rue des Ravissantes. En 2015, cinq de ses scénarios furent adaptés dans une collection de courts métrages diffusés sur France 2 et France 3 : L’Autostoppeur, par Julien Paolini, Notre Faust, par Elsa Blayau et Chloé Larouchi, De quoi je me mêle, par Pablo Larcuen, Le Cowboy de Normandie, par Clémence Madeleine-Perdrillat, et Rue des Ravissantes, par Anne-Laure Daffis et Léo Marchand. Chaque film court était accompagné de la reprise d’une chanson de Vian (par Julien Doré ou Alex Beaupain, par exemple). Cocasse, mélancolique, farfelu, jazzy, grinçant… Très différents les uns des autres, ces films illustraient chacun une facette différente d’un artiste protéiforme.