Sur les traces de Claude Sautet

Sur les traces de Claude Sautet

21 juillet 2020
Cinéma
Claude Sautet sur le tournage de César et Rosalie
Claude Sautet sur le tournage de César et Rosalie Fildebroc Productions - Mega Films - Paramount Orion Filmproduktion - DR - T.C.D
Le réalisateur des Choses de la vie nous a quittés il y a 20 ans, le 22 juillet 2000. Retour sur son parcours en huit films qui montrent l’étendue de son registre et de ses talents (scénariste, assistant ou réalisateur).

Les Hommes ne pensent qu’à ça (1954)

Diplômé de l’IDHEC (l’ancêtre de la Fémis) au début des années 50, Claude Sautet entame dans la foulée une fructueuse carrière d’assistant-réalisateur. Elle le conduit notamment à travailler sur le premier long métrage d’Yves Robert, Les Hommes ne pensent qu’à ça, une comédie réinventant le mythe de Don Juan dans lequel on aperçoit un certain Louis de Funès. Ce n’est pas tant le film que la rencontre avec Yves Robert qui est déterminante : les deux hommes nouent une amitié solide qui ne se démentira jamais au fil des années. Yves Robert reprendra Claude Sautet comme assistant sur Ni vu, ni connu (1958) et coécrira dans l’intervalle Bonjour sourire (1956), le premier long – renié - de Sautet. Dans les années 70, les deux hommes se “partageront” Jean-Loup Dabadie, scénariste de leurs plus grands succès.


 

Classe tous risques (1960)

Considéré par Sautet comme son premier vrai long métrage (il n’avait « hérité » de Bonjour sourire que suite au désistement de Robert Dhéry), Classe tous risques est un film noir qui annonce l’autre grand polar du cinéaste, Max et les Ferrailleurs (1971). Tourné en pleine Nouvelle Vague, née deux ans auparavant, Classe tous risques en reprend certains aspects – la spontanéité, le tournage en extérieur, le côté documentaire – tout en s’en distinguant radicalement par son beau classicisme. Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo incarnent cette dualité qui fera de Claude Sautet un cinéaste à part, hors des courants, moderne et ancien à la fois.

La Vie de château (1966)

Après l’échec de L’Arme à gauche (1965, toujours avec Ventura) qu’il a très mal vécu, Claude Sautet décide de ne plus réaliser. Pendant cinq ans, il ne va plus qu’écrire pour les autres - ou plutôt “ressemeler” des scénarios imparfaits comme disait Truffaut. La Vie de château de Jean-Paul Rappeneau fait partie de ces films que le talent d’écriture de Sautet va contribuer à rendre plus grands. Suivront notamment La Chamade (1968) d’Alain Cavalier, Le Diable par la queue (1969) de Philippe de Broca ou Borsalino (1970) de Jacques Deray.


 
Les Choses de la vie (1970)

En 1969, la carrière de réalisateur de Claude Sautet est donc au point mort. Quand l’ambitieux Jean-Loup Dabadie, auteur de sketches et parolier qui se rêve scénariste/dialoguiste, lui soumet son adaptation d’un roman de Paul Guimard, Les Choses de la vie. Sautet y voit une occasion de se réinventer auprès de ce jeune auteur talentueux. Il est en l’occurrence obnubilé par le défi que représente la mise en scène de la fameuse séquence de l’accident qui sert de fil « conducteur » au portrait d’un quadragénaire (Michel Piccoli) tiraillé entre deux femmes (Romy Schneider et Léa Massari). Sélectionné à Cannes, le film est un triomphe (trois millions d’entrées, le plus gros succès de Sautet) qui replace le réalisateur au centre de l’échiquier.


 
César et Rosalie (1972)

Sorti en 1972, César et Rosalie est un projet que mûrit Sautet depuis dix ans, depuis qu’il a eu l’idée de cette histoire d’amour atypique dans laquelle une femme aime sans distinction un rustre et un dandy. Dans les années 60, il avait ainsi pensé à Brigitte Bardot, Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo pour tenir les rôles principaux. Le projet ne se montera pas. Fort du succès des Choses de la vie et de Max et les Ferrailleurs, Claude Sautet est en position de force pour le relancer en 1972. Autour de Romy Schneider, il réunit Yves Montand et Sami Frey qui font de ce drame intimiste un hymne audacieux et solaire à l’amour libre.
 

 

Une histoire simple (1978)

Quatre ans après son remarquable Vincent, François, Paul... et les autres, Claude Sautet, à la demande de Romy Schneider (qui a réclamé un « film de femmes » au réalisateur), signe son pendant au féminin. L’actrice y incarne une quadragénaire au bout du rouleau, sur le point de quitter son amant (Claude Brasseur) et de renouer avec son ex-mari (Bruno Crémer). Sophie Daumier, Eva Darlan, Francine Bergé jouent les autres personnages féminins de ce portrait de groupe qui montre l’émancipation compliquée des femmes au cours des années 70. Le film débute d’ailleurs sur une bouleversante séquence d’avortement de l’héroïne dont le côté militant ne fait aucun doute, trois ans après la lutte menée par Simone Veil pour donner un cadre légal à l’interruption volontaire de grossesse.


 
Quelques jours avec moi (1988)

En 1988, Claude Sautet sort d’une nouvelle mauvaise passe. L’échec critique de Garçon ! en 1983 (qui réalise tout de même 1,5 million d’entrées...) l’a durablement affecté au point de ne plus tourner pendant cinq ans. Il amorce une révolution et change notamment de coscénariste (le fidèle Dabadie s’était déjà de lui-même retiré) et d’acteurs. Place à la nouvelle génération ! Jacques Fieschi, qui vient de coécrire Police pour Maurice Pialat, et Jérôme Tonnerre, qui travaille régulièrement avec Claude Lelouch, l’aident à adapter un roman de Jean-François Josselin qui suit le parcours d’un industriel dépressif (Daniel Auteuil) épris d’une provinciale (Sandrine Bonnaire). Le ton est noir, très noir, et déconcerte le public de Claude Sautet : Quelques jours avec moi est le seul film du réalisateur à ne pas atteindre le million d’entrées. Une nouvelle ère est lancée.


 
Nelly et Monsieur Arnaud (1995)

On l’a souvent écrit : le dernier film de Claude Sautet est une sorte de testament apocryphe dans lequel Michel Serrault joue un vieux bourgeois fatigué qui redécouvre soudain, mais trop tard, la joie de vivre au contact d’une jeune femme (Emmanuelle Béart) venue dactylographier ses mémoires. Déjà malade (il décédera cinq ans plus tard d’un cancer du foie), Claude Sautet imprègne cette histoire d’amour impossible d’une atmosphère funèbre alimentée par la sécheresse de sa mise en scène. Jusqu’au bout, le cinéaste sera resté ce peintre de la solitude humaine en butte à un monde et à une société en mouvement.