« BattleScar » : un court d’animation en VR à découvrir en ligne

« BattleScar » : un court d’animation en VR à découvrir en ligne

10 juin 2021
Création numérique
Battlescar Atlas V
Rencontre avec le producteur Arnaud Colinart, co-fondateur du studio de création de contenus immersifs Atlas V, autour du court métrage BattleScar, plongée en réalité virtuelle dans le New York punk de la fin des années 70. Une ode à l’underground, à la création, à l’émancipation et au multiculturalisme, primée au Festival international du film d’animation d’Annecy 2020, à découvrir sur cnc.fr.

Quelles ont été les grandes étapes du développement de BattleScar ?

La principale singularité de BattleScar sur le plan éditorial, c’est d’être un film d’animation en réalité virtuelle pour ados et adultes. On en a découvert un prototype au festival South by Southwest en 2016 et on s’est dit en le voyant que c’était l’occasion de faire une sorte de Reservoir Dogs de la réalité virtuelle. Quelque chose d’assez rentre-dedans, dynamique, très référencé, très écrit, avec beaucoup de musique. Quand j’ai rencontré les réalisateurs Nico Casavecchia et Martin Allais, ils avaient un script de long métrage, qu’on a ensuite réadapté en un format de trois épisodes d’une dizaine de minutes. Il y avait à l’époque assez peu de projets en réalité virtuelle proposant une telle maturité sur le plan de l’écriture.

Quand on parle VR, on parle immersion, expérience, mais Nico et Martin, eux, pensent d’abord à l’immersion dans l’histoire. Une immersion qui passe en premier lieu par le script et les dialogues.

Nous avons présenté ce projet au pôle web d’Arte, qui nous a suivis. Le premier des trois chapitres que compte BattleScar a ensuite été projeté à Sundance en 2017, puis nous avons été sélectionnés à Venise en 2019. BattleScar est l’un des projets VR qui est allé dans le plus de festivals. Près de 40 en tout dans le monde. Il est finalement sorti en début d’année sur Oculus Quest, la nouvelle plateforme d’Oculus. Avant cela, pendant six mois, nous avions redéveloppé le projet pour l’optimiser pour mobiles, retravaillant les effets spéciaux, les effets de lumière, etc.

D’où vient l’intérêt des deux réalisateurs pour la scène punk new-yorkaise des années 70 ?

Martin et Nico ont co-écrit BattleScar avec Mercedes Arturo. C’est un récit qui met en scène un personnage de première génération d’immigrés portoricains à New York. Ce sont des questions qui les intéressent car ils sont eux-mêmes d’origine argentine et sont venus s’installer aux Etats-Unis. Ils ont été très marqués par les récits d’immigration entendus au sein de leurs familles. Ils sont également fascinés par la vie artistique new-yorkaise et nourrissent une certaine nostalgie pour l’effervescence des années 70. Ce sont enfin de grands amateurs de musique. Tout ça a donné BattleScar, qui est très influencé, dans son esthétique et son énergie, par le livre de Patti Smith, Just Kids.

Le sous-titre de BattleScar, qui est aussi d’une certaine manière sa note d’intention « politique », c’est : « punk was invented by girls ». Le punk a été inventé par les filles…

BattleScar est avant tout un récit initiatique, une coming-of-age story comme on dit. C’est l’histoire de Lupe, qui s’affranchit de sa famille et rencontre Debbie, une jeune femme en marge du système qui gravite autour de la scène punk.

« Punk was invented by girls », c’est la revendication de cette liberté qu’elles sont en train d’essayer de conquérir en tant que jeunes femmes, à l’échelle musicale comme à l’échelle sociale. Elles ont pour marraine Elsa Stiletto – une chanteuse punk ayant réellement existé, d’ailleurs récemment décédée – qui va les aider à se révéler et à prendre en main leur destinée.

Comment la reconstitution du New York des seventies a-t-elle été travaillée ?

Il y a un mélange dans BattleScar entre un énorme travail de documentation et une recréation graphique plus stylisée. Pour chaque chapitre, Martin et Nicolas ont fabriqué de gros moodboards, en particulier pour les looks des personnages. De nombreuses photos d’archives ont été utilisées comme sources d’inspiration, par exemple pour les membres des Sinners, un gang bien réel, avec leurs grosses moustaches et leurs bandanas. Pareil pour les affiches, les graffitis, le métro… L’équipe de modeleurs et de modeleuses a recréé tout cet univers à partir des moodboards.

D’une certaine manière, BattleScar essaye d’adapter l’esthétique punk à la réalité virtuelle…

Oui. Le projet a eu beaucoup d’impact lors de sa présentation à Sundance, car on n’avait jamais vu un tel jeu sur les échelles dans le domaine de l’animation en réalité virtuelle. Il y avait eu Allumette, qui se déroule dans une maison de poupées, mais BattleScar va plus loin : on peut croiser des personnages tout petits et d’autres géants, on est parfois face à des maquettes, parfois complètement à 360°, il y a des changements d’angles, de perspectives, de tailles…  C’est un collage de plein de techniques différentes – un peu à l’image de l’esthétique punk, en effet. A Sundance, pardonnez-moi l’expression, les gens en ont pris plein la gueule ! Il y a un vrai rythme, très soutenu, ce qu’on voit assez peu en VR, qui est d’habitude plus un média d’immersion, où l’utilisateur doit s’adapter à l’environnement. Là, c’est l’inverse, c’est à prendre ou à laisser. Mais comme c’est très bien fait, les gens ne sont pas perdus, au contraire, et ils sortent de là avec une énergie incroyable !

La voix de Rosario Dawson y est sans doute aussi pour quelque chose…

Oui, il faut souligner la performance de Rosario Dawson, qui interprète dans la version anglaise tous les personnages, en plus de la narratrice. Elle est portoricaine, Nico et Martin ont écrit en pensant à elle. C’était vraiment exceptionnel de l’avoir dans cette aventure ! Pour la version française, nous avons travaillé avec une comédienne qui est aussi une musicienne, en la personne de Jenny Beth. On est très heureux que le film soit porté par ces deux talents.

BattleScar

3x10 minutes
Réalisation : Martin Allais et Nico Casavecchia
Scénario : Nico Casavecchia, d’après une histoire de Mercedes Arturo et Nico Casavecchia
Avec les voix de : Rosario Dawson, Jehnny Beth
Sur arte.tv, YouTube et Steam, et sur les plateformes Oculus Quest et Rift.