DirtyBiology, la chaîne qui vulgarise la science

DirtyBiology, la chaîne qui vulgarise la science

08 juin 2020
Création numérique
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Léo Grasset de DirtyBiology
Léo Grasset de DirtyBiology DR
Titulaire d'une licence de biologie ainsi que d'un master biologie écologie évolution - parcours Darwin, Léo Grasset décrypte sur Youtube des sujets scientifiques comme le cancer, le « paradoxe des drogues agréables », l’existence de la beauté absolue ou encore la surpopulation.  Sa chaîne ? DirtyBiology lancée avec son frère, Colas. Ce jeune scientifique, auteur de plusieurs livres, dont Le Coup de la girafe – Des savants dans la savane et DirtyBiology – La Grande Aventure du sexe, nous explique comment il vulgarise la science.

DirtyBiology était un blog au départ. Vulgarise-t-on la science de la même façon dans une vidéo et sur un blog ?

La transition entre le blog et la vidéo était logique : elle s’est faite à une époque où des contenus différents arrivaient sur YouTube et où l’intérêt des blogs et leur audience déclinaient. En termes de format, la vidéo permet de faire davantage de choses. Au départ, j’écrivais les scripts de la même façon que mes articles de blog, mais j’ai progressivement appris les codes propres à la vidéo. Il faut réussir à garder l’attention du public et faire attention à la mise en scène qui aide à vulgariser et qui peut transmettre un discours sans même utiliser des mots. Pour ma vidéo sur le deuil par exemple, le discours passait autant par le script que par le montage, l’ambiance et la musique.

Il y a des notes d’humour et des bruitages parfois « cartoon » dans certaines de vos vidéos. Ces éléments aident-ils à conserver l’attention du public ?

Au début de la vulgarisation sur YouTube, les créateurs avaient tendance à écrire leurs vidéos comme un simple texte, ce qui donnait un rendu « tête qui parle ». C’était une simple lecture d’un texte qu’on commente. La forme est ensuite devenue plus mature avec le montage et la mise en scène. Mais pour moi, il n’y a pas vraiment de « codes inhérents à YouTube » : il y a vraiment une diversité de vidéastes et de formes. L’originalité séduit, comme la vidéo de Bill Wurtz sur l’histoire du Japon qui a déjà fait plus de 56 millions de vues. J’essaie de me battre contre cette idée qu’il y a un code à suivre sur YouTube : ce n’est plus l’époque des vidéastes parlant devant un objectif à grand angle comme le faisaient Norman et Cyprien, il y a une diversité d’écriture.

 

Comment écrit-on quand on veut simplifier la science et la raconter au public ?

Tout dépend du sujet, mais il y a généralement plusieurs couches d’écriture. La première est purement pédagogique et peut se suffire à elle-même dans certains cas, comme pour ma vidéo sur la pandémie du coronavirus où il n’y a pas de mise en scène ou d’habillage. Parfois, on a envie de raconter une histoire autour du sujet, on retravaille donc le script pour rajouter du storytelling puis une ambiance et une mise en scène particulières.

Pour être intelligible, vous interdisez-vous des choses au moment de l’écriture?

Pour être honnête, pas grand-chose. Il m’arrive parfois de couper au montage certaines explications qui m’intéressent moi, mais pas forcément le public. Le montage est un vrai défi car il ne faut pas perdre l’attention des internautes. Il y a une part de public « actif » qui va regarder jusqu’au bout, et une autre partie qui a juste cliqué sur la miniature de la vidéo car elle lui plaisait. Il faut travailler pour ces deux types de public.

Ecrivez-vous seul ou faites-vous appel à des experts pour certains détails ?

Là aussi, les choses diffèrent selon le sujet. Pour les plus difficiles sur lesquels j’ai des doutes, je peux le faire relire. Et j’invite de plus en plus d’experts à venir s’exprimer. Pour ma vidéo sur le coronavirus, j’ai interviewé le biologiste Serge Morand qui a également relu le script de la vidéo avec un autre expert. Avec des centaines d’articles publiés par semaine sur la pandémie, ce sujet était difficile.

 

Relier des sujets à l’actualité (comme les tartines vegan dans votre vidéo sur l’avocat) ou à la pop culture aide-t-il à vulgariser ?

Je pense que oui, car ça permet au public de se raccrocher à ce qu’il connaît, à son quotidien. J’aime particulièrement parler de la biologie humaine, car nous oublions parfois que l’homme était au départ un animal qui a évolué. Ce sont des outils à utiliser, tout en évitant de tomber dans le travers d’en rajouter coûte que coûte. Il faut que ça reste naturel. Dans certains projets, ça peut être un ajout d’émotion. Vulgariser avec de l’émotion permet de montrer que la science et le domaine du sensible ne sont pas déconnectés : la science permet de mieux explorer le domaine des émotions.

 

Comment rajoutez-vous des émotions ?

En racontant des histoires émouvantes, en utilisant des œuvres qui touchent les gens. J’ai récemment fait une vidéo en Afghanistan sur l’empathie. J’ai essayé d’émouvoir le public à la fin avec une musique et des visages d’Afghans. Cette émotion-là permettait d’appuyer mon propos sur le fait que l’empathie peut émerger spontanément. Mais je n’ai pas une « boîte à outils » dans laquelle je vais piocher à chaque vidéo. Encore ne fois, tout dépend du projet. Pour ce sujet sur l’Afghanistan, il aurait été malvenu d’insérer beaucoup d’humour et des blagues.

 

La science est souvent une confrontation d’hypothèses. Comment choisir les informations à partager quand il existe différentes visions ?

C’est une épineuse question à laquelle la vulgarisation doit répondre. Mais tout le monde n’est pas d’accord sur le sujet. Personnellement, j’essaie pour les sujets très complexes de montrer l’état du consensus. Il est important que la vulgarisation scientifique fasse état des débats de ce domaine. A mon sens, une partie du travail de vulgarisation consiste à montrer comment se construit la science et pas seulement les résultats. Les vulgarisateurs sont des « portes » ouvrant sur un sujet.

Est-ce pour cela que chaque vidéo est accompagnée, en légende, d’un lien renvoyant vers un document rassemblant toutes vos sources ?

Oui, c’est ma vision de la vulgarisation. Etre une « porte d’entrée » n’a pas de sens si on ne propose rien derrière. Il faut donner au public la possibilité de pouvoir vérifier ce que j’ai retenu du sujet et de pouvoir compléter ces informations. La science n’est pas juste là pour apporter des connaissances mais pour changer aussi notre rapport au monde.