L’ingénieur en réalité virtuelle, un « créateur d’interactions »

L’ingénieur en réalité virtuelle, un « créateur d’interactions »

17 juin 2019
Création numérique
Présentation de
Présentation de "The Horrifically Real Virtuality" à la Mostra de Venise 2018 Jérémy Roux - DVgroup
Directeur du développement VR au sein de DVgroup, Olivier Nemoz revient pour le CNC sur ce métier récent aux multiples défis.

Offrir au public une vraie expérience immersive : telle est la mission de l’ingénieur en réalité virtuelle. « Son travail n’est pas différent de celui d’un développeur classique de jeux vidéo, précise Olivier Nemoz de DVgroup. Dans notre société, les ingénieurs en VR sont chargés de développer l’interaction de nos expériences tandis que le design et les graphismes sont faits avec des créateurs 3D. Ces derniers modélisent l’environnement et les ingénieurs en réalité virtuelle implémentent les différentes interactions à destination du public ». Se saisir d’un objet, jouer d’un instrument de musique ou interagir avec un personnage réalisé à partir de la capture de mouvement : voici quelques-unes des tâches réalisées par ces professionnels. « Ils doivent coder ce qui se passe dans l’aventure pour faire apparaître, par exemple, une console avec des boutons faisant de la musique ou pour transposer les animations de l’acteur en réalité virtuelle », détaille Olivier Nemoz.

S’ils ne conçoivent pas les graphismes ou le scénario d’une expérience VR, les ingénieurs spécialisés dans cette technologie doivent, par leurs compétences, permettre à l’utilisateur une immersion totale dans le monde virtuel en lui faisant ressentir notamment la sensation du toucher avec des appareils adaptés. « Chez DVgroup, nous utilisons principalement du matériel déjà existant. Mais il nous arrive de le modifier légèrement pour qu’il se raccorde avec nos expériences. Nous développons ainsi parfois, avec nos ingénieurs, des petits éléments électroniques ou des moteurs à ajouter au matériel dont nous disposons. Nous sommes une petite société, nous ne faisons pas de « Recherche & Développement » fondamentale : nous utilisons ce qui existe sur le marché et nous connectons les objets entre eux pour obtenir ce que nous voulons. Il faut couvrir de nombreuses choses qu’on ne fait pas forcément dans le jeu vidéo ».

Parmi les expériences nées grâce aux équipes de DVgroup figure Alice, The Virtual Reality Play de Mathias Chelebourg. Pour cette création, les ingénieurs en réalité virtuelle et le réalisateur ont travaillé pour rendre le monde virtuel encore plus immersif. « Il y a, à un moment, un trou par lequel nous pouvons voir la pièce d’à côté. Nous avons mis de la fausse herbe au bon endroit pour rendre l’expérience réaliste. Il est également possible de déplacer des objets dans le monde réel et de les voir bouger en 3D, grâce à des capteurs positionnés sur eux. Les personnes ont ainsi vraiment l’impression de l’attraper dans le monde virtuel. Certaines de nos expériences rassemblent à la fois des personnes avec un casque sur la tête et un acteur en tenue de motion capture qui interagit avec elles. Dans les casques, il apparaît sous la forme d’un lapin dans Alice. »

Un métier entre créativité et technique

Etre à l’aise dans la partie technique et informatique du métier ne suffit pas pour devenir ingénieur en réalité virtuelle. Ces professionnels doivent faire preuve d’une grande créativité et de beaucoup de curiosité. « Ces technologies évoluent beaucoup. C’est un terrain nouveau où il ne faut pas hésiter à essayer de nouvelles choses aussi bien techniquement que pour les interactions. En réalité, les standards d’interaction ne sont pas encore écrits, contrairement au cinéma où on sait comment raconter une histoire. Dans notre domaine, rien n’est encore écrit, tout est à découvrir », souligne Olivier Nemoz.

« Les ingénieurs doivent donc être ouverts d’esprit et apporter des idées de réalisation technique pour toutes les nouvelles formes d’interaction. Il faut également être capable d’anticiper le rendu des éléments interactifs d’un monde virtuel. Nos expériences sont souvent multi-utilisateurs : plusieurs personnes sont donc présentes en même temps dans la VR. Nous ne sommes pas forcément dans ces conditions-là lors du développement : il faut pouvoir imaginer ce que donnera l’expérience avec dix utilisateurs », poursuit le directeur de développement VR qui souligne que plus les ingénieurs interviennent tôt dans un projet, moins la réalisation pose problème. « Techniquement, nous ne pouvons pas tout faire. Il faut parfois canaliser un peu les créatifs pour ne pas à avoir à résoudre des problèmes techniques impossible à régler ».

Quel parcours ?

Si Olivier Nemoz occupe aujourd’hui un poste de direction au sein de DVgroup, il a commencé sa carrière comme ingénieur dans le jeu vidéo avant de travailler dans le domaine de la Recherche et du Développement. Se tourner vers la VR était « une évolution naturelle du métier » selon lui. « Les jeux devenaient de plus en plus réalistes : la réalité virtuelle est un niveau supplémentaire de réalisme ». De nombreux ingénieurs en réalité virtuelle viennent, comme lui, de l’industrie vidéoludique. D’autres arrivent du milieu du cinéma utilisant lui aussi la motion capture, tandis que certains professionnels ont suivi un parcours traditionnel d’ingénieur. « Nous couvrons un peu tous les profils », précise Olivier Nemoz.

Côté salaires, les ingénieurs en réalité virtuelle sont dans « la même grille que le jeu vidéo ou la simulation. La démocratisation de la VR n’a rien changé de ce côté-là. Ce n’est pas un milieu avec un marché de l’emploi surchargé. Il existe une forte demande de personnes qualifiées ».