Mister Geopolitix, entre reportages et immersion

Mister Geopolitix, entre reportages et immersion

31 août 2020
Création numérique
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Vidéo Charles de Gaulle Immersion au sein du groupe aéronaval!
Vidéo Charles de Gaulle Immersion au sein du groupe aéronaval! Mister Geopolitix/DR
Depuis 2016, Gildas Leprince, alias Mister Geopolitix, ambitionne de « faire découvrir et comprendre le monde » à travers des vidéos postées sur YouTube. Et pas que. Présent aussi sur les réseaux sociaux, il a sorti un livre et prête son image à une plateforme de documentaires géopolitiques dont il choisit le contenu. Rencontre avec un vidéaste qui vulgarise des thématiques telles que les camps illégaux dans la jungle, les migrations, le narcotrafic, le terrorisme, la Légion étrangère ou la corruption.

D’où vient votre intérêt pour la géopolitique ?

Gildas Leprince, créateur de la chaîne Mister Geopolitix DR

En voyageant, je me suis confronté à des choses différentes qui m’ont questionné. J’ai choisi de prendre de l’ampleur et d’y répondre. Ce qui m’amène aujourd’hui à m’intéresser à des thématiques différentes de celles visibles habituellement en voyage, comme les bidonvilles ou le narcotrafic, et qui ne sont pas toujours recommandées dans les guides (rires). Ma chaîne est ainsi née d’une quête profonde de compréhension et de sens, d’abord personnelle. Mais je ne voulais pas comprendre quelque chose sans pouvoir moi-même arriver à l’expliquer.

Votre déclic pour la géopolitique est-il lié à un pays en particulier ?

Le Mexique où j’ai passé deux ans pour mes études. Ce pays est confronté à des défis qui ne sont pas présents en Europe et qui m’ont beaucoup touché.
Le trafic et la pauvreté étaient évoqués lors des cours théoriques que je suivais et je voyais cette même pauvreté les week-ends, lorsque je voyageais. En allant sur le terrain, j’arrivais à illustrer ce que j’avais appris.

Est-ce votre désir de « comprendre pour pouvoir l’expliquer » qui vous a poussé à créer votre chaîne Mister Geopolitix ?

A la fin de mes études, j’ai passé 9 mois à faire le tour de la Méditerranée ; un voyage financé grâce à des petits boulots et une campagne de financement participatif. C’est l’une des régions les plus touristiques au monde et je voulais comprendre, en prenant beaucoup de recul, l’impact du tourisme sur l’environnement, les conflits, la pauvreté… Je faisais de la vidéo, par plaisir, au Mexique et YouTube était une plateforme où il y avait de l’audience. Si ça avait été l’époque des podcasts, j’aurais pu choisir cette forme.

En lançant votre chaîne, vous êtes-vous inspiré d’autres vidéastes ?

Oui, de créateurs comme Nota Bene ou Cyrus North qui sont des vulgarisateurs traitant de sujets théoriques d’une manière fun et agréable à regarder. Les deux premières années, j’ai essayé de leur ressembler puis je me suis rendu compte qu’en faisant du terrain, je me rapprochais du travail des reporters. Je crois qu’au fond de moi, j’avais envie dès le début de proposer de tels contenus. Mais pour des raisons financières, je faisais tout depuis Paris en utilisant des images prises lors de mes différents voyages et qui n’avaient pas été totalement exploitées avant.

Comment choisissez-vous vos sujets ?

C’est un mélange entre mes envies, celles des internautes et des opportunités que je peux avoir comme c’était le cas pour le narcotrafic. Certains sujets me semblent également importants à un instant T.

 

Qu’est-ce qui vous a permis de réaliser le sujet sur le narcotrafic ?

A l’époque j’étais au Mexique pour réaliser des sujets sur les migrations grâce à l’aide CNC/Talent. Charles Villa, un de mes amis qui est reporter pour Brut, m’a contacté et m’a dit qu’il arrivait au Mexique la semaine suivante avec une liste de contacts. « Je sais que ce sujet t’intéresse. Tu parles espagnol et tu peux m’aider à cadrer. Est-ce que ça t’intéresse ? », a-t-il ajouté. Il m’a donné les accès pour filmer ce que je voulais tout en prenant soin de ne pas réaliser des vidéos qui chevaucheraient ses propres contenus dans lesquels je n’apparaissais pas. Je n’ai pas non plus été rémunéré. Mais c’était l’opportunité d’une vie.

Récemment, vous avez eu accès à un autre endroit assez fermé : le porte-avions Charles de Gaulle.

J’avais déjà fait plusieurs partenariats – jamais rémunérés - avec la Marine, notamment en Guyane. En géopolitique, il faut traiter des sujets délicats et il est plus facile d’accéder à certains lieux lorsqu’on accompagne l’armée. Elle m’ouvre des portes et me prend en charge mais elle n’a jamais eu un droit de regard sur mes vidéos. Les autorités militaires ont seulement visionné en amont de leur publication les images du Charles de Gaulle pour flouter des écrans et des personnes qui ne pouvaient être montrées. L’Armée, qui doit beaucoup recruter, a compris qu’il y avait de l’audience sur YouTube. Elle fait ainsi des propositions différentes pour chaque créateur, selon son style : un angle sport pour Tibo InShape, de la géopolitique pour moi afin d’aborder des questions que devront traiter plus tard les futurs cadres militaires…

Comment vulgarise-t-on de tels sujets, pas toujours faciles à appréhender pour le public ?

J’essaie de suivre l’exemple de Cyrus North qui a réussi à rendre accessibles des concepts philosophiques dans lesquels on peut se perdre. Avant de me précipiter dans les détails, je pense à mon objectif final. Après le premier jet d’écriture, j’affine pour donner la profondeur que je souhaite et pour alléger un peu le propos car j’ai tendance à vouloir mettre trop de choses dans le texte. Je réalise des vidéos qui font entre 20 et 30 minutes, ce qui est très long pour YouTube qui est une plateforme favorisant les vidéos courtes. Avec le format choisi, j’ai l’avantage de pouvoir traiter un sujet dans sa globalité. Mais la longueur des vidéos m’handicape pour les statistiques et la durée de visionnage. Mes ratios sont donc moins bons que des personnes qui synthétisent davantage des sujets plus précis pouvant être exploités en moins de 10 minutes.

 

Vous intégrez de nombreuses images et infographies dans vos vidéos. Est-ce pour alléger encore davantage ?

Oui, un schéma bien fait peut donner plus d’informations qu’une personne parlant pendant 20 minutes. Lorsque j’ai commencé Mister Geopolitix, même les employés de YouTube nous disaient que dépasser 3 minutes pour une vidéo était compliqué. J’ai donc cherché à rendre mes vidéos dynamiques pour diminuer l’aspect rébarbatif de certains contenus.

Faites-vous appel à des experts pour l’écriture ?

Tout dépend des formats des vidéos. L’un d’eux s’appelle « Dans la peau de » et consiste uniquement en une interview. Je fais seulement une introduction contextualisant la fonction de la personne ou la thématique, et les questions sont posées par mes abonnés.

Le but est de donner la parole à des personnes (humanitaires, espions, militaires,…) qui humanisent les grands sujets de géopolitique. J’aimerais beaucoup interroger, dans ce cadre-là, un ambassadeur pour parler des relations internationales et de la diplomatie.

Depuis octobre 2019, une plateforme VàD de documentaires géopolitiques porte votre nom. Comment s’est fait ce projet ?

J’ai été contacté par ALCHIMIE, une agence qui achète les droits de documentaires pour les proposer ensuite à des plateformes VàD. Elle cherchait une nouvelle stratégie de diffusion afin de renouveler le public de ses films. Elle s’est donc tournée vers les vidéastes. Au départ, il ne s’agissait que de contenus militaires mais nous sommes allés plus loin lorsque l’audience a bien marché. Ils m’ont créé une page dédiée et essayent de renouveler les reportages en fonction des vidéos que je publie sur YouTube. Ils ont ainsi mis en place une sélection autour du narcotrafic lorsque j’ai mis en ligne mon reportage au Mexique. Je choisis également des reportages dans leur catalogue. Ce projet me plaisait car je n’ai pas le même mode de production que certains vidéastes publiant deux contenus par semaine. J’ai essayé de suivre ce rythme il y a trois ans et de publier plus rapidement, mais je survolais les sujets et je n’étais pas convaincu par le résultat. Mes abonnés non plus. En plus de me garantir un revenu régulier, cette plateforme permet d’aller plus loin en respectant mon ADN.