Retour sur la création du Royaume d’Istyald, le premier jeu vidéo de la BnF

Retour sur la création du Royaume d’Istyald, le premier jeu vidéo de la BnF

07 février 2020
Jeu vidéo
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Le Royaume d’Istyald
Le Royaume d’Istyald Anato Finnstark- BNF
Petite révolution à la Bibliothèque nationale de France. Cette vénérable institution a développé son premier jeu vidéo maison. Disponible sur le site officiel de la Bibliothèque, Le Royaume d’Istyald se présente comme une porte d’entrée vers un site beaucoup plus large consacré à la fantasy (genre qui a depuis longtemps dépassé les frontières de la littérature) et à l’exposition Tolkien qui durera jusqu’au 16 février. Yannis Koikas, chef des éditions multimédias de la BnF, nous en dit plus sur ce projet.

À quel point ce jeu vidéo est-il lié à l’exposition Tolkien, voyage en Terre du Milieu ?

Nous faisons vraiment la distinction entre l'exposition et le jeu vidéo. L’objectif du service des éditions multimédias est d'élargir un peu les sujets des expositions, et de les replacer dans des contextes plus larges, à la fois pour le grand public et pour le public plus pointu. Évidemment, Tolkien est la grande figure de la fantasy, l’auteur qui lui a donné ses lettres de noblesse. Alors on a imaginé un site sur la fantasy qui englobait Tolkien, mais qui nous permettait également de parler d'autres grands auteurs du genre.

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L’idée du jeu vidéo est donc venue dans la foulée ?

Oui. Car si la fantasy est au départ un genre littéraire, elle s’est progressivement - notamment au moment de son passage de l’autre côté de l'Atlantique avec l’émergence de l’heroic fantasy - développée sur d'autres médias. La preuve : les Beatles avaient demandé à Tolkien les droits pour pouvoir reproduire son œuvre à l'écran. Et pendant Woodstock, les étudiants ont utilisé l'œuvre de Tolkien comme un manifeste du flower power. Progressivement, ses livres ont touché tous les genres et tous les médias : les jeux vidéo, les séries télé, le cinéma, la bande dessinée... Et comme le jeu vidéo est aujourd'hui un vivier majeur de la fantasy, le média qui produit le plus d’images, on s'est dit qu’on pourrait faire découvrir cet univers à un public un petit peu plus jeune grâce à un jeu.

Le Royaume d’Istyald fonctionne comme une porte d’entrée vers des ressources pédagogiques sur la fantasy. Comment avez-vous imaginé le dialogue entre le site et le jeu ?

Nous étions déjà en contact avec le game designer Florent Maurin et nous avions envie d'inventer une histoire, tout en commandant à un illustrateur, Anato Finnstark, des illustrations originales. Progressivement, ces dessins ont été intégrés dans le jeu, mais il nous semblait important de proposer également un site sur le patrimoine de la fantasy. Nous voulions montrer des œuvres fondamentales, qui peuvent surprendre le jeune public et les consommateurs de fantasy. La fantasy ayant largement évolué, il fallait les amener à ces œuvres fondatrices en prenant un chemin ludique. D’où le jeu. Nous sommes également l’un des plus gros prescripteurs de France au niveau des ressources données à l'Education nationale. Nous avions des retours d'instituteurs qui nous disaient que leurs élèves lisent de la fantasy, mais qu'ils n'ont pas de supports pour l'enseigner. En leur proposant un jeu d'exploration et des parcours pédagogiques, nous allions les accrocher. Comme je vous le disais, le but a toujours été de les attirer avec le jeu pour les amener ensuite dans la partie « comprendre » du site afin d’approfondir leurs connaissances. Qu'ils voient que la fantasy qu'ils manient tous les jours et qu'ils pensent moderne, est en fait très ancienne.

 

Quels angles abordez-vous sur le site et dans le jeu ?

La grande question était : en quoi la fantasy exprime les tensions et les mouvements sociaux actuels ? Cela passe par trois choses : la représentation du statut de la femme ; le rapport à l’écologie, très important dans la fantasy puisque quand Tolkien raconte comment il voit la Comté, il parle en fait de sa nostalgie pour l'Angleterre avant la période industrielle et la Première Guerre mondiale qui ont tout détruit ; et enfin l’aspect religieux, qui infuse également dans l’œuvre de Tolkien, qui voulait proposer aux Anglais et à l'Europe une mythologie qui soit l'égale de celle de la mythologie gréco-romaine.

Comment le développement du jeu en lui-même s’est-il passé ?

On a lancé ce projet en février dernier. Ça a été intense (Rires.) Il s’agissait d’une discussion à quatre entre le scénariste Florent Maurin et l'illustrateur Anato Finnstark, la maître de conférences Anne Besson qui s’occupait de la partie scientifique, et moi-même. Ce dialogue nous a permis de façonner cet univers en utilisant les grands standards de la fantasy pour que les gens s'y retrouvent. Dans un deuxième temps, nous avons fait appel à Andrea Perugini, designer sonore. On a pensé que la fantasy était aussi un univers musical, et on a créé la musique en fonction des différents décors.

 

Le choix de faire le jeu en HTML 5, donc de le rendre accessible directement sur un site, plutôt qu'une appli, c’est pour le mettre à disposition du corps enseignant plus facilement ?

Oui, car l’accès aux stores est très difficile en classe, il faut avoir le matériel adéquat. D'autre part, le HTML en responsive permettait que Le Royaume d’Istyald soit également accessible sur smartphones, et en même temps d'intégrer pleinement le jeu au site.

Comment avez-vous géré la difficulté du jeu ?

Vous mettez le doigt sur un point important. On en a beaucoup parlé avec Florent et il a insisté là-dessus : il ne souhaitait pas que le jeu soit trop dur, trop discriminant. Il voulait que les joueurs puissent facilement explorer et être séduits par ce genre. L’objectif était que les gens aillent ensuite prolonger leur expérience dans les autres parties du site, qu'ils ne restent pas coincés sur un jeu extrêmement compliqué. Il fallait qu'ils comprennent les codes de la fantasy, faits de magiciens, de trolls ou de sorcières, avant de l'aborder de manière plus intellectuelle.