Six questions à Capital Games sur la place de la France dans le monde du jeu vidéo

Six questions à Capital Games sur la place de la France dans le monde du jeu vidéo

30 octobre 2019
Jeu vidéo
Jeux made in France
Jeux made in France Capital Games
Depuis maintenant sept ans, un stand Made in France investit la Paris Games Week et attire de plus en plus de joueurs curieux. « Le but est présenter les plus grands titres français, les jeux qui ont des succès mondiaux mais aussi les plus petits studios, au sein d'un espace dédié », explique Cyrille Imbert, président de Capital Games, association regroupant de nombreux acteurs du jeu vidéo sur Paris et l’Île-de-France. Mais quelle est vraiment la place du jeu vidéo français dans le monde vidéoludique ?

La France semble de plus en plus en vue dans le secteur des jeux vidéo. De nombreux titres à succès de ces dernières années ont été développés dans l’Hexagone.

C’est évidemment en partie lié à Ubisoft, qui est certainement la société la plus importante dans le parc du jeu vidéo français et qui a le plus de rayonnement international. Mais au-delà de ça, on remarque qu'il y a une certaine spécificité française dans le jeu vidéo : nous sommes un pays qui accorde une place importante à la culture dans son ensemble. Les gens vont encore au théâtre et la culture historique est très forte, donc ça a forcément une influence sur la créativité et la façon dont on va traiter différents sujets. On conçoit différemment, avec des jeux qui ont peut-être plus de sens et un côté artistique plus développé. Et cette originalité plaît beaucoup à l'international. Le jeu vidéo français progresse très bien et des entreprises locales ont réussi à percer à très haute échelle, au-delà d'Ubisoft. C'est très plaisant à constater.

La force de la France est donc sa vision artistique ?

C'est vraiment l'angle d'approche du thème qui fait la différence. Et la profondeur : en France, on aime bien les choses qui ont du sens. J'ai l'impression que dans le jeu vidéo français, on veut des choses qui ne sont pas uniquement superficielles. Et puis nous avons d'excellentes écoles d'art et d’animation, ce qui permet de développer une « patte » graphique. Mais beaucoup de talents français ont quitté le territoire ces dernières années, à cause de la concurrence internationale très forte avec des pays comme le Canada. Ils proposent aux entreprises des aides assez conséquentes, et donc peuvent très bien payer leurs employés. Heureusement, certains Français sont revenus et des aides ont été mises en place, notamment avec le CNC, qui ont permis de redresser un peu la barre et de faire rester ces gens. La qualité de nos jeux et leur rayonnement international s'en voit amélioré.

Le jeu indépendant prend depuis quelques années une importance inédite grâce au dématérialisé. Est-ce aussi là que la France tire son épingle du jeu ?

Tout à fait. C'est un phénomène mondial mais il est vrai qu'on a eu des créations indépendantes françaises au succès retentissant ces dernières années. Je pense notamment à Dead Cells, fait par une petite équipe à Bordeaux, qui a été un carton mondial. Cela ouvre la porte à une créativité indépendante, qui laisse plus de place à l'inventivité par rapport à ce qu'on peut voir dans les grands blockbusters. C'est notre force : avec de petites équipes, on peut faire des choses qui peuvent avoir un retentissement international. Et Capital Games accompagne cette dynamique.

 

Où en est la France du côté des blockbusters, les jeux « AAA » comme on les appelle ?

Pour les « AAA » au sens propre du terme, c'est compliqué. Cela demande de très, très, très grosses équipes et des budgets qui se comptent en plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros. Les studios qui ont ces moyens ne courent pas les rues ! En revanche, du côté du « AA » (au budget un peu moins élevé qu’un blockbuster, ndlr), on commence à voir l'émergence de studios français extrêmement talentueux, qui rencontrent le succès. Par exemple GreedFall, qui est sorti dernièrement, est un « AA » avec une originalité assez probante par rapport à d'autres disponibles sur le marché. Cette évolution est aussi liée à une question de moyens, car il y a dix ans il était impossible de faire des jeux de cette taille avec une petite équipe, ou des budgets plus restreints que ceux d'Ubisoft ou d'Activision. Aujourd’hui, grâce à la technologie et à la démocratisation des outils, il est plus simple de faire des jeux de qualité à cette échelle. Du coup, cela donne confiance à beaucoup de studios en France pour se lancer là-dedans.

Le système de jeux vidéo par abonnement se développe, qu’il soit en streaming ou en téléchargement. La France parvient à s’adapter à ce changement ?

Totalement. Ce qui est assez génial avec l'industrie du jeu vidéo, c'est qu'elle est complètement internationalisée. Peu importe d'où on vient, dès qu'on travaille depuis un moment dans le jeu vidéo et qu'on fait des projets régulièrement, on s’adapte. C'est un secteur qui change extrêmement rapidement, et cela peut être une grande qualité comme une contrainte. La façon de consommer, de jouer, les attentes, les populations... Tout bouge très vite. Mais les entreprises françaises sont très attentives.

Vous constatez que de plus en plus de gens viennent sur le stand Made in France à la Paris Games Week ?

On sent une évolution sur l'intérêt global pour le jeu vidéo et évidemment sur les jeux français, notamment sur le stand Made in France. Durant les premières éditions, on était un peu isolé, peut-être un peu moins bien rôdé. Les gens n'y allaient pas forcément en se demandant si ça valait le coup. Mais aujourd’hui, les stands sont vraiment attrayants et il y a énormément de jeux. C’est une belle vitrine qui permet au public français de reconnaître ces titres et d'en tirer une certaine fierté. Il y a une évolution très positive.

La Paris Games Week 2019 a lieu du 30 octobre au 3 novembre