Ciné Sens : des outils pour aborder la question de l’accessibilité au cinéma

Ciné Sens : des outils pour aborder la question de l’accessibilité au cinéma

04 septembre 2023
Professionnels
Ciné Sens
L'association œuvre à développer l’accessibilité en salles aux porteurs de déficiences sensorielles Ciné Sens

Lauréate en juillet 2023 de la deuxième édition des « Uns et les autres », un appel à projets lancé par le CNC en faveur de l’emploi et l’inclusion des personnes en situation de handicap, l’association Ciné Sens propose de former des formateurs à l’accessibilité du cinéma en salles. Mêlant des personnes en situation de handicap sensoriel et des professionnels du cinéma, la formation a pour vocation de proposer des outils pour aborder au mieux la question de l‘accessibilité et de multiplier la capacité d’intervention sur ce sujet. Décryptage en compagnie de Cécile Dumas, déléguée générale de Ciné Sens.


Comment est née l’association Ciné Sens ?

Cécile Dumas : C’est au cours de mon parcours comme exploitante de cinéma à Lyon que j’ai fait la rencontre de Grégory Faes, directeur général d’Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma. La loi handicap arrivant à échéance en 2015, nous avions tous les deux fait le constat qu’il y avait un angle intéressant à développer autour de la question de l’accessibilité au cinéma. Nous avons ainsi créé l’association Ciné Sens en 2013. Grégory Faes en est le président et j’en suis la déléguée générale. Nos parcours respectifs dans le secteur du cinéma nous permettent de sensibiliser, de mobiliser et d’accompagner les professionnels de la filière. Ciné Sens souhaite créer des passerelles entre les spectateurs en situation de handicap sensoriel, la sphère associative qui les accompagne et les soutient, ainsi que les professionnels du cinéma. Pour cela, nous relayons des évènements, des initiatives et des films accessibles aux sourds et aux malentendants ainsi qu’aux aveugles et aux malvoyants. L’association vise aussi à développer des actions s’appuyant sur le partage d’expériences et sur la sensibilisation. Ce qui est intéressant c’est que nous avons à la fois une action de terrain avec les professionnels de la métropole et des actions à l’échelle nationale.

Quel rôle le CNC a-t-il joué pour Ciné Sens ?

Le CNC est arrivé assez vite dans la vie de Ciné Sens en nous soutenant par le biais d’une subvention issue du département des publics. Par ailleurs, nous essayons de suivre de près les différents objectifs fixés par le CNC en matière d’accessibilité au cinéma pour les personnes en situation de handicap sensoriel et de relayer sur notre site l’ensemble des initiatives mises en place par le CNC sur ce sujet. Enfin, Ciné Sens fait partie de l’observatoire de l’accessibilité créé par le CNC. Dans le cadre de cet observatoire, nous sommes réunis deux fois par an avec l’ensemble des acteurs de la filière (associations de personnes en situation de handicap, production, distribution, salles, télévisions, plateformes, prestataires techniques, audio-descripteurs, sous-titreurs…) pour mettre en place des projets et dresser un état des lieux du secteur en matière d’accessibilité.

Pourquoi avoir choisi de vous focaliser sur le handicap sensoriel ?

Au moment où nous avons créé Ciné Sens, la question de l’accessibilité au cinéma pour les personnes en situation de handicap sensoriel était un sujet d’actualité. En effet, la conjonction de l’avènement du numérique et de l’arrivée à échéance de la loi handicap posait plus particulièrement la question de l’accessibilité des personnes en situation de handicap dans les cinémas. L’accessibilité ne se réduit plus au simple cadre bâti et à l’accessibilité aux lieux pour les personnes à mobilité réduite. La loi demande aussi l’accessibilité des services et le numérique offre des solutions. Le sujet s’est ainsi élargi aux films et à la manière d’adapter ces contenus à des personnes sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes. À cette époque, il s’agissait d’un nouveau champ en matière d’accessibilité qui s’ouvrait aux professionnels et face auquel ils étaient moins habitués. C’est avant tout pour cela que nous avons décidé de développer l’association. Afin de donner aux professionnels des clés et des outils sur ce sujet.

Ciné Sens souhaite créer des passerelles entre les spectateurs en situation de handicap sensoriel, la sphère associative qui les accompagne et les soutient, ainsi que les professionnels du cinéma.

Pouvez-vous revenir sur le projet pour lequel vous avez été lauréat des « Uns et les autres » ?

Nous avions en tête de mettre en place une formation de formateurs à l’accessibilité en salles des personnes en situation de handicap sensoriel. En effet, lors de nos différentes actions menées sur le terrain, nous avons été amenés à réunir des personnes de la filière du cinéma (distributeur, auteur, producteur, exploitants, organisations, associations…) et des personnes en situation de handicaps sensoriels intéressées par le cinéma et la question de l'accessibilité. Nous nous sommes rendu compte qu’en amenant les professionnels à échanger sur ces questions d’accessibilité avec des spectateurs en situation de handicap, les discussions étaient constructives. Ce projet synthétisait donc un certain nombre de nos actions et expériences menées dans le cadre de Ciné Sens sans que nous sachions comment le mettre en œuvre. C’est à l’occasion d’un événement au CNC que j’ai pris connaissance de l’appel à projets « Les Uns et les autres ». Nous y avons participé et remporté l’appel à projets. Durant les six prochains mois, nous rentrons dans la phase de conception de la formation. Cette phase s’appuiera sur des consultations d’experts et de partenaires spécialisés dans la conception de formation. Nous nous appuierons sur l’expertise du pôle Pixel qui est organisme de formation ou de l’Agefiph pour l’adaptation de la formation aux personnes en situation de handicap. Concrètement, ce projet vise à constituer des groupes de 10 à 12 membres intégrant des personnes en situation de handicap et des professionnels du cinéma. Après cinq à dix jours d’échange et de formation, ces intervenants pourront ensuite proposer et animer à leur tour des actions de sensibilisation à destination des professionnels du secteur. Trois sessions d’accompagnement seront proposées ensuite par le Pôle Pixel à Lyon pour que les formateurs proposent leurs actions de sensibilisation. Les formations débuteront à partir du deuxième trimestre 2024.

Rencontres organisées à l'Unadev de Lyon avec des spectateurs déficients visuels Ciné Sens

Quelles sont vos attentes avec ce projet ?

Tout d’abord, pouvoir réfléchir et échanger sur cette question d’accessibilité avec différents profils de personnes. Que ce soit durant la phase de conception et de consultation avec nos différents partenaires et experts ou pendant les formations elles-mêmes, nous souhaitons multiplier les perspectives sur ce sujet. Par ailleurs, ce qui est essentiel pour nous c’est que les personnes formées s’emparent du sujet et se l’approprient. Avec ce projet, Ciné Sens propose des outils et des clés pour aborder la question de l’accessibilité mais nous souhaitons avant tout que le projet évolue avec le temps. Notre objectif est aussi de multiplier la capacité d’intervention sur ce sujet car tous les cinémas en tant qu’ERP (Établissement Recevant du Public) ont une obligation de formation sur l’accessibilité en salles. Il est donc nécessaire de former des personnes pour dispenser ces formations. À long terme, nous souhaitons pouvoir poursuivre ces formations dans les années à venir au Pôle Pixel à Lyon et à l’échelle nationale.

Quel constat dressez-vous sur l’accessibilité et l’inclusion des personnes en situation de handicaps dans le secteur cinématographique ?

Une bonne partie du chemin a été faite en ce qui concerne l’accessibilité et l’inclusion des personnes en situation de handicap en tant que public, qu’il s’agisse du travail quotidien fourni par les cinémas, les distributeurs et les producteurs qui réalisent des versions adaptées. Il y a également toutes les initiatives proposées par des festivals comme le Festival la Rochelle cinéma (FEMA) et le Festival d’animation d’Annecy en faveur de l’inclusion et de l’accessibilité de ces personnes dans le secteur. Cependant, la question qui persiste est de savoir si tout ce qui est mis en place est intégré dans la norme et si cela est mené de manière qualitative. Il reste encore beaucoup de travail à fournir en ce qui concerne l’inclusion des personnes en situation de handicap en tant que professionnels dans le secteur cinématographique et en ce qui concerne l’accessibilité aux outils de communications (outils numériques).