Prix Ecoprod 2025 : l’écologie, un « engagement historique des frères Dardenne »

Prix Ecoprod 2025 : l’écologie, un « engagement historique des frères Dardenne »

Jeunes mères
Le tournage de "Jeunes mères" s’est déroulé dans une maison maternelle, près de Liège en Belgique Christine Plenus

En lice pour la Palme d’or, Jeunes mères de Jean-Pierre et Luc Dardenne a reçu, vendredi 16 mai à Cannes, le Prix Ecoprod, qui récompense un long métrage en sélection produit de manière éco-responsable. Son coproducteur français, Denis Freyd (Archipel 35), revient sur les mesures spécifiques prises sur ce film.


Quelles actions éco-responsables ont été mises en place sur la production de Jeunes mères ?

Denis Freyd : Jean-Pierre et Luc Dardenne sont engagés depuis longtemps sur les questions d’écologie via notamment Les Films du Fleuve, leur société de production, avec qui a été coproduit Jeunes mères sous la direction de Delphine Tomson. Dans le cas précis de ce long métrage, deux membres de leur équipe ont supervisé la politique éco-responsable du film. Ils ont été formés bien avant sur ces sujets par Carbone 4, cabinet spécialisé dans la transition écologique et énergétique. Les frères Dardenne ancrent leur récit en Belgique dans une maison maternelle qui accueille des jeunes femmes en difficulté et leurs enfants. Ils ont obtenu l’autorisation de tourner dans une de ces structures. Ils l’ont réaménagée, ce qui a permis de réduire l’impact environnemental de la construction des décors. Par ailleurs, Igor Gabriel, le chef décorateur du film, qui travaille de longue date avec le duo, a réutilisé de nombreux matériaux, meubles et accessoires. Or, souvent au cinéma, ces éléments sont détruits à la fin d’un tournage. Jean-Pierre et Luc Dardenne ont aussi fait le choix artistique et éco-responsable de recourir le moins possible à la lumière artificielle. Aucun groupe électrogène n’a donc été utilisé. La post-production de Jeunes mères a de son côté été effectuée en France en collaboration avec MPC Mikros. Cette société qui s’occupe du montage et des effets visuels s’est alimentée en énergie 100% verte auprès de Total Énergies. Enfin, nous avons également recyclé et optimisé les disques durs pour en limiter le nombre.

Avez-vous réalisé des efforts de développement durable sur d’autres postes ?

Toute l’équipe de Jeunes mères a surveillé son impact environnemental. Un film français génère en moyenne 750 tonnes de CO2 équivalent carbone [chiffre issu d'un rapport du think tank The Shift Project, NDLR]. Or, le bilan carbone de Jeunes mères a été estimé à 122 tonnes. Pour cela, nous avons été particulièrement attentifs aux questions de logistique, d’hébergement, de transport et de régie. Ces secteurs représentent en effet la majorité des émissions de gaz à effet de serre dans le milieu du cinéma. Les frères Dardenne ont ainsi installé leurs bureaux de production au Pôle Image de Liège, en Belgique, un cluster d’entreprises en partie alimenté par l’énergie verte. Ils ont également logé les comédiens et les techniciens près de la gare de Liège. Les équipes ont rejoint les lieux de tournage en mini-vans afin de réduire le nombre de véhicules. Les déplacements entre la Belgique et la France ont également tous été réalisés en train. Nous avons eu aussi recours à une cantine locale et durable, avec au menu trois repas végétariens par semaine. Et comme à notre habitude, nous nous sommes servis de vaisselle réutilisable et avons trié les déchets.

À quand remonte votre rencontre avec les frères Dardenne ?

J’ai rencontré Jean-Pierre et Luc Dardenne à la fin des années 1970 grâce à Armand Gatti, journaliste et écrivain impliqué dans les questions sociales et politiques. Ces sujets nous ont rapprochés. Chacun de notre côté, nous avons réalisé de nombreux documentaires et vidéos militantes avant de nous retrouver en 2000 pour coproduire ensemble Le Fils. Les frères Dardenne possèdent un sens aigu de l’intérêt général et de l’écologie. Un état d’esprit qui nourrit la ligne éditoriale des Films du fleuve. Je n’ai pas été engagé sur ces thématiques avec autant de volontarisme et de rigueur qu’eux au cours de ma carrière à Archipel 35. Mais nous apprenons en avançant. Dans notre secteur, la jeune génération de cinéastes, producteurs et techniciens est très sensible aux questions d’éco-production. Prendre en compte le changement climatique dans leur manière de travailler est une évidence pour eux. Les actions mises en place sur Jeunes mères peuvent servir d’exemples.