Aide au parcours d'auteur : résultats de la commission des 11 et 12 mars 2025
Résultats des commissions
12 mars 2025
Vincent Dieutre
Parrainé par Emilie Deleuze
« C’est indéniable, DETOX arrive comme au bout d’un long parcours. J’ai beaucoup raconté ma vie dans les films, la dérive, la quête de la beauté. J’avais tourné Rome Désolée, mon premier film, comme on lance une bouteille à la mer, pour exorciser les années de toxicomanie, qui furent celles aussi de la découverte de l’homosexualité. Mais sans la DETOX, je ne sais pas si le parcours commencé avec ce film à la fois sombre et libérateur, aurait pu s’enclencher. C’est donc plus de trente ans après que je vais pourvoir me confronter, grâce à l’aide au Parcours d’Auteur, à cette année 1990 passée en Angleterre, et retourner à Weston-super-Mare, tout en expérimentant une forme filmique inédite.
Enfin prendre le temps, d’aller voir là-bas si j’y suis encore un peu. Y recueillir comme des archives hors d’âge, travailler le paysage, la plage, la mer, retrouver le Western counseling Service sans pour autant le chercher vraiment. Car ce qui me reste de ces longs mois pluvieux, ce qui a marqué ma rétine, c’est d’abord Turner, ses 79 skies dont un facsimile trainait sur la table du salon. Travailler avec Caroline Champetier, une chef opératrice qui se passionne aussi pour le vieillissement de la pellicule, pour les bobines périmées, sans nostalgie aucune, mais pour leur modernité même.
Prendre le temps d’élaborer un monde sonore où la voix et mes souvenirs s’incrusteraient dans les sons de la petite plage, les vagues, les mouettes, le cliquetis des machines à Bingo. Travailler cette matière avec un jeune compositeur, Erland Cooper, voguant entre John Cage, Steve Reich, ses racines écossaises, et l’électro expérimentale.
Dans notre monde tissé de manques et de dépendances nouvelles, tenter de redire la joie, la reconquête d’une liberté absolue que furent pour moi ces quelques mois anglais, tout en cherchant à toucher le nerf de l’époque, de l’aujourd’hui et poursuivre ainsi un Parcours d’Auteur sans concession, que la précarité, le formatage, ou le ghetto arty, remettent de plus en plus en cause mais que l’aide du CNC va m’aider à redéployer de façon plus sereine. »
Rosalie Loncin
Marrainée par Théo Le Du
« Depuis une douzaine d’années, mon parcours professionnel oscille entre des postes de technicienne pluridisciplinaire et un travail d’autrice-réalisatrice dans le milieu du cinéma d’animation. Je souhaite aujourd’hui me consacrer entièrement à une recherche visuelle expérimentale, portant sur la question de la mémoire et de sa représentation, et plus largement sur la mise en image des états de conscience modifiée (tels que le rêve, la rêverie, le souvenir…). Je souhaite mettre en place un ensemble d’expérimentations mêlant techniques traditionnelles d’animation (stop-motion, animation en banc-titre, pixilation, etc) et outils numériques (animation numérique, VFX, 3D, images générées par IA, etc.), de façon à construire par couches successives un répertoire d’images et de matières qui composeront la base de mes projets futurs. Des films aux productions artistiques sur d’autres supports (vidéo-projection pour du spectacle vivant, bande dessinée, etc.), cette recherche me permettra de solidifier mon univers d’autrice en creusant mon envie d’hybridation artistique. L’aide au parcours d’auteur me ménagera le temps nécessaire à cette recherche, et m’autorisera à solliciter l’appui technique de plusieurs personnes-ressources parmi mon réseau, dont les compétences complémentaires aux miennes m’ouvriront un immense champ de possibles directions créatives. »
Hélène Angel
Marrainée par Mehdi Ouahab
« LÀ OÙ L’ESPRIT DE TONI POURRA SE PROMENER LIBREMENT
C’est dans l’espoir de trouver un espace qui n’a pas encore de forme (fiction, documentaire, jeu vidéo, série ???), espace où l’esprit de mon fils décédé pourrait se promener librement, espace où je continuerai de dialoguer avec lui, que j’ai sollicité l’Aide au parcours d’auteur.
À 20 kms de ma maison dans la montagne, en quelque sorte relié à elle, existe un endroit paisible : l’observatoire de Moydans, ses 2 astrophysiciens et ses 5 astronomes, qui m’ont appris une nuit à étudier le ciel, en quête de nos origines. Ils disent des choses magnifiques comme « plus on voit loin, plus on voit tôt », et photographient des pouponnières d’étoiles. À l’échelle du cosmos, mon fils de 22 ans est-il une étoile filante ? Une petite pierre qui s’échauffe, s’illumine et se consume en traversant l’atmosphère en 2 secondes au-dessus de nos têtes, dont je pourrais retrouver un jour un fragment de météorite ?
L’observatoire de Moydans est le lieu propice pour me remettre à écrire, et envisager par exemple la forme d’un documentaire qui entremêlerait, comme l’a fait Patricio Guzman avec Nostalgie de la lumière, la trivialité des recherches d’un corps et d’une enquête, la brutalité de la survie, avec la poésie du travail des astrophysiciens. Un poème de la mémoire vivante, du mystère des origines et de la fin. L’histoire de mon fils, ainsi que ses écrits, sa capacité d’analyse -politique entre autres-, se mêleraient à ma quête de comprendre son geste, entremêlant les moments les plus triviaux (groupes de paroles de parents endeuillés, enquête policière, rapport du procureur), sociologiques (sa génération, ses copains, la dépression post-Covid) aux plus poétiques et scientifiques (où est-on avant de naître ?). L’observatoire est prêt à m’accueillir en formation d’astronomie amateur, en observatrice et en résidence d’écriture. L’aide au parcours d’auteur me permettra de financer ce séjour, mais aussi de prendre le temps d’explorer d’autres formes -encore balbutiantes- que celle de ce documentaire possible. »
Sacha Wolff
Parrainé par Louis Hanquet
« J’ai rencontré la Nouvelle-Calédonie par hasard, pour écrire et tourner Mercenaire, mon premier long-métrage. Ce pays m’a transformé, en s’imposant comme un territoire nouveau de ma pensée, de mon être, en me confrontant violemment à tout un pan d’histoire française constitutif de mon éducation que j’ai découvert sous un jour nouveau. Ce n’est pas un sentiment théorique, abstrait. Le non-dit colonial se vit là-bas au présent, physiquement : il est profondément cinématographique.
En mai 2024, la violente révolte qui ébranle l’archipel agit pour moi comme un électrochoc. L’impasse politique dans laquelle se trouve la Calédonie réveille en moi l’urgence d’y travailler à nouveau. Car j’ai laissé sur place plusieurs projets en gestation, qui trouvent aujourd’hui une résonance nouvelle, et qui s’imposent comme une direction nécessaire à donner à mon écriture. Trois pistes de long-métrages de fiction, que je dois repenser à l’aune de cette crise, tout en interrogeant mon propre rapport à ce territoire. »
Camila Beltrán
Marrainée par Raphaëlle Desplechin
« Je fais des films en cherchant des passages vers un autre monde. Je me demande sans cesse comment capter cinématographiquement des phénomènes du réel de façon à amplifier, même à dépasser la perception pour révéler l’invisible.
Actuellement j’ai un projet d’adaptation littéraire. Il est dans la continuité́ de mon intérêt pour l'océan comme métaphore de l’infini, et de l’enfance comme territoire de vérité́ et d’hallucination.
C’est une histoire qui a lieu sur la côte caraïbe de la Colombie, avec une figure qui me hante : des enfants qui plongent, employés clandestinement pour entretenir des plateformes pétrolières qui se dressent très loin de la côte.
Malgré le fait d'être immergés dans un contexte d’exploitation, de guerre et de violence, ces enfants vont avoir accès à un autre monde : au monde invisible, celui des profondeurs de la mer, le lieu de l’absence totale d’image.
Je voudrais aller sur un champ d’exploration qui mêle image, science et mysticisme : une idée de l’alchimie dans le cinéma. Que des images innovantes et révolutionnaires puissent exister et déployer tout un sens nouveau dans la narration d’un film. Car j’ai pris connaissance de l’existence d’un appareil de détection sous-marine en zones de zéro visibilité, qui utilise les ondes sonores pour générer des images reconnaissables des corps enfoncés dans les ténèbres.
L’aide au parcours d’auteur me permettra de continuer à développer ce projet de film, d’avoir le temps et la liberté pour expérimenter avec cette caméra acoustique, d’établir des collaborations en dehors du champ du cinéma tandis que je continue à consolider les ponts artistiques, culturels et personnels entre la Colombie et la France. »
Gabriel Helfenstein
Parrainé par Théo Le Du
« Vous vous réveillez sans avoir dormi. Vos membres sont allongés dans des proportions grotesques, tirés, aplatis, pliés, cassés, enroulés sur eux-mêmes. Vous n'avez plus de bras, plus de jambes. Au lieu de vos yeux, ce sont des portes qui percent les parois de votre corps, des ouvertures qui relient une ruche de chambres caverneuses, des fenêtres qui ne donnent sur rien. Vos os sont des tuyaux, des conduits d'aération, des tunnels creusés par les termites. Votre épiderme : un mur de chair qui s'effrite continuellement sur un sol fractal. Vous êtes une maison. Un château. Une caserne. Vous n'êtes plus un humain – l'avez-vous jamais été ? – mais une structure de la mort.
La Maison, Avant (The House Before) est un jeu vidéo dans lequel on incarne une maison monstrueuse. Influencé à la fois par le genre du body horror et par l'esthétique des jouets en plastique pour enfants, l'univers du jeu mêle horreur, mélancolie et humour. La maison, ici, est une allégorie du corps : le corps physique, mais aussi le corps social – ses angoisses, ses conflits, ses réseaux, ses zones d'ombre.
L'Aide au Parcours d'Auteur me permettra de me consacrer à ce projet pendant un an et de rechercher d'autres financements, en bénéficiant de l'assurance et du cachet qu'offre un premier soutien. Elle intervient à un moment clé de ma carrière, puisque, issu d'une pratique du jeu vidéo plus classique, je me tourne de plus en plus vers son utilisation comme instrument de scène. Ainsi, je compte adapter La Maison, Avant pour le théâtre et explorer davantage les possibilités qu’offre l’utilisation du jeu vidéo comme outil performatif. »
Doris Buttignol
Marrainée par Emilie Deleuze
« L’aide au parcours d’auteur m’accorde la possibilité d’écrire « la vie est une maladie mortelle », mon film le plus intime et le plus singulier.
Entre le début des années 90 et 2020, je n’ai jamais cessé d’écrire, de réaliser, de produire parfois des objets filmiques, documentaires, essais cinématographiques, poèmes visuels. Puis tout s’est arrêté́.
En 2019, j’ai été́ diagnostiquée avec un cancer à un stade avancé. Je suis passée sans transition de la salle de montage au lit d’hôpital, puis le monde lui-même s’est arrêté́ avec la pandémie. Je me suis retrouvée hospitalisée à domicile, à la charge de mes proches avec un pronostic plutôt défavorable. La maladie continuant à progresser et mon besoin de comprendre reprenant le dessus, j’ai commencé́ à enquêter sur le cancer comme j’avais toujours enquêté́ sur les sujets de mes films. C’est qui lui ? Du « crabe » je ne savais rien, c’était une sorte de monstre tapi dans l’ombre qui avait dévoré́ ma sœur et ma meilleure amie. Et maintenant moi.
J’ai d’abord connu le cancer comme accompagnante, puis comme patiente puis comme survivante et enfin comme patiente experte. Pour écrire ce film, je dois retourner dans mon intime, revisionner des dizaines d’heures d’archives personnelles filmées sur différents supports : 4K, vidéo HD, super 8, 16 mm. Les trier, les transcrire. Pour cette étape, j’ai besoin d’avoir à mes côtés ma monteuse pour trouver la bonne distance avec mon image et mon chef opérateur pour imaginer la forme du futur tournage à partir des archives dont nous partons.
Pour la première fois, je suis devant et derrière la caméra. Je suis l’incarnation du sujet de mon film et l’aide au parcours d’auteur est un soutien précieux pour « remonter en selle » face à ce challenge, après l’immobilisation par la maladie.
Pour m’échapper du Royaume de l’Empereur de toutes les maladies, j’ai voulu établir une cartographie de ce qui se passait dans mon corps, cet inconnu. Cette plongée au cœur de la cellule et des mystères de l’ADN, m’a embarquée dans une étonnante aventure scientifique, de l’apparition du cancer il y a plus d’un milliard d’années aux secrets dévoilés notre génome. Je découvre de nouvelles clés de compréhension, me permettant de reconsidérer ma relation avec cette maladie et d’envisager d’autres pistes de soins.
« La vie est une maladie mortelle » est le film que j’aurais voulu voir quand j’ai su que j’étais atteinte d’un cancer de grade 3. Dans ce moment de sidération, j’aurais voulu pouvoir s’appuyer sur un faisceau de connaissances concrètes éclairant les décisions, sont prises trop souvent dans la peur, la souffrance et l’ignorance de ce qui est à l’œuvre. Comprendre permet d’agir. Cela, à présent je veux le transmettre à d’autres qui n’ont pas les ressources que moi j’ai trouvées à ce moment-là̀. »
Mia Ma
Marrainée par Léa Todorov
« Les films que j’ai réalisés ont pu voir le jour parce que je les ai tournés dans mon environnement proche, en les calant dans les interstices de ma vie quotidienne.
Mon désir actuel de cinéma me conduit jusque Hong Kong. Cette ville où ma famille a vécu, je souhaite la filmer maintenant – ou ce qui reste encore d’elle - avant que le gouvernement chinois ne l’engloutisse intégralement, ce qu’il a déjà fait au niveau législatif.
J’ignore encore combien de films naîtront de ce désir, mais je sais qu’ils rentreront en résonance les uns avec les autres, qu’ils seront traversés par les questions de l’exil et de l’appartenance, qu’ils varieront dans leurs formes et leurs durées.
J’ai commencé à filmer dans une boutique de disques vinyles, lieu de transmission de cultures populaires, d’Histoire non officielle, et d’échange entre les générations.
C’est le lieu d’un long-métrage, et le point de départ de mes explorations à venir.
L’Aide au Parcours d’Auteur m’offre ce grand luxe, celui de poursuivre un travail de recherches et de repérages à 10 000 km de chez moi, celui de penser plusieurs projets en même temps, celui de m’immerger, et, sur un temps durable, de ne pas être interrompue. »
Lucia Sanchez
Marrainée par Raphaëlle Desplechin
« J’ai grandi dans les années 80, dans ce qu’on appelait l’Espagne de la movida parce que tout bougeait d’une façon différente que sous Franco : les corps, les idées, les drogues et l’argent.
Dans mes manuels d’Histoire on appelait les 40 ans de dictature qui nous avaient précédés, le régime antérieur, sans qualificatif. Ni bon, ni mauvais. Mais on ne parlait jamais de ce qui s’était passé juste avant. Il fallait tourner la page, aller de l’avant.
Nous devions oublier.
Aujourd’hui, après 30 ans de vie en France, j’ai l’impression d’être rattrapée par ce pays auquel je tournais le dos, par cette mémoire trop vite refoulée, par ce passé qui ne passe pas.
L’aide au parcours d’auteur me permettra de retourner aux sources et de regarder en arrière, d’observer mon pays d’origine et de porter sur cette période qui m’a précédée, une vision intime et assez distanciée.
Alors que dans mon travail je me suis toujours intéressée au présent, j’aimerais pour la première fois, faire vivre des histoires-fantômes que d’autres récits dominants nous ont empêché́ d’entendre.
L’aide me permettra d’entamer des recherches, d’aller à la rencontre des historien.nes, mais aussi de renouveler ma pratique. Si j’ai longtemps exploré dans mes films un territoire hybride entre documentaire et fiction, aujourd’hui j’aimerais aller plus loin dans ce chemin documentaire qui s’invente de manière légère et ludique, n’empêchant pas la fantasmagorie, la construction narrative, ni la mise en scène. »
Jeremy Gravayat
Parrainé par Vincent Maël Cardona et Léa Todorov
« Depuis le début des années 2000, je réalise des films qui documentent les conditions de vie de travailleurs précaires et d’exilés. Mon travail mêle études de terrain et mise en scène, activités militantes, collectes de récits et d’archives. En 2010, j'ai réalisé mon premier long-métrage, Les Hommes Debout, dans la périphérie de Lyon, autour de luttes de travailleurs immigrés. Après un long processus de recherche et la publication d’un ouvrage d’histoire orale d’habitant.e.s de la banlieue parisienne, je finalise en 2018 mon second long-métrage, A Lua Platz (Prendre Place), tourné au sein d’un collectif de familles roumaines vivant en bidonvilles. Actuellement, je prépare un troisième long-métrage à Marseille. Conclusion de cette trilogie urbaine, Le Parlement racontera l’histoire d’ouvriers nomades et étrangers, qui décident de se regrouper par-delà leurs origines, pour créer un espace de libération de la parole, et imaginer ainsi d’autres modes d’existences. Après avoir observé des communautés diverses durant toutes ces années, j’ai à présent l’envie, en quelque sorte, d’en créer une, qui prendra vie à la jonction des imaginaires, le mien comme celui des futurs personnages. Renverser mon approche du réel, pour plonger avant tout dans un rapport à l’écriture fictionnelle, et m’atteler à un travail scénaristique partagé. En m’appuyant sur de nombreux récits collectés au fil du temps, je solliciterai la participation des futurs personnages, travailleurs, artistes et traducteurs, pour transposer ces mots dans des trajectoires encore à inventer. Ce processus, riche d’expérimentations nouvelles, va me demander du temps. C’est dans cette logique que je sollicite l’Aide au Parcours d’auteur, qui me permettra de me consacrer entièrement aux recherches protéiformes qui mèneront à la réalisation de ce nouveau film. »
Sandra Desmazières
Marrainée par Mehdi Ouahab
« Après cinq court-métrages, en animation traditionnelle, l’envie de prendre le temps de construire un récit sur une durée plus longue est devenue évidente. L'aide au parcours va me permettre d’écrire, d’approfondir mes recherches et d’avoir une idée plus précise de comment je souhaite raconter et mettre en scène une histoire complexe et difficile, celle d’une grand-mère vietnamienne, sa fille métisse et sa petite fille, sur fond historique de la guerre du Vietnam. Mon projet de long-métrage, TEMPÊTE ROUGE, aborde des sujets récurrents dans mon travail : la séparation, l’oubli, l’exil, le passage du temps, la transmission. Il parlera aussi de métissage, de rejet, d'héritage du colonialisme. TEMPÊTE ROUGE représente un tournant important dans ma carrière de réalisatrice, tant par les enjeux de l’écriture que par ceux de la mise en scène de cette histoire. J’aimerais explorer un axe nouveau qui déjouera mes habitudes d’écriture : le film noir, avec la découverte d’un corps sans vie près d'une forêt : passage entre le monde des vivants et celui des morts, lieu de la mémoire et symbole des peurs originelles. J’aimerais grâce à l’animation, aux couleurs, au travail sonore, amener une atmosphère étrange, presque terrifiante. L’histoire se déroulera sur une cinquantaine d’années dans des pays différents où le mystère de ce crime habitera ce récit transgénérationnel. »
François-Xavier Drouet
Parrainé par Maya Abdul Malak et Louis Hanquet
« Je voudrais utiliser l’aide au parcours d’auteur pour me débarrasser de deux obsessions qui m’accompagnent depuis une dizaine d’années : le silence et l’eucalyptus. Deux projets à l’échelle hors-norme qui nécessiteront un travail de repérages et d’écriture au long-cours pour trouver leurs conditions de production. Mais aussi, profiter de cet argent (et donc de ce temps), pour évoluer dans ma pratique cinématographique, en expérimentant des partis-pris formels plus audacieux, notamment au travers du son. Venu au documentaire par l’enquête ethnographique et l’écriture plutôt que par l’image, j’ai toujours revendiqué une certaine approche classique, au croisement de plusieurs traditions documentaires : cinéma direct pour L’initiation, Au nom du coach et La chasse au Snark, « film-dossier » pour Le temps des forêts et L’Évangile de la révolution. J’étais jusqu’à présent un cinéaste de la parole et du langage. Dans une époque plus que jamais saturée d’images, je souhaite désormais placer l’écoute au cœur de mes dispositifs. »
Joris Lachaise
Parrainé par Mehdi Ouahab
« Après Transfariana, mon dernier long-métrage documentaire sur une convergence des luttes en Colombie entre la guérilla des FARC et le réseau communautaire trans de Bogota, ma collaboratrice Julia Rostagni et moi avons maintenu des liens avec les protagonistes du film. À partir de leurs paroles et de leurs écrits nous tirerons les fils de leurs vies dans toutes les dimensions (sociale, historique, politique, esthétique…) pour tisser une toile qui ira bien au-delà de Transfariana. Cette toile prendra la forme d’une série d’auto-fictions dont chaque film-épisode - co-écrit avec son « personnage », suivant sa manière de se raconter, de dialoguer, de voir, de faire son épreuve du monde - aura ainsi sa facture propre, construite d’après le rythme, l’esthétique, l’imaginaire qui caractérisent son sujet. La série formera une constellation de parcours individuels, divers et contrastés, comme un scanner spatio-temporel de la Colombie des trente dernières années.
Le chantier est énorme et représentera pour moi une véritable reconversion. L’aide au parcours d’auteur me permettra de financer au moins un an de repérages sur place en Colombie, de recherches de terrain dans différentes zones géographiques, de recherches d’archives auprès de sources déjà identifiées, d’entretiens et de co-écriture avec les protagonistes.
J’envisage aussi de reprendre, grâce à l’aide au parcours d’auteur, un projet interrompu l’année où je me suis engagé dans Transfariana. Après avoir sauté, en mars 2016, dans un vol pour un pays de glace situé à l’autre bout du monde, je me suis dirigé à la rencontre du Dr Frankenstein chinois, ce chirurgien qui a fait la Une des journaux du monde entier en prétendant avoir réalisé avec succès une greffe de tête sur un singe en vue d’une opération identique sur un patient humain à Harbin. Enquête géopolitique et métaphysique ou mythographie personnelle, l’Homme d’Harbin sera une œuvre protéiforme entre l’auto-fiction, le ciné-roman historique, l’intrigue politique et l’opéra de science-fiction documentaire. »
Michaël Blin
Parrainé par Maya Abdul Malak et Léa Todorov
« J’ai sollicité l’aide au parcours d’aide afin d’accéder à des temps et des espaces nécessaires au déploiement de plusieurs projets au long cours. Cette aide agit comme un deuxième souffle, un élan. À un moment pivot de ma pratique où se superposent des projets artisanaux, discrets et solistes, avec des projets de fiction nécessitant un travail de repérage et d’écriture important, il m’est nécessaire de fabriquer avec la plus grande liberté possible et de pouvoir développer des travaux qui puissent être détachés dans un premier temps des contraintes de production.
Écrire en filmant, travailler un film comme on sculpte, dans un aller-retour entre le pratique et l’analytique, le montage et le filmage est un chemin de fabrication singulier que ce soutien me permettra de poursuivre. L’aide au parcours d’auteur me permettra aussi d’expérimenter une forme d’écriture scénaristique qui se structurera par un appui documentaire : filmer les territoires et les espaces rêvés d’un film tout en l’écrivant est une chance rare, une fenêtre ouverte sur un scénario gorgé d’images et en prise avec la réalité d’un territoire. »
Lila Pinell
Marrainée par Louis Hanquet
« C’est avec une grande joie que j’ai reçu la bourse parcours d’auteur. Depuis trois ans, je travaille sur un scénario de long métrage de fiction et j’ai mis de côté mes autres projets. Je suis passée par le parcours décourageant que vivent beaucoup d’auteur-es réalisateur-rices : des commissions, des lecteurs, des refus. Pour moi qui viens du documentaire, l’importance démesurée du scénario en fiction a été contreproductive. Ça m’a déconnecté du concret, de la fabrication. Pendant un moment j’ai perdu le plaisir de travailler et le désir de faire des films.
C’est en commençant des repérages pour un nouveau projet documentaire que le désir est revenu. Je suis sortie de l’écriture pour revenir dans la « vraie vie ». Rencontrer des gens, passer du temps avec eux, essayer de comprendre un monde, faire des recherches, commencer à filmer des choses. Tout ce processus m’a reconnectée à ce que j’aime dans mon travail. Mon désir de faire des films est revenu, et les idées avec.
J’ai présenté 3 projets. Un documentaire en cinéma direct, qui était pour moi le dispositif ultime quand j’ai commencé à faire des films. Une immersion dans un cabinet dentaire de Belleville avec les patients, les soignants, les « admin ». Un film qui mélange des parcours de vie, un regard sur le monde du travail et la façon dont des individualités émergent dans le groupe.
Un second projet autour de procès en correctionnel de jeunes djihadistes, auxquels j’ai assisté en 2018 pour un projet de documentaire qui ne s’est pas fait.
Un troisième sur l’exil, dont le point de départ est une correspondance étendue sur 20 ans avec ma cousine décédée, une Argentine vivant au Mexique.
Grâce à la bourse Parcours d’auteur, je vais pouvoir approfondir mes recherches, écrire, continuer à filmer. »
Jean-Christophe Klotz
Parrainé par Raphaëlle Desplechin et Emilie Deleuze
« Je n'ai jamais connu mon grand-père, Gaston, si ce n'est à travers quelques photos jaunies et une transmission familiale trouée. Son histoire est à l'origine d'un silence familial que ce film voudrait interroger. Gaston Klotz était un médecin juif alsacien. Né en 1891 lorsque l'Alsace était allemande, il a fait la première guerre mondiale comme soldat du Reich, et la seconde comme déporté juif français, à Auschwitz. Gaston a survécu, et la légende familiale raconte que c'est grâce à un ancien camarade de médecine qui l'aurait reconnu et embauché auprès de lui à l'infirmerie du camp.
L'infirmerie d'un camp d'extermination.
Qu’y a-t-il vu ? Jusqu’où a-t-il du arbitrer entre sa propre survie et sa fonction à l’infirmerie d’Auschwitz ? Quelle est cette fonction dans l'infirmerie d'un camp d'extermination ? Avoir été ne serait-ce que témoin impuissant du processus de sélection suffirait à saisir la profondeur de ses blessures de survivant.
Témoin - impuissant - génocide. Trois mots qui me ramènent à ce que j'ai vécu au Rwanda. »
Christine Dory
Marrainée par Vincent Maël Cardona
« Pour faire bouger ma condition, être la mère d’un fils poly-toxicomane dont je suis dépendante, j’ai besoin d’opérer un déplacement. Rien de mieux que de me déplacer moi-même, mettre de la distance entre mon fils et moi, 13000 km, il faut bien ça. Mon premier voyage dans la Cordillère des Andes Colombiennes, m’a appris que là-bas, j’étais capable d’ouvrir les yeux, d’ouvrir des fenêtres sur un monde qui s’offre. Le geste artistique que je souhaite faire est complètement différent de celui dont j’ai l’habitude. Jusqu’ici, mon travail de fiction a toujours commencé par l’écriture. Mon travail était de raconter une histoire en animant des personnages inventés. Maintenant, je vais filmer des personnes qui sont prises dans leur propre vie. L’écriture du film passera par l’observation et par les relations que je compte nouer avec elles, par la confiance réciproque qui s’établira. Je compte d’abord rencontrer les personnes avec lesquelles mon fils a eu des contacts, personnes qu’il a abandonnées en partant comme un voleur. Angela qui espérait peut-être se marier avec lui pour sortir de sa rude condition. Essayer de savoir si Angela cherche toujours un mari et comment elle s’y prend pour rencontrer des hommes. Il n’y a pas beaucoup de clients potentiels sur place. Puis il y a Bruno Takels, qui a accueilli Simon à son arrivé, qui a lui-même fait le parcours du sevrage dans la vallée et qui désormais plante des Oliviers. Bruno est agrégé de philosophie, ce qui ne l’empêche pas d’avoir recours aux esprits pour prendre des décisions. Il pratique l’Ayawasca avec son chaman et « parle avec la plante » qui l’aide à vivre. Quand je suis arrivée en Colombie dans la Boyaca, qui est une région essentiellement agricole (où on ne cultive pas la coca) j’ai eu l’impression d’arrivée au Far West, dans une région où la liberté d’agir est totale. J’ai alors été questionnée et ébranlée dans ma conscience de femme de gauche, en me demandant si je pouvais préférer vivre dans un endroit de totale dérégulation, sans intervention de l’état, manifestement corrompu, préférer cela à un état de droit, au nom de ma liberté. Peut-on payer la liberté à ce prix-là ? J’ai besoin de rencontrer les habitants de la vallée pour construire mes trois histoires, pour donner une idée de ma Colombie. Et puis il y a la maison, qui est aussi un personnage, cette maison que je loue et que j’hésite à acheter, parce que tant qu’elle est là, il existe une alternative pour mon fils. Ces histoires seront montées en parallèle avec mes conversations en visio avec Simon et avec mon groupe de parole du lundi soir, de sorte qu’on n’oubliera jamais d’où je parle. Ma présence dans le film se fera essentiellement par la voix du commentaire.
J’emploierai d’abord cette aide pour acheter une caméra et du matériel son pour partir en repérage. Puis je m’en servirai pour payer mon interprète : Bruno Takels sera ce traduteur et aussi un personnage. Enfin l’argent me servira à vivre et à me déplacer (il faut un chauffeur car la maison est très isolée et je ne connais pas les pistes de la cordillère). J’envisage de rester 3 mois en repérage, de revenir pour voir ce que j’ai filmé, et de commencer à écrire, et à chercher un producteur. »
Soufiane Adel
Parrainé par Maya Abdul Malak
« Après avoir réalisé une dizaine de courts-métrages et un long-métrage documentaire, je souhaite poursuivre ma démarche de cinéaste.
D’une part avec un film qui revient à l’origine de mon cinéma, naturaliste et direct. L’adaptation en long-métrage de Nuits Closes - mon premier court-métrage - réalisé en 2003. Un huit clos entre un père et ses deux enfants.
D’autre part, je souhaite développer un projet qui côtoie mon regard de designer, dont le processus serait au long court : un film de science-fiction mêlant épigénétique et anticipation. »
Anne Benhaiem
Parrainage collectif
« Mon parcours d’auteur me mène enfin à clore la première partie de ma vie de filmeuse, longue période d’expérimentations cinématographiques, avec ou sans producteur, entièrement écrites ou entièrement improvisées, fictions ou documentaires, avec acteurs ou non acteurs… J’en viens à concevoir un film de long métrage, mon « premier film », ayant l’ambition de réunir toutes ces manières de faire, dans un polar contemplatif où l’intrigue sera délaissée un moment, pour donner vie à une série de scènes presque documentaires sur l’addiction au jeu du personnage principal – qui dépense son RSA à des jeux à gratter et des paris sur les courses de chevaux, pendant des heures au bar tabac PMU en bas de chez lui. Le film raconte la naissance d’une amitié entre le joueur et l’autre personnage principal, le détective privé. L’amitié entre le documentaire et la fiction. Certaines scènes seront entièrement écrites, d’autres entièrement improvisées, selon les acteurs qui les jouent. L’intrigue policière sera non résolue et, pour tout dire, incompréhensible, quoique simplissime. »