« Belphégor », ou comment revisiter le mythe en série

« Belphégor », ou comment revisiter le mythe en série

17 décembre 2025
Séries et TV
« Belphégor »
« Belphégor » créée Nils-Antoine Sambuc et Thomas Mansuy Caroline Dubois - Pathé series - HBO Max - M6

Avec sa nouvelle adaptation du mythe pour HBO Max et M6, la minisérie Belphégor a relevé un défi de taille : mêler fantastique, thriller psychologique et patrimoine français. Les créateurs Nils-Antoine Sambuc et Thomas Mansuy nous racontent leur vision et les coulisses de ce tournage exceptionnel, dans l’enceinte du plus beau musée du monde.


Que représentait le mythe télévisuel de Belphégor pour vous ?

Thomas Mansuy : Je dois avouer que ce n’était pas grand-chose pour moi. Cela reste iconique, dans le sens où j’avais en tête quelques images clés : cette figure, ce masque, le Louvre et un mystère. C’est vraiment un mythe patrimonial français. Mais je n’avais pas lu le roman original, ni vu la série ORTF de 1966.

Nils-Antoine Sambuc : Curieusement, Belphégor évoque quelque chose à tout le monde, mais pas forcément la même chose. Pour moi, c’était une histoire de fantôme au musée du Louvre. J’avais en tête cette image très iconique de Juliette Gréco avec le masque. Mais à part ça…

Votre série est donc basée sur le roman d’Arthur Bernède paru en 1927 ?

Thomas Mansuy : Nous y avons pioché différentes choses. Le roman est ancré dans son époque et contient des éléments un peu baroques. Nous avons essayé de voir ce que nous pouvions prendre sans tomber dans l’anachronisme ou le ridicule. Nous avons gardé des éléments traditionnels de l’histoire et les avons remixés pour les moderniser.

Nils-Antoine Sambuc : Tout s’est construit au fur et à mesure. J’ai été approché par Pathé et la productrice Aude Albano. Elle m’a donné le roman à lire en me disant : « Nous allons partir du livre pour écrire une nouvelle série. » Le roman est dans le domaine public, nous pouvons donc nous en emparer comme nous le voulons. Mais c’est un livre assez daté, très rocambolesque. J’ai vite compris que je n’allais pas en garder grand-chose et j’ai réfléchi à une thématique contemporaine, autour du trafic d’antiquités volées, tout en sachant que nous pourrions mélanger ce côté réaliste à du fantastique. Nous avons totalement assumé le surnaturel de l’histoire sans s’y limiter.

 

Comment avez-vous dépoussiéré le mythe ?

Thomas Mansuy : En laissant de côté l’aspect feuilletonnant, au sens du vieux feuilleton à suspense. Nous avons abordé une thématique très actuelle, puisque nous parlons de mémoire traumatique. Des thèmes sérieux et totalement absents de l’œuvre originale.

Nils-Antoine Sambuc : Nous avons aussi basculé le point de vue vers Hafsa (Shirine Boutella), puisque dans Belphégor, l’histoire était toujours racontée du point de vue de l’enquêteur, qui suivait la femme mystérieuse. Dans notre Belphégor, le protagoniste est la femme mystérieuse. Son point de vue et ses questionnements sont au cœur de la série. Elle n’est plus la femme-objet du mystère. Elle est sur une ligne de crête entre mystère et folie.

Thomas Mansuy : Enfin, nous avons remis le musée du Louvre au centre de l’histoire, comme un lieu de mémoire. À l’époque, il était traité comme une espèce de zoo, avec des objets étranges. Nous, nous évoquons la provenance des œuvres, à qui elles appartiennent et quelle mémoire elles portent. Nous avons ainsi dépoussiéré le cadre, l’environnement.

Comment fait-on pour tourner au Louvre ?

Thomas Mansuy : Le Louvre, c’est une fourmilière. Il s’y passe toujours quelque chose. Même les mardis, jour de fermeture, il y a des étudiants, des chercheurs, des équipes d’entretien… C’est très compliqué d’avoir du temps pour y tourner. Mais les équipes du Louvre se sont beaucoup impliquées. Nous avons eu de nombreux échanges avec la direction et nous avons été bien accompagnés.

Nils-Antoine Sambuc : Il n’y a pas d’interdit à ma connaissance. Ce sont surtout des questions de sécurité et d’agenda. Nous tournons dans des temps très restreints, car nous ne pouvons pas bloquer certaines salles. La vie du Louvre continue quasiment 24 h/24. Donc quand on réalise une série sur le Louvre, il faut trouver des solutions pour y filmer le moins possible ! Mais nous avons pu tourner des scènes clés avec des œuvres iconiques, comme les Lamassus du palais de Khorsabad. C’était fou ! Et puis, nous avons eu le grand plaisir de tourner dans le musée la nuit, totalement seuls. C’est saisissant.

Thomas Mansuy : Il faut tirer un coup de chapeau à notre réalisateur, Jérémy Mainguy, qui a su profiter au maximum de toutes les opportunités sur place. Il a capté un maximum d’images. Nous voyons finalement beaucoup le Louvre dans la série, comparé au temps réel de tournage. Et puis pour le reste, en France, nous avons la chance d’avoir beaucoup de patrimoine. Nous pouvons donc tourner des intérieurs dans d’autres lieux pour faire illusion. Même moi, aujourd’hui, je ne me pose plus la question de savoir ce que nous avons filmé au Louvre ou ailleurs.

Quels sont les prérequis dont on ne peut pas se passer pour traiter Belphégor ?

Thomas Mansuy : Comme pour Les Trois Mousquetaires avec les ferrets de la reine, il fallait ici un masque, une silhouette, le Louvre. Cela étant, nous pouvons nous amuser.

Nils-Antoine Sambuc : Nous nous sommes demandé ce qui relevait du clin d’œil et ce qui était vraiment nécessaire à notre récit. Comme nous ne prenons pas la série des années 1960 comme référence, mais plutôt le livre, ce n’est pas un faux remake, mais une nouvelle adaptation. Il y a des échos, mais surtout nous poussons les meubles et nous inventons de nouvelles choses, avec comme fil conducteur un thriller psychologique qui glisse vers le fantastique.

Thomas Mansuy : J’ajoute que le masque de Belphégor est une œuvre artificielle. Il ne vient pas du musée. Il n’existe pas en tant qu’œuvre d’art, mais nous l’avons conçu à partir d’éléments réels, comme des masques mortuaires de l’Antiquité.

Après Juliette Gréco, dans la série, et Sophie Marceau, dans le film de Jean-Paul Salomé, qu’apporte Shirine Boutella à Belphégor ?

Thomas Mansuy : Nous pouvons nous identifier à elle. Nous voulions quelqu’un d’ordinaire à qui il arrive des choses extraordinaires. Elle a cette douceur et cette tendresse, nous avons l’impression de pouvoir la connaître.

Nils-Antoine Sambuc : Quand tout commence à partir en vrille autour d’elle, Shirine sait très bien emmener son personnage dans ce tourbillon fantastique, sans trop en faire, en gardant une certaine intelligence. Même si, encore une fois, son personnage n’a rien à voir avec ceux de Juliette Gréco ou de Sophie Marceau…
 

Belphégor, minisérie en 4 épisodes à voir sur HBO Max puis en clair sur M6

Affiche de « Belphégor »
Belphégor HBO Max

Créée par Nils-Antoine Sambuc, Thomas Mansuy
Avec Shirine Boutella, Vincent Elbaz, Aure Atika…
Écrite par Nils-Antoine Sambuc, Thomas Mansuy et Mathieu Leblanc
Réalisée par Jérémy Mainguy
Produite par Aude Albano (Pathé Films Production)

Soutien sélectif du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (FSA - Aide sélective à la fiction)