« Canis Familiaris » : la websérie, un terrain d’expérimentation

« Canis Familiaris » : la websérie, un terrain d’expérimentation

28 avril 2023
Séries et TV
La websérie « Canis Familiaris »
La websérie « Canis Familiaris » Arte/Court Toujours

Le réalisateur Joris Goulenok (Studio Bagel, Amours solitaires…) de cette série Arte.tv, aux accents surréalistes assumés, décrypte les particularités du genre et revient sur son appétence pour le format court et le numérique.


D’où vous est venue l’idée atypique de cette série ?

Canis Familiaris est une analogie, une réflexion philosophique sur la condition humaine. De manière générale, mes idées sont d’abord des envies visuelles. J’avais en tête ce décor, ce parcours de golf en Gironde. J’ai vu des chiens s’y balader un jour et je me suis dit que c’était ce que je voulais raconter : la vie de ces chiens, en autonomie, sur cet énorme terrain vert. Mais le faire avec des animaux allait poser des difficultés opérationnelles. Le meilleur moyen était donc de déguiser des comédiens ! J’ai commencé ensuite à imaginer une histoire autour de ce concept, avec une meute et une crise existentielle. Je viens de l’industrie de la publicité où l’on travaille souvent avec une approche décalée : les concepts d’un côté et leur mise en œuvre créative de l’autre.

Pourquoi avoir choisi ce format court de six épisodes de 10 minutes ?

C’est court mais pas tant que ça. À deux épisodes près, le projet devenait un long métrage découpé en série ! Après, effectivement, on est presque dans la pastille. Les diffuseurs cherchent à expérimenter de nouveaux formats, des créations numériques qui permettent d’oser des choses, mais avec des contraintes budgétaires serrées. De nombreux facteurs entrent en compte et définissent le format à l’arrivée. Mais ce format était plus un choix de notre part, même si dans une certaine mesure, nous savions que la chaîne Arte ne prenait pas les formats longs de 52 minutes pour les projets numériques. Et donc déjà avant le développement, on était conscient que notre projet ne déboucherait pas sur un grand format ! D’ailleurs, l’histoire que j’avais envie de raconter n’avait pas les épaules pour cela. Au départ, mon idée était d’écrire une comédie en 26 minutes. Puis assez rapidement, je me suis rendu compte que ce n’était pas nécessaire. Avec un autre diffuseur, le format aurait sans doute été différent. Ce choix éditorial s’est donc fait pendant l’élaboration du projet.

Le numérique offre une liberté, à l’instar du court métrage qui est clairement l’endroit de l’art et essai.

En termes de création et de narration, quelles libertés vous a permis ce format ?

Quand on écrit de la série, contrairement à de l’unitaire ou du long métrage, il faut multiplier les intrigues. Si les formats courts numériques sont plus complexes à façonner, ils permettent plus de latitude en termes d’expérimentation : on peut essayer des choses farfelues comme Canis Familiaris (rires) ! Le numérique offre une liberté à l’instar du court métrage qui est clairement l’endroit de l’art et essai. Le fait également qu’il y ait peu d’enjeux favorise l’audace. C’était le pacte que nous avions passé avec Arte dès le départ. La chaîne connaissait mon travail puisqu’elle avait déjà coproduit Amours solitaires.

 

D’ailleurs, comment est née cette websérie adaptée du compte Instagram du même nom ?

C’était une commande. La production a remporté un appel d’offres auprès de France Télévisions. Arte m’a ensuite contacté pour que j’adapte le livre et le compte Instagram de Morgane Ortin. Il fallait créer un récit à partir de recueils de SMS amoureux. Sur cette série, j’étais uniquement scénariste : je proposais des scènes, des dialogues et des personnages, mais je ne les mettais pas en scène. Mon univers n’était au fond pas requis.

Je ne cherche pas à être audacieux à chaque coup, à utiliser ou jouer avec des codes nouveaux à chaque fois. L’idée de départ est toujours de raconter une bonne histoire.

Comment les codes de l’environnement digital (les réseaux sociaux et le numérique en général) nourrissent-ils votre travail ?

Je me nourris du numérique, c’est une évidence. Par exemple, Arte a diffusé Malaisant, une histoire d’amour racontée en story, que je trouve fantastique. Mais je m’en nourris autant que du cinéma, du livre, de la bande dessinée, ou de ce copain qui me raconte une histoire sur ce qui lui est arrivé mardi dernier. Je ne cherche pas à être audacieux à chaque coup, à utiliser ou jouer avec des codes nouveaux à chaque fois. L’idée de départ est toujours de raconter une bonne histoire, la mise en scène et la direction artistique viennent après.

Vous avez été scénariste il y a presque dix ans pour Studio Bagel. Que retirez-vous de cette expérience ?

Je travaillais dans la publicité, et des amis qui travaillaient pour Bagel m’ont dit un jour : « Joris, tu es marrant, est-ce que tu ne voudrais pas nous écrire des vannes ? » Ce travail m’a plu, et j’ai ensuite pu développer mon propre programme court. Comme je ne savais pas par quel bout prendre la chose, j’ai ouvert un peu au hasard un livre sur les scénarios. Et c’est là où j’ai basculé. Je suis devenu un obsédé des scripts. Je les ai tous lus. Je regardais uniquement les films dont je pouvais me procurer le scénario. Au fond, Studio Bagel a été à l’origine de mon envie d’être scénariste.

Canis Familiaris – 6 épisodes de 10 minutes

Canis Familiaris affiche

Créée et réalisée par Joris Goulenok
Avec Tom Dingler, Bruno Sanches, Vincent Deniard, Guilaine Londez…
Production : Milgram et Arte France

À voir sur Arte.tv et Youtube

Soutiens du CNC : aide à la préparation (automatique), aide à la production (automatique)