« Parents mode d’emploi » : comment parler d’homoparentalité sans clichés ?

« Parents mode d’emploi » : comment parler d’homoparentalité sans clichés ?

06 septembre 2019
Séries et TV
Parents mode d'emploi
Parents mode d'emploi Jean-Philippe BALTEL - FTV - ELEPHANT STORY

Deux nouvelles familles, une recomposée et une homoparentale, ont fait leur apparition dans la nouvelle saison de Parents mode d’emploi diffusée le 7 septembre sur France 3. Mais comment évoquer ces nouveaux modèles familiaux sans caricature ? Eléments de réponse avec Béatrice Fournera, la créatrice et productrice artistique de ce programme court.


Pourquoi avoir ajouté deux nouveaux modèles familiaux ?
Nous souhaitions coller davantage à la réalité : il n’y a plus seulement des familles traditionnelles dans la société française. Sur le plan scénaristique, cet ajout a permis de renouveler les lignes de force de l’écriture. Nous avions écrit plus de 2 500 sketchs pour la famille Martinet qui est traditionnelle, il fallait trouver de nouvelles problématiques et renouveler ainsi l’inspiration des auteurs. Nous avons proposé au départ trois familles à France Télévisions : une recomposée, une homoparentale et une dernière avec un bébé. Mais nous n’avions pas la place d’en mettre trois. L’histoire d’une famille avec bébé étant plus restreinte et offrant moins de situations, nous l’avons éliminée. Tout s’est fait très naturellement avec la chaîne.

La comédie est-elle le meilleur moyen d’aborder ces sujets de société ?
Je trouve qu’effectivement, la comédie permet d’aller partout et d’aborder de nombreux sujets, tant qu’il reste un terreau d’amour et de bienveillance. Je n’ai au départ aucune visée militante, mais si la nouvelle saison peut faire évoluer le regard que les téléspectateurs portent sur ces deux types de familles, ce serait une bonne chose. Mais nous n’avons pas écrit les épisodes en pensant au public-cible. Nous cherchons avant tout à faire rire et à ne pas choquer. En tant que productrice artistique, je me préoccupe uniquement de trouver des sketchs drôles et de faire marcher la comédie.

Le cliché est un des ressorts de la comédie. Etait-ce donc difficile d’écrire l’histoire de la famille homoparentale en gardant un juste équilibre entre sobriété et clichés ?
Oui : nous voulions jouer avec les clichés qui font partie de la comédie sans tomber dans la caricature. Nous avons tâtonné pour trouver le ton juste pour faire rire. Pour y arriver, nous avons choisi de montrer la différence de vision entre les deux pères, qui sont vraiment à l’affut pour que leurs filles soient considérées normalement, et les enfants pour qui ce n’est pas un problème. Les deux filles adoptées ont été élevées dans une famille avec beaucoup d’amour, avec ces deux papas – Papa et Papou – qui les aiment depuis toujours. Il n’y a aucun problème pour elles, alors qu’eux sont beaucoup plus stressés à l’idée qu’elles vont être perçues de manière différente par les autres. L’un des sketchs montre par exemple les pères, découvrant que leur cadette a arraché de son cahier le mot sur la journée des métiers à l’école. Ils pensent qu’elle ne veut pas montrer à l’école qu’elle a deux papas. Mais en réalité, elle trouve juste qu’ils ont des métiers ennuyeux (rires) ! Nous avons choisi ce ressort (le contraste entre la vision des papas et celles des deux filles sur leur famille ndlr) pour parler de l’homoparentalité sans pour autant la mettre au cœur de tous les sketchs. Mais nous ne voulions pas non plus éviter le fait qu’il s’agisse de deux papas.

Avez-vous accordé une attention particulière à l’écriture pour garder cette ligne éditoriale ?
Avec Elise Terrien et Caroline Franc, les deux directrices d’écriture de la série qui ont conçu avec moi les nouveaux personnages, nous avons relu tous les textes des auteurs pour vérifier s’ils nous faisaient rire. Nous avons étudié chaque sketch afin de ne pas être trop caricatural sans éviter non plus certains traits de caractère. Nous ajustions en permanence. La première partie de l’écriture s’est faite sans les comédiens. La première salve d’épisodes a été tournée en juin et les choses se sont affinées avec les interprètes : grâce à eux, certains éléments peuvent être portés différemment car leur jeu apporte beaucoup à l’écriture. Notre objectif n’était pas de véhiculer une image grossière. Nous voulions rester subtils et que le public s’attache à Dominique et Olivier qui sont davantage qu’un couple homoparental. Nous avons vraiment écrit à l’instinct pour trouver le ton juste.

Si les histoires évitent les clichés, la construction des personnages est elle aussi loin de la caricature…
Nous avons effectivement essayé d’éviter cet écueil. Nous avons juste construit deux personnages : deux hommes qui s’aiment et qui ont construit une famille. L’un est gourmand, l’autre accro au sport et aime prendre soin de son corps. Mais ce sont deux hommes avec leurs incohérences, comme tout le monde. Nous voulions rester réalistes sans tomber dans le cliché.

Dans un épisode, l’un des papas fait tout pour être cité comme le « parent 1 » dans le formulaire scolaire de sa fille. Etait-ce important d’évoquer ce sujet sous une facette différente, plus comique ?
Ce sketch est effectivement un clin d’œil au débat de cette année (sur le remplacement des mentions « père » et « mère » dans les formulaires scolaires par « parent 1 » et « parent 2 » ndlr). Mais il y a ce même débat dans une famille hétérosexuelle : lorsque je remplis une fiche, je ne sais pas si c’est mon mari ou moi qui doit être cité en premier. Il y a dans la série ce genre de débats, vus sous le trait de l’humour. Nous nous nourrissons de ça, même si nous ne collons pas à l’actualité. Mais nous sommes dans l’air du temps. Nous devons écrire de nombreux sketchs, il faut donc puiser dans les petits travers humains, les débats ridicules de la société et tout ce qui fait la comédie.

Quel impact sur le public espérez-vous avec ces nouveaux personnages ?
S’il y a de l’amour et de la bienveillance dans une famille, tout va bien. C’est le message un peu naïf que j’ai. Je veux avant tout faire rire les gens et qu’ils se rendent compte que c’est ça, le plus important.