« Un monde meilleur » : comment a été développée la première série allemande de Canal+

« Un monde meilleur » : comment a été développée la première série allemande de Canal+

09 juillet 2025
Séries et TV
Un monde meilleur
"Un monde meilleur" réalisé par Anne Zohra Berrached et Konstantin Bock StudioCanal

Et si le meilleur moyen de lutter contre la criminalité était de supprimer la prison ? C’est l’hypothèse de la nouvelle série Canal+, Un monde meilleur, une dystopie allemande au souffle politique affirmé. À l’occasion de sa diffusion à partir du 14 juillet, son co-créateur et scénariste Laurent Mercier ainsi que Brice Mondoloni, responsable éditorial « Fiction étrangère » à Canal+, dévoilent les coulisses de cette coproduction européenne, la toute première ayant bénéficié de l’Aide à la co-écriture de coproductions internationales (COCO-I) du CNC à sortir sur les écrans français.


Un monde meilleur est une coproduction européenne ambitieuse. Comment le projet est-il né ?

Laurent Mercier : C’est un projet que j’ai initié il y a environ dix ans. Je suis un auteur français, mais avec des attaches en Allemagne. J’ai suivi une formation appelée « Serialised » à Berlin. C’est là que j’ai rencontré mon épouse et mon co-auteur sur cette série, Alexander Lindh. Nous sommes devenus amis, et nous avons toujours eu cette envie de travailler ensemble. Quand nous avons cherché une idée pour répondre à l’appel à projets du CNC pour l’Aide à la co-écriture de coproductions internationales (COCO-I), nous avons proposé celle d’Un monde meilleur. À partir de là, nous avons écrit un pilote et une bible. Nous avons hésité à produire la série en France avec ARTE, mais finalement, nous avons préféré maintenir la production en Allemagne, car le système carcéral y est plus progressiste que dans l’Hexagone. Nous nous sommes donc associés avec Komplizen Films, et assez naturellement, StudioCanal est entré dans la boucle via StudioCanal Deutschland.

Comment s’est organisée l’écriture à plusieurs mains avec les auteurs allemands ?

L.M : Alexander [Lindh] assure le rôle de showrunner de la série. Après le premier épisode et les arches des personnages, que nous avons écrits en anglais, toute l’écriture s’est faite en allemand. C’était intéressant, car dès le départ, nous avons perçu le sujet du crime et de la prison comme un thème universel. Nous avons souhaité conserver cette ambition pour éviter un ancrage local trop marqué.

J’ai toujours eu en tête l’envie de traiter la prison à la télévision. Mais la difficulté a été de trouver un angle nouveau, au-delà du simple constat sur le dysfonctionnement du système. 
Laurent Mercier
Co-créateur et scénariste

Comment réussir à toucher un large public étranger, notamment français, avec une série à forte identité germanique ?

Brice Mondoloni : Pour nous, le fait que la série se déroule en Allemagne n’a jamais été un frein. Nous n’avons jamais cherché à atténuer son identité germanique ou à y inclure un personnage français, par exemple. Il aurait pu n’y avoir que des auteurs allemands d’ailleurs, cela n’aurait pas été un problème. La présence d’un auteur français facilite le dialogue, mais nous avons l’habitude de travailler avec des auteurs du monde entier : anglais, espagnols, italiens, scandinaves… Et le but n’est surtout pas de « franciser » les projets que nous accompagnons. Quand nous nous intéressons à des projets étrangers, ce qui nous attire, ce sont des histoires locales fortes, capables de résonner auprès d’un public français. C’est ce que nous avons tout de suite repéré dans les premiers scénarios d’Un monde meilleur. Nous sommes bien dans une ville allemande – même fictive – avec ses élus et sa culture locale. Mais par son sujet et ses personnages, la série peut voyager et toucher un public plus large, notamment en France.

Brice Mondoloni, quel est votre rôle en tant que responsable éditorial « Fiction étrangère » à Canal+ ?

B.M : Je m’occupe de la partie artistique et éditoriale des séries que nous achetons ou préachetons pour la France. Canal+ s’internationalise et Un monde meilleur, notre première création allemande, en est le parfait exemple. Nous travaillons de plus en plus avec d’autres territoires grâce à StudioCanal.

 

Quelle a été l’implication de Canal+ Fiction étrangère dans le développement de la série ?

B.M : C’est l’une des premières séries sur lesquelles nous avons collaboré étroitement avec StudioCanal. Cela fait partie de la volonté du groupe, portée par Maxime Saada [Président directeur général de Canal+, ndlr], d’internationaliser l’empreinte de Canal+ en Europe, voire au-delà. StudioCanal est le bras armé du groupe, avec des sociétés de production dans de nombreux pays, notamment en Allemagne. Dès qu’une série nous plaît et que nous y voyons un potentiel pour le public français, nous essayons de nous y investir le plus tôt possible : financièrement, pour en assurer la viabilité, et artistiquement, pour apporter nos retours. Sur Un monde meilleur, nous nous sommes engagés à partir des scénarios. Nous avons rencontré les producteurs, ainsi que Nicolas Loock, le président de StudioCanal Deutschland. Nous y avons vu un sujet à la fois très contemporain et très universel. Ensuite, nous avons accompagné le développement : remarques sur les scripts, puis sur le montage. Nous n’avons rien exigé de « français », mais nous avons suivi la production comme nous le faisons habituellement avec les diffuseurs partenaires.

En quoi l’aide COCO-I du CNC est-elle décisive dans ce genre de collaboration internationale ?

L.M : Cette aide est destinée aux auteurs et intervient au tout début du projet. Sans elle, la série n’aurait sans doute jamais vu le jour, en tout cas pas sous cette forme. Je ne l’aurais probablement pas développée avec Alexander [Lindh], et elle aurait été tout autre.

Quand nous nous intéressons à des projets étrangers, ce sont des histoires locales fortes, capables de résonner auprès d’un public français qui nous attirent. 
Brice Mondoloni
Responsable éditorial « Fiction étrangère » à Canal+

Qu’est-ce qui vous intéressait dans le thème de la prison, ou plutôt de la réinsertion ?

L.M : Au départ, c’est la série américaine Oz de Tom Fontana (HBO) qui m’a donné envie d’écrire des fictions sérielles. Elle parvient à évoquer des personnages très éloignés de nous, et pourtant, le public se sent concerné par ce qui leur arrive. Oz parle de condition humaine, de philosophie, de politique. J’ai toujours eu en tête l’envie de traiter la prison à la télévision. Mais la difficulté a été de trouver un angle nouveau, au-delà du simple constat sur le dysfonctionnement du système. J’ai voulu replacer la prison au cœur de la question sociétale, parler des victimes, pas seulement des criminels. Et l’idée d’anticipation sociale – libérer certains détenus pour les réinsérer – m’a semblé un bon moyen d’aborder ce sujet. C’est ce concept qui a attiré beaucoup de partenaires autour du projet.

L’ambition d’une telle série est-elle de susciter le débat ?

B.M : C’est ce qui nous a convaincus chez Canal+. Une série qui fait réfléchir, sans être didactique ni moralisatrice, mais qui alimente la discussion. Elle ne donne pas de solution toute faite, ce qui est crucial dans nos choix éditoriaux, aussi bien pour nos créations françaises qu’étrangères. Nous voulons des histoires et des personnages qui embarquent le spectateur, qui le divertissent, mais aussi une vraie substance qui amène à la réflexion, surtout dans un registre dystopique.

Après Un monde meilleur, Canal+ compte-t-il développer d’autres séries européennes ?

B.M : Canal+, via le label « Création Originale », coproduit déjà des séries comme Paris Has Fallen [créée par Howard Overman, ndlr], un beau succès l’an dernier. Ce sont des projets initiés par la France, avec des partenaires européens. Et du côté de Canal+ Fiction étrangère, nous sommes de plus en plus impliqués dans des projets européens. Par exemple, Playing Nice, une série britannique produite par ITV avec James Norton, a très bien fonctionné en Angleterre et va arriver en France à la rentrée. C’est une production StudioCanal que nous avons accompagnée dès l’écriture. Face à la concurrence des plateformes de streaming, nous souhaitons être de plus en plus présents en amont sur les projets européens. Pour cela, il faut être très à l’écoute du marché. Donc nous sommes très actifs. Après notre première série allemande, nous allons proposer cet été notre première série tchèque, un biopic romanesque qui s’appelle Fille de la nation [créée par Miro Šifra, ndlr].

 

Un monde meilleur, saison 1 en 8 épisodes, à voir à partir du 14 juillet 2025 sur Canal+

Un monde meilleur StudioCanal

Créée par Alexander Lindh, Laurent Mercier
Écrite par Alexander Lindh, Laurent Mercier, Karin Kaçi, Bahar Bektas, Daniel Hendler, Nora Gantenbrink, Emanuel Tessema, Maryam Zaree et Svenja Viola Bungarten
Réalisée par Anne Zohra Berrached et Konstantin Bock
Sociétés de production : Canal+ (France), StudioCanal Deutschland, Komplizen Films, ARD Degeto, StudioCanal International Distribution Exports, WDR Production, The Post Republic, Film AG

Aide sélective du CNC : Fonds d'aide à l'innovation audiovisuelle - COCO-I

L’Aide à la co-écriture de coproductions internationales de séries (COCO-I)

Cette aide a pour objectif d’accompagner l’écriture de séries de fiction qui ont vocation à devenir de futures coproductions et qui repose sur une collaboration d’auteurs de nationalités différentes. Le Fonds d’aide à l’innovation du CNC fait le pari d’encourager les collaborations naturelles entre auteurs internationaux afin d’augmenter la qualité de l’offre sur le marché en permettant aux auteurs d’être à l’initiative créative de ces projets. Il s’agit d’un forfait de 50 000 € destiné à financer l’écriture d’un pilote mais aussi le travail et la collaboration entre auteurs pouvant résider dans des pays différents.