Cinémutins, la nouvelle plateforme VOD « engagée et participative »

Cinémutins, la nouvelle plateforme VOD « engagée et participative »

01 juillet 2020
Cinéma
Le Filmeur d'Alain Cavalier disponible en VOD sur Cine?mutins
Le Filmeur d'Alain Cavalier disponible en VOD sur Cine?mutins - Camera One - DR

Entretien avec Brice Gravelle, l’un des cofondateurs de Cinémutins, qui nous explique les motivations et les enjeux qui ont conduit au lancement, le 20 juin dernier, de cette plateforme atypique.


À l’origine de cette plateforme VOD, il y a Les Mutins de Pangée, une coopérative audiovisuelle et cinématographique de production et d’édition (DVD, VOD) fondée il y a quinze ans. De quelle nécessité est née cette Scop ?

Notamment de l’impossibilité de voir nos films diffusés sur les chaînes hertziennes. Elle a été créée par quatre anciens de Zalea TV, une télé libre associative, dans le but de produire et éditer en DVD leurs films -j’ai rejoint la Scop pour ma part en 2012. Des sorties en salles ont suivi, certaines couronnées de succès comme Chomsky & Cie (d’Olivier Azam et Daniel Mermet) qui avait réalisé environ 50 000 entrées en 2008. Petit à petit, on a élargi l’offre DVD à d’autres films que nous n’avions pas produits. Puis, en 2014, on a lancé une offre VOD complémentaire sur notre site lesmutins.org.


En quoi la plateforme Cinémutins se différencie-t-elle de votre site ?

Cinémutins est uniquement consacrée à la VOD. Avant, tout était mélangé sur notre site : la vente de DVD, la VOD, notre rubrique « Actualités »... C’est donc pour une question de clarté que Cinémutins est née. Nous nous sommes rendu compte aussi que les publics étaient différents : les consommateurs de DVD ne sont pas ceux de VOD, et inversement.


Votre ligne éditoriale est très tranchée. Pouvez-vous nous la définir en quelques mots ?

Nous défendons clairement un cinéma politique engagé, avec une attention particulière portée à l’histoire sociale. Nos films sont essentiellement des documentaires mais pas seulement. Nous essayons aussi de partager nos coups de cœur pour d’autres cinéastes que nous aimons comme Alain Cavalier ou Jean-François Stévenin, qui ne sont pas précisément politiques.


Pour des indépendants tels que vous, obtenir les droits des œuvres est-il compliqué au vu de la concurrence ?

Au début, en 2014, ça l’a été quand on a voulu sortir de notre petit cercle de producteurs-distributeurs amis. La VOD n’était pas encore aussi bien entrée dans les mœurs qu’aujourd’hui. Progressivement, on a convaincu certains distributeurs de nous rejoindre, je pense à Jour2Fête ou Diaphana. L’idée n’était pas de proposer l’intégralité de leurs catalogues mais de piocher dedans ce qui nous ressemblait le plus. D’autres distributeurs ont suivi le mouvement. Notre intérêt commun, c’est la diffusion des œuvres.


A combien de titres se monte votre catalogue aujourd’hui ?

Environ 650 films.


Quels sont les titres et cinéastes forts ?

Vous voulez nos blockbusters ? (rires) Plutôt que de vous énumérer une liste, je vais vous dire ce qui a le mieux marché ces derniers jours. Il s’agit d'Édouard, mon pote de droite, un documentaire de Laurent Cibien, un vieux copain d’Édouard Philippe qui l’avait filmé pendant la campagne des municipales au Havre, en 2014. Le documentaire était passé incognito en salles en 2016 mais nous l’avions repéré. Depuis qu’Édouard Philippe a été nommé Premier ministre, c’est l’un des films-phare de notre catalogue !


Votre plateforme a peu de fictions. Diriez-vous qu’elle fonctionne plutôt comme une maison d’édition avec des collections diverses, des clubs de réflexion, etc ?

Complètement. Notre but est d’éditorialiser un maximum et de créer des collections pour mieux classer les œuvres parce qu’on a constaté que sur d’autres plateformes, on passait plus de temps à rechercher les films qu’à les regarder ! (rires) On propose par exemple une collection sur la lutte des Noirs américains et une autre intitulée “Devenez patron” qui consiste en une liste de documentaires fournissant des modes d’emploi pour devenir chef d’entreprise.


On imagine que votre but est d’élargir votre public de base. Disposez-vous de moyens suffisants pour être “visibles” et vous démarquer ?

Notre force est d’avoir un public de plus de 20 000 personnes qui nous suit depuis quinze ans. On compte par ailleurs sur la presse, qui nous soutient pas mal, et les réseaux sociaux où nous sommes très actifs. Il se trouve que le confinement a été pour nous assez salutaire, avec une très importante fréquentation sur notre site des Mutins, entre mars et mai. Le lancement de notre nouvelle plateforme a sans aucun doute bénéficié de cet élan.


Le succès des plateformes de streaming telles que Netflix, Disney+ ou Amazon Prime montre que le modèle de l’abonnement mensuel fonctionne bien. Comment inciter les gens à louer ou à acheter de la VOD ?

L’abonnement rend un peu problématique la redistribution juste des droits à laquelle nous tenons. En outre, le modèle Netflix ne permet pas de voir les films quatre mois après leur sortie en salles en raison de la chronologie des médias qui favorise la VOD. Je ne dis pas qu’on n’y viendra jamais, car tout change très vite, mais pour l’instant, la formule location-achat est celle qui nous convient le mieux.


Votre politique tarifaire est-elle dans la moyenne ?

Pile dedans. Il faut payer 4€ de location pour un long métrage (3€ pour les 52mns), 12€ pour acheter une nouveauté cinéma, 8€ pour les autres titres du catalogue (6€ pour les 52mns). Nous avons des mandats de distribution VOD classiques avec une répartition annuelle des recettes. C’est très transparent.


Vous êtes-vous fixés des objectifs pour rentabiliser la plateforme ?

L’objectif est d’abord d’attirer la curiosité d’un maximum de personnes puis d’enrichir notre catalogue, nos contenus... Économiquement, les indépendants tels que nous tenons grâce au soutien du CNC qui tient à la pluralité de l’offre. Sans lui, beaucoup d’entre nous n’existeraient pas.