Comment produit-on un film d’animation ?

Comment produit-on un film d’animation ?

11 juin 2019
Cinéma
Les Hirondelles de Kaboul
Les Hirondelles de Kaboul Les Armateurs - Mélusine Productions - Close Up Films - Arte France Cinéma - RTS KNM 2018
Ivan Rouveure, directeur délégué général des Armateurs (Kirikou, Ernest et Célestine) a bien voulu répondre à cette question à l’heure où sa nouvelle production, Les Hirondelles de Kaboul, va être présenté au Festival d’Annecy.

Animation pour adultes vs Animation tous publics

Avec ses tons pastel et son trait inachevé (déjà la marque de fabrique d’Ernest et Célestine), le film de la comédienne Zabou Breitman et de l’artiste Eléa Gobbé-Mévellec, récemment présenté à Cannes et également sélectionné à Annecy, raconte le terrible quotidien de deux couples en Afghanistan sous le régime des Talibans. L’un est âgé et désabusé, l’autre est jeune et idéaliste. Leurs destins vont finir par se mêler pour le pire...
Signe de la maturité du cinéma d’animation, ce film destiné à un public adulte a été à la fois simple et compliqué à monter. « On savait dès le départ qu’on allait disposer d’un budget inférieur de 20% à un film d’animation familial », explique le producteur Ivan Rouveure. Les raisons en sont simples : le marketing du cinéma d’animation pour adultes n’en est encore qu’à ses débuts, la cible, plus restreinte, et les préventes à l’international plus compliquées à obtenir. À l’arrivée, Les Hirondelles de Kaboul aura disposé d’un budget de 6 millions d’euros contre 9 millions pour Ernest et Célestine.

Coproduction européenne obligatoire

Les Hirondelles de Kaboul est une coproduction européenne tripartite : France (55%), Luxembourg (34%), Luxembourg (11%). « Il est aujourd’hui inenvisageable de trouver 100% du financement en France -le dernier en date était Kirikou et la sorcière. Cela induirait qu’on ne se soucie pas des publics internationaux sur lesquels il faut compter pour l’exportation des films. Avec les pays coproducteurs, on bénéficie a minima mécaniquement d’une exposition chez eux. (…) Je n’aime pas faire de montage avec plus de trois pays car, au-delà, on passe notre temps à faire de la coordination de fabrication au lieu de fabriquer nous-mêmes et de réfléchir au film. »
S’agissant de la contribution française, elle s’appuie avant tout sur Canal+ et Arte. « La particularité de l’animation, c’est de partir d’une base de financement (ici, de 5,766 millions d’euros) qu’on consolide tout au long de la production. Canal+ nous a suivis d’emblée mais il a fallu soumettre trois fois le projet à Arte avant que la chaîne franco-allemande soit de la partie ! Notre faible dépassement de budget, d’environ 400 000€, a ainsi été comblé par la manne d’Arte. En définitive, avec 6 millions d’euros, on est capable de faire un film d’animation en 2D qui ait de la tenue. Il suffit juste de bien se préparer en amont pour éviter au maximum les corrections en cours de tournage qui coûtent du temps et de l’argent. »

Une rémunération ajustée

La fabrication d’un film d’animation prend en moyenne entre deux et trois ans. Au pic de la production, les équipes sont composées d’environ 150 personnes (dans le cas d’un film pour adultes) contre près de 200 (dans celui d’un film familial). Cette masse salariale importante représente environ 60% du budget d’un projet comme Les Hirondelles de Kaboul. Quant aux acteurs de doublage, qui dépendent d’une autre convention collective, s’ils sont mieux payés que les animateurs (les salaires de Simon Abkarian, Zita Hanrot, Swann Arlaud et Hiam Abbass représentent à eux-seuls 1% du budget pour très peu de jours de travail), ils apportent au film une vraie valeur ajoutée.

Rentabilité à moyen et long terme

« Si on ne raisonne que sur la salle, il faut que Les Hirondelles de Kaboul fasse au moins 700 000 entrées avec des frais d’édition raisonnables de 300 000 euros (montant correspondant au tirage des copies et à la promotion, ndlr) », analyse pour finir Ivan Rouveure. Un vrai pari, à ce jour.
« Il faut vraiment assurer des ventes internationales, poursuit Ivan Rouveure. C’est un process assez long, qui va nous prendre une année entière. » L’ambition affichée est de sortir dans une vingtaine de territoires contre soixante pour Ernest et Célestine et cent pour Kirikou et la Sorcière ! « Le gros des ventes du premier Kirikou s’était étalé sur trois ans », rappelle malicieusement le producteur…